Citoyens et entreprises bientôt priés de mieux recycler, moins gaspiller et "déconsommer"

De nombreuses dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, en cours de discussion au Parlement, pourraient enfin inscrire ce pilier du développement durable dans le quotidien des citoyens, voire du modèle économique des entreprises.
Giulietta Gamberini
(Crédits : Arnd Wiegmann)

Le concept, fondé sur la nécessité de limiter la consommation des ressources naturelles, a été défini dès 2015 par la loi de transition énergétique, qui avait déjà reconnu l'économie circulaire comme un objectif national. Depuis, ce pilier du développement durable peine toutefois à se frayer une place dans l'opinion publique, à côté de la prise de conscience de la crise climatique et bien au-delà de l'urgence du tri et du recyclage à laquelle il est souvent réduit.

Amazon sous pression

 2020 s'annonce toutefois comme l'année de la consécration de cette notion dans toute sa complexité. Et ce, encore via un texte législatif: le projet de loi relatif à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, présenté en juillet en conseil des ministres et examiné en première lecture par les deux chambres du Parlement tout au long du deuxième semestre 2019. Le gouvernement, pour qui il doit incarner l'intérêt de l'acte II du quinquennat pour l'urgence écologique, le prépare depuis 2017, lorsqu'il a lancé l'élaboration d'une feuille de route pour l'économie circulaire, finalisée en 2018.

Le débat parlementaire et sociétal autour du projet de loi a, jusqu'à présent, été parasité par une mesure proposée par le ministère de la Transition écologique: la mise en place d'un système de consigne des emballages des boissons, visant à en encourager le réemploi et/ou le recyclage. Controversé, son sort reste à ce jour encore incertain. Mais le texte présenté par le gouvernement et enrichi par les parlementaires va en réalité plus loin. Il prévoit nombre d'autres dispositions censées non seulement contribuer à la réduction des déchets produits en France au rythme de cinq tonnes annuelles par habitant, mais aussi susceptibles d'inscrire la lutte contre le gaspillage des ressources dans le quotidien des citoyens, voire du modèle économique des entreprises. Le marché en anticipe déjà quelques-unes.

Parmi celles-ci, l'interdiction de la destruction des invendus non alimentaires - déjà en vigueur pour les aliments -, promise dès janvier par la secrétaire d'État Brune Poirson, « choquée » par un épisode de l'émission Capital qui montrait le caractère courant de cette pratique chez Amazon. L'objectif est d'obliger les distributeurs à donner ces invendus à des associations, ou du moins à les recycler.

Même avant que la loi ne soit adoptée, la menace d'une telle contrainte, censée entrer en vigueur entre 2021 et 2023, couplée à la pression des consommateurs, a déjà suffi à bousculer les géants de l'e-commerce. Cdiscount communique autour de ses politiques de valorisation des invendus et des retours via les associations Emmaüs et Envie, et vient de souscrire un partenariat avec la plateforme de dons entre particuliers Geev afin d'inciter ses clients à donner les produits qu'ils n'utilisent plus. Amazon lui-même a annoncé qu'il compte automatiser le don des invendus stockés en France dès 2020.

Freiner l'obsolescence programmée

Le texte législatif s'empare également de la lutte contre l'obsolescence programmée, jusqu'à présent laissée à l'initiative d'associations telles que Hop. Au menu du projet de loi figure notamment la création d'un « indice de réparabilité » des produits électriques et électroniques, construit sur le modèle de l'étiquette énergie, et obligatoire à partir de 2021. Grâce à cette mesure, ainsi qu'à un ensemble de dispositions allongeant la durée de la garantie et facilitant l'accès aux pièces détachées, le gouvernement espère faire passer le taux de réparation des produits électriques et électroniques de 40% à 60% en cinq ans.

Le projet de loi prévoit même, à compter de 2024, un indice encore plus global de « durabilité », incluant des critères tels que la fiabilité et la robustesse du produit. Dans ce domaine aussi, le marché semble accompagner la transition, confortant le pari du texte. Preuve en est, par exemple, le développement de la startup de réparation du gros électroménager Murfy, qui, depuis sa création en août 2018, ne cesse de s'étendre géographiquement, avec pour objectif de couvrir 75% du territoire français avant la fin 2020. Elle vient de lever 2 millions d'euros auprès d'investisseurs privés, et de lancer une campagne de crowdfunding pour récolter 600 000 euros supplémentaires.

Encore, diverses dispositions ont été proposées visant à décourager l'achat de produits neufs et à encourager celui de biens d'occasion, qui, si elles étaient adoptées, viendraient refléter, voire amplifier une tendance sociétale croissante. Ce serait le cas de la vente en pharmacie de médicaments à l'unité dès 2022 - déjà évoquée par Emmanuel Macron lors de sa campagne présidentielle. Ce serait aussi le cas de la création, suggérée par un collectif d'associations, d'un fonds pour le réemploi et la prévention des déchets, destiné à permettre l'ouverture de quelques milliers de ressourceries et recycleries. Aux alentours du Black Friday, les députés ont même adopté un amendement visant à encadrer les campagnes de promotion : une initiative faisant écho au succès croissant de contre-mouvements tels que Green Friday, un événement citoyen anti-Black Friday.

Du retard sur la réduction du plastique

Selon les ONG environnementales, un volet fondamental de l'économie circulaire n'est toutefois pas suffisamment prévu par le texte, qui pourtant scelle la promesse de campagne du président de la République d'atteindre 100 % de plastique recyclé en 2025 : la réduction du plastique à usage unique. Certes, les députés ont voté des amendements qui visent à interdire le plastique dans les fast-foods dès 2022 et 2023, voire fixent en France « un objectif de tendre vers la fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040 ». Mais l'avenir de ces dispositions reste menacé par la ferme opposition des fabricants d'emballages et de plastique. Les parlementaires ont d'ailleurs déjà profité du projet de loi économie circulaire pour tenter d'annuler ou de repousser les délais de certaines des interdictions d'objets en plastique à usage unique prévues par la loi alimentation en 2018, dénonce le WWF France.

Dans ce domaine, les consommateurs prendront probablement le relais en 2020. Les pétitions et les actions contre le plastique à usage unique se multiplient en France comme partout, et remportent un succès croissant. Préoccupées pour leur réputation, les grandes marques intensifient donc leurs annonces à propos de la recyclabilité ou du caractère recyclé de leurs emballages. En France, elles travaillent même à l'intégration de ces informations dans les codes-barres de leurs produits. Ces données pourraient ainsi ensuite être utilisées par des applications de notation telles que Yuka, aujourd'hui téléchargée par 14 millions de personnes dans six pays différents. Et cela profiterait sans doute à l'économie circulaire.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 07/01/2020 à 19:55
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afin de limiter la pollution liee a la consommation, je propose de diminuer de 30% le salaire des rentiers de la republique, et de couper toutes les aides sociales........ ah ben non, la gauche et les syndicats sont contre, ils pensaient plutot limi...

à écrit le 07/01/2020 à 12:28
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une seule réponse réelle : la décroissance, le reste : du pipeau pour la défense du système actuel.

à écrit le 07/01/2020 à 9:17
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La pollution c'est de la marge bénéficiaire, le dumping social imposé par l'oligarchie mondiale a générer des produits moins chers mais qu'ils vendent en plus grand nombre multipliant les marges bénéficiaires la fameuse "valeur ajoutée" que l'on pour...

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