C'était une promesse de Jean Castex. Devant le Sénat le 16 juillet dernier, le Premier ministre avait promis d'investir dans les technologies vertes de demain, prenant l'hydrogène en exemple. Deux mois plus tard, dans le cadre du plan "France Relance", près de 7 milliards d'euros serviront au "décollage" de la filière de l'hydrogène vert dans les dix prochaines années.
" Un investissement global de 3,4 Md€ est prévu pour le financement de cette stratégie d'ici 2023, et jusqu'à 7,2 Md€ d'ici à 2030. 2 Mds€ sont inscrits dans le plan de relance, et ces crédits seront complétés par des apports du 4e programme d'investissements d'avenir (PIA4)", est-il écrit dans la synthèse des mesures du plan à 100 milliards d'euros.
"Un signal fort" envoyé par le gouvernement
Aujourd'hui, 95% de l'hydrogène, carburant pour trains, vélos, voitures et demain pour les avions, reste fabriqué à partir d'électricité alimentée en énergies fossiles - hydrogène gris - quand moins de 5% est produit à partir de nucléaire - hydrogène jaune ou bas-carbone - ou d'énergies renouvelables - hydrogène vert -.
Cette annonce intervient après l'interview présidentielle du 14-Juillet au cours de laquelle le président Macron avait évoqué à trois reprises la filière hydrogène, et surtout après l'Union européenne qui a présenté le 8 juillet son plan de développement de l'hydrogène propre, et l'Allemagne qui a annoncé dès le 11 juin mettre 9 milliards d'euros sur la table dans ce domaine. Au printemps, la Chine et le Portugal présentaient, eux, le déblocage de 14 et de 7 milliards d'euros.
Dans une déclaration transmise à la presse, le président de l'association française de l'hydrogène et de la pile à combustible (AFHYPAC, 190 membres, entreprises et collectivités) se félicite de "ce signal fort" envoyé par le gouvernement.
"Ce soutien va permettre à la France de changer d'échelle, de prendre une place de premier plan dans l'économie bas-carbone de demain et de s'intégrer pleinement dans la dynamique européenne", écrit Philippe Boucly.
Car depuis le 1er juin 2018 et le lancement du plan Hydrogène de 100 millions d'euros par l'ancien ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, l'Etat n'avait pas réinjecté de liquidités pour soutenir le chemin tracé par les industriels du secteur. Certes un appel à manifestation d'intérêt "projets d'envergure sur la conception, la production et l'usage de systèmes à hydrogène" piloté par le Secrétariat général pour l'investissement (SGPI) doit permettre d'écrire les cahiers des charges des appels à projet qui devraient être lancés par l'Agence pour la transition écologique (Ademe) d'ici à fin 2020, mais les espèces sonnantes et trébuchantes se faisaient attendre.
Une stratégie qui passe par trois leviers
Ce qui fait dire au porte-parole de la filière qu'"une nouvelle étape est franchie aujourd'hui avec la reconnaissance de l'hydrogène comme industrie stratégique à part entière, créatrice de valeur et d'emplois sur le territoire national, vecteur de réindustrialisation". "Le montant annoncé du soutien à l'hydrogène, en ligne avec les propositions de la filière, matérialise la continuité de l'action publique", ajoute Philippe Boucly. "Il illustre également la prise de conscience par les pouvoirs publics d'une urgence à investir maintenant pour déployer des capacités de production en France", conclut-il.
La stratégie nationale de l'hydrogène passera par plusieurs leviers: soutien aux projets portés par les entreprises dans les territoires, afin notamment de favoriser l'émergence d'une offre française de solutions hydrogène ; mise en place d'un mécanisme de soutien à l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau par appel d'offres et complément de rémunération ; mise en place d'un projet commun européen (IPCEI)3 en vue de soutenir l'industrialisation sur le territoire et le développement de démonstrateurs.
Les parties prenantes travaillent déjà à faire participer la France à ce projet européen IPCEI (Important projet of common european interest, Ndlr) de soutien à la recherche et à l'innovation. Autrement dit, que la filière de l'hydrogène soit identifiée comme telle par l'Union européenne, afin que les règles d'Etat soit allégées et que ce dernier puisse aider plus facilement cette industrie sans contrevenir aux règles du marché international. "Je n'ai plus de doute sur le fait que la France en fera partie. Le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire s'exprime tous les quatre matins sur le sujet", relève le président de l'AFHYPAC.
"Nous devons être à la hauteur de la concurrence mondiale. L'hydrogène, c'est de la production en France, de l'emploi dans les territoires. Le changement de paradigme doit se faire, et cette énergie remplit tous les critères", appuie le député (LREM) Michel Delpon, président du groupe d'études hydrogène à l'Assemblée nationale.
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