Faire de la sobriété une opportunité

Les Universités d'été de l'Economie de demain, organisées depuis quatre ans par le Mouvement Impact France, se sont tenues le 30 août à la cité internationale universitaire, à Paris. Le thème choisi : « Sobriété, j'écris ton nom », a mobilisé plus d'un millier de personnes et de nombreux experts, économistes, chefs d'entreprises et ministres... Avec un mot d'ordre : le dérèglement climatique ne faisant qu'exacerber les injustices existantes, tant au niveau mondial qu'au sein de chaque pays, les efforts en matière de nouvelle sobriété - choisie plutôt que subie - devront être justes pour être efficaces. Et fondés sur le triptyque citoyens, Etat et entreprises. Sans oublier la planification et un narratif positif...
(Crédits : DR)

Il y a urgence : que ce soit les derniers évènements climatiques - vagues de chaleur, incendies, inondations -, ou géopolitiques, la guerre en Ukraine ayant renforcé le renchérissement du prix de l'énergie et des matières premières, dont celles qui servent à l'alimentation, l'actualité concourt à mettre en lumière un impératif longtemps occulté, celui d'une sobriété plus grande, dans la consommation en générale et dans celle de l'énergie en particulier. Mais si de plus en plus de citoyens sont convaincus de la nécessité de préserver la planète, sont-ils prêts pour autant à changer de vie et de comportement pour ce faire ?

Alors que la suspension des activités économiques pour lutter contre la pandémie de Covid-19 aurait permis une baisse de 5% des émissions de CO2 à travers la planète, « il nous faudrait un Covid tous les ans pour respecter l'Accord de Paris sur le climat d'ici 2050 », n'a pas hésité à tonner Jean-Marc Jancovici, président du think tank The Shift Project, aux Universités d'été de l'Economie de demain, qui se sont tenues le 30 août à la cité internationale universitaire, à Paris, sur le thème de la sobriété. Un Accord de 2015 qui vise à maintenir l'augmentation de la température moyenne de la planète bien en dessous de 2 degrés par rapport aux niveaux préindustriels, et de préférence de limiter la progression à 1,5 degré, par le biais d'une réduction des émissions de 45% d'ici 2030, pour atteindre un objectif de zéro émission nette d'ici 2050. Or clairement, les citoyens semblent plutôt vouloir oublier la période Covid, si l'on en juge par le regain d'activités et de loisirs ces derniers mois...

Pis, l'affaire se complique dès que l'on parle de mesures à prendre. Comme l'a rappelé Nadia Maïzi, directrice du Centre CMA MINES ParisTech / PSL et l'une des auteurs du 6e rapport du GIEC, non seulement le dérèglement climatique exacerbe les injustices sociales déjà existantes, les moins bien lotis étant les plus affectés dans le monde comme en France, mais en plus, les débats ont parfois tendance à se centrer sur des thèmes - on pense à la polémique sur les jets privés cet été - qui font peu avancer les choses. Il n'en reste pas moins que les efforts, en matière de sobriété, devront être justement répartis si l'on veut qu'ils soient acceptés par tous et surtout, efficaces. Ce qui requiert, entre autres, un narratif positif, ou, comme le dit Jean Moreau, cofondateur et PDG de la société Phenix et coprésident, avec Eva Sadoun, du Mouvement Impact France, organisateur depuis quatre ans des Universités d'Eté de l'Economie de demain, la nouvelle sobriété doit être « sexy »... Autrement dit, chaque citoyen, chaque entreprise, chaque Etat doit ressentir de la fierté à agir en ce sens...

Certes, mais attention, cette nouvelle sobriété implique d'une part davantage d'investissements, notamment en infrastructures, pour permettre, grâce à suffisamment de bornes de recharge (sans parler de prix abordables), par exemple, aux citoyens de troquer leur véhicule thermique contre une voiture électrique, et, d'autre part, de nouvelles formes de consommation, plus circulaires, et, de manière générale, moins de consommation... De quoi inciter les autorités, comme l'a précisé Eric Monnet, directeur d'étude à l'EHESS, professeur à l'Ecole d'économie de Paris et lauréat du prix du meilleur jeune économiste 2022, à revisiter le modèle de protection sociale français, afin de le rendre plus juste - tout en anticipant, puisqu'il est fondé sur une croissance des revenus, une baisse de ces derniers... Autant dire qu'une vaste planification devra être au rendez-vous. Or elle semble encore balbutiante... Car si tous les petits gestes comptent, encore faut-il, pour rendre la transformation systémique, revoir effectivement le système dans son ensemble et de façon très profonde.

Leadership des entreprises

Cela dit, les entreprises n'ont pas forcément attendu cette nouvelle vision de la France pour agir. Entre réglementation accrue et demande pressante des consommateurs et des salariés, nombre d'entre elles - et certaines sont venues témoigner le 30 août - ont pris des initiatives, les unes pour réduire leur consommation d'énergie dans leurs procédés de fabrication, les autres pour proposer des produits sourcés plus localement, recyclables et plus durables, d'aucunes pour revoir leur gouvernance, voire pratiquer une autre forme de sobriété, consistant à réduire les écarts de salaires entre dirigeants et salariés de la base. Elles ont donc pris le leadership, et un leadership partagé, qui plus est, puisque les solutions mises en œuvre sont co-construites avec les parties prenantes, dont les salariés.

Ainsi, parmi les nombreux témoignages, InovaYa vise à maximiser la réutilisation des eaux de process de l'industrie, Oé livre ses vins bio dans des casiers réutilisables, pour éliminer les emballages en carton à usage unique, et la coopérative Commown propose à ses clients des formules de location pour des appareils électroniques, réparables et plus durables, avec pour objectif de faire vivre ces appareils le plus longtemps possible.

Un Etat qui se dit engagé

Quant au personnel politique, largement représenté, avec, notamment, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l'Artisanat et du Tourisme, Clément Beaune, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé des Transports, et Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargé de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative de France, il est venu dire combien chaque membre du gouvernement, chaque élu, prenait toutes ces questions à cœur, dans toute leur complexité.

Les chausse-trappes sont cependant nombreuses. Ainsi, l'économie de proximité peut apparaître comme la solution, mais c'est un leurre si le « restau du coin » sert des produits exotiques, sur des tables faites en bois venu du bon du monde, avec des couverts ayant utilisé du métal et de l'énergie chers pour leur fabrication, a rappelé Olivia Grégoire.

« La sobriété est l'un des leviers de la lutte contre le dérèglement climatique, mais ce n'est pas le seul, a ajouté Clément Beaune. Le gouvernement mise aussi sur une croissance verte. »

Une croissance économique qui devrait prendre corps à la faveur de la rénovation des parcs de logements, d'une action pour la mobilité douce, adaptée en fonction des besoins des territoires (train, autopartage, vélo...), de la mise en place accélérée de filières pour l'hydrogène et les biocarburants... Enfin, Marlène Schiappa veut se battre pour que ceux qui choisissent des métiers solidaires, sociaux, porteurs de sens ne soient pas moins rémunérés que les autres...

Des initiatives de la part des entreprises, des promesses de la part du gouvernement, mais aussi, clairement, un élan, partagé par le millier de personnes venues assister aux quatrième Universités d'été de l'Economie de demain. Pour que demain, la sobriété ne soit pas subie mais choisie, qu'elle soit porteuse de sens et d'avenir, un avenir meilleur, et plus juste, pour tous.

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Commentaire 1
à écrit le 07/09/2022 à 16:05
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Je suppose qu'il a était question de remettre en cause "la politique de l'offre" reconnaissable par ses indispensables publicités et d'y mettre un terme afin de ne répondre qu'aux véritables besoins de nos concitoyens!:-)

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