Signe que l'élection présidentielle approche, les interventions se multiplient sur l'avenir énergétique de la France. Pour cause : alors qu'une transition sera nécessaire pour remplir les objectifs climatiques du pays (de -40% d'émissions de gaz à effet de serre en 2030), le sujet prend une tournure politique - sinon polémique. Et imprègne le débat public, glissant vers une équation à deux inconnues : doit-on privilégier les éoliennes, source d'énergie renouvelable mais de plus en plus critiquées, ou les centrales nucléaires, productrices d'énergie décarbonée, mais non renouvelable et génératrice de déchets radioactifs ?
La question agite les débats, et les candidats ne manquent pas de s'en emparer. Parmi lesquels Xavier Bertrand (ex-LR), candidat déclaré à la présidentielle de 2022 : vent debout contre l'implantation de nouvelles éoliennes, le président des Hauts-de-France a plaidé mardi, en visite à Thouaré-sur-Loire (Loire-Atlantique), pour la relance d'un programme nucléaire « digne de ce nom », nécessaire « pour rester indépendant et pour que l'électricité arrête d'augmenter dans notre pays ». En chantre de l'écologie « du bon sens », il s'est attaqué à ceux qui se préoccupent plus du « risque nucléaire » que du « risque climatique ».
Une réaction aux propos tenus la veille par Emmanuel Macron, lors de son déplacement en Polynésie. A neuf mois de l'élection nationale, le président de la République a en effet réaffirmé son soutien au nucléaire, une « chance » pour la France, a-t-il souligné au micro de France Info. Insuffisant pour Xavier Bertrand, le chef de l'Etat ne s'étant pas positionné sur le lancement, ou non, de nouveaux EPR (European Pressurized Reactor, des réacteurs nouvelle génération) sur le territoire - alors que celui en cours de construction à Flamanville multiplie les déboires -, préférant remettre la question à la prochaine mandature.
« Il dit "le nucléaire c'est bien". Alors, que l'on choisisse dès maintenant de lancer les nouveaux EPR et qu'on n'attende pas », a ainsi réagi Xavier Bertrand.
Pragmatisme au cas par cas pour les éoliennes
Car pour le candidat de droite, hors de question de privilégier l'énergie éolienne plutôt que l'atome pour décarboner le mix français. Afin de marquer sa désapprobation à cette source d'énergie et freiner l'implantation de nouveaux parcs, il s'est même déclaré pour « un soutien massif » aux associations anti-éoliennes dans sa région - la première du pays, devant le Grand Est, en nombre d'éoliennes terrestres, avec près de 2.500 infrastructures installées, soit le quart du territoire national.
« Aujourd'hui, c'est le pot de terre contre le pot de fer. Moi, je suis du côté du pot de terre, et on va financer les associations anti-éolien dans la région des Hauts-de-France », a-t-il asséné. Et de marteler : « Si on veut que la politique pro-éolienne s'arrête, il faudra changer de président l'an prochain » .
Emmanuel Macron a pourtant repris, lors de son intervention en début de semaine, certaines des critiques des anti-éoliens, préférant mettre en avant l'énergie solaire, source de « moins de nuisances ». Encombrantes, inesthétiques, intermittentes, génératrice de déchets ou encore dangereuses pour les oiseaux migrateurs... Force est de constater que le vent semble tourner en défaveur de ces géants à pales pour une partie de l'opinion publique - même si, selon une enquête de Harris Interactive menée fin 2020, 76% des Français ont une perception positive des parcs éoliens. Face à ces controverses, Macron a ainsi défendu « le pragmatisme au cas par cas » afin de ne pas « abîmer nos paysages », « une part de notre identité ». Et fait explicitement allusion aux Hauts-de-France dans son entretien, pour prôner une meilleure concertation locale.
Peu convaincu, Xavier Bertrand a réclamé un passage à l'acte : « Qu'il donne instruction demain aux cinq préfets [de la région, ndlr] de bloquer maintenant tous les projets éoliens », sans quoi « c'est juste des déclarations, c'est juste de la communication », a-t-il réagi.
Sujet de campagne
En mai et juin derniers, le débat avait déjà secoué la campagne des élections régionales, des personnalités politiques issues de la majorité présidentielle, de la droite et de l'extrême-droite critiquant l'énergie éolienne. Droit dans ses bottes, Xavier Bertrand avait alors fustigé un « développement anarchique au mépris des populations » et « un scandale national ». Une « lubie des Verts », s'était même moqué le député LR du Loir-et-Cher Guillaume Peltier.
Le Rassemblement national (RN) n'était pas en reste, se positionnant en défenseur des « citoyens sacrifiés » par le déploiement de ces infrastructures. Candidate du parti pour 2022, Marine Le Pen avait ainsi regretté « une politique d'installation massive qui va inexorablement changer le visage » du pays, tandis que son numéro deux Jordan Bardella avait réclamé un moratoire sur les implantations d'éoliennes en Ile-de-France - une région pourtant en retard sur le sujet.
Pour se défendre, le ministère de la Transition écologique avait, entre autres, publié un « vrai/faux » sur les éoliennes terrestres, et regretté la circulation de « nombreuses fake news » sur le sujet. Fin juin cependant, une nouvelle réglementation à l'initiative du ministère des Armées avait porté un coup à la filière, en augmentant le périmètre autour des radars militaires à 70 km, contre 30 km précédemment. De quoi contrarier le plan du gouvernement de doubler le parc éolien terrestre en sept ans.
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ENCADRÉ : Macron reconnaît la « dette » de la France envers la Polynésie sur les essais nucléaires
En déplacement à Papeete, Emmanuel Macron a affirmé que la France avait « une dette » à l'égard de la Polynésie française pour avoir réalisé 193 essais nucléaires dans le Pacifique pendant 30 ans, jusqu'en 1996. Dès 1966, la France a en effet transféré son champ de tir du Sahara vers l'immense archipel, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa. « J'assume et je veux la vérité et la transparence avec vous », a ainsi affirmé mardi le chef de l'Etat, en s'adressant aux responsables polynésiens. Reconnaissant que ce dossier sensible affectait « la confiance » entre Papeete et Paris, il a notamment annoncé que les victimes de ces essais, dont certains souffrent de cancer, devaient être mieux indemnisées. Dans son discours, le président n'a cependant pas fait la demande de pardon exigée par des associations de victimes ou le chef indépendantiste Oscar Temaru, à l'initiative d'une manifestation ayant réuni plusieurs milliers de personnes dans les rues de Papeete le 17 juillet. « Je pourrais me débarrasser du sujet en disant "excuses", comme on le fait quand on bouscule quelqu'un pour pouvoir continuer sa route, c'est trop facile. Et c'est trop facile pour un président de la République de ma génération de dire en quelque sorte : mes prédécesseurs ont eu tort, le pire a été fait, excuses et indemnités », a-t-il déclaré. En réaction, tandis que le père Auguste Uebe-Carlson, à la tête de l'association 193, a dénoncé la « démagogie » d'Emmanuel Macron, le président de la Polynésie, l'autonomiste Edouard Fritch, s'est félicité que le chef de l'Etat français veuille « enfin que la vérité soit mise sur la table » après « 25 ans de silence ».
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