Nucléaire ou renouvelables, est-ce vraiment la question ?

En se focalisant sur la question de l'offre en énergie et de son mode de production, le débat risque d'ignorer les solutions, celles qui existent et celles qui restent à inventer, pour réduire la demande.

Les énergies renouvelables peuvent-elles remplacer le nucléaire ? C'est le plus souvent en ces termes que l'on pose le débat  sur la place de ces deux sources d'énergie. Mais, en dehors du fait que ce sont les seules à produire de l'énergie sans émettre de CO2, donc compatibles avec la lutte contre le changement climatique, tout ou presque les oppose. Il n'est guère envisageable de remplacer rapidement l'un par les autres, et cela semble même utopique pour certains usages. Mais les arguments le plus souvent invoqués sont aussi ceux qui prêtent le plus le flanc à la critique.

Intermittentes

Le nucléaire offre une grande disponibilité (85 % en moyenne) qui lui permet d'alimenter en permanence les utilisateurs de toutes natures, du TGV aux cimenteries en passant par les convecteurs électriques qui équipent massivement les logements français. A l'inverse, les énergies renouvelables les plus répandues, l'éolien et le solaire, sont des sources d'énergie intermittentes, qui par définition ne produisent que lorsque le vent souffle (30 % de disponibilité) ou le soleil brille (20 % en France). On estime à 150 MW la capacité solaire installée pour compenser 50 MW de nucléaire. Pour assurer une production d'énergie constante, il faudrait donc utiliser en parallèle des solutions de « backup » alimentées par des sources conventionnelles.
Les énergies renouvelables ne peuvent donc répondre à la demande lors des pics de consommation, de plus en plus fréquents et de plus en plus élevés, ni répondre à des demandes de fortes puissances, telles que le TGV ou certaines industries électro-intensives. La biomasse, seule technologie renouvelable prévisible et capable de produire en continu, reste peu développée en France, et les installations existantes ont des puissances encore faibles au regard des centrales thermiques ou nucléaires.

Des solutions de stockage encore insuffisantes
A l'inverse, il peut arriver que les énergies renouvelables produisent plus que le réseau ne peut absorber à un instant t. En l'absence de solutions de stockage, cette énergie est exportée s'il y a une demande, mais le plus souvent perdue. Sur ce point, une meilleure interconnexion transfrontalière permettrait d'absorber une plus grande partie de cette production intermittente, les éoliennes de mer du Nord produisant rarement en même temps que les panneaux solaires du Sud de l'Europe. Ce système est d'ailleurs testé à plus petite échelle en Allemagne sous le nom de KombiKraftWerk.
Quant au stockage, on voit apparaître des solutions à base d'hydrogène, mais à ce jour la seule solution éprouvée à grande échelle est celle du « pompage-turbinage ». Il s'agit de pomper de l'eau pour la stocker dans des réservoirs en hauteur grâce à l'énergie produite, et à la relâcher en la faisant passer par des turbines au moment où l'on a besoin de cette énergie. Une solution adaptée aux pays montagneux équipés de barrages comme l'Autriche ou la Norvège, qui y recourent massivement.
Même techniquement, la capacité du réseau électrique à les absorber constitue un des principaux freins à une utilisation massive des énergies renouvelables.

L'avènement des réseaux intelligents doit remédier en partie à ce problème, en donnant au gestionnaire du réseau des outils pour équilibrer en permanence l'offre et la demande. L'installation de compteurs par exemple lui permettra d'obtenir en temps réel une photographie précise de la consommation nationale à l'instant T, et d'ajuster la production d'énergie conventionnelle de façon à absorber plus de renouvelables. A l'inverse, l'effacement électrique permet, via des agrégateurs de consommateurs individuels ou industriels, de décaler une partie de la consommation dans le temps en cas de pic de demande.

Vraiment plus coûteuses ?

Mais le principal argument des opposants aux énergies renouvelables est celui du coût. Il est vrai que l'électricité française (d'origine nucléaire à 75 %) est l'une de moins chères d'Europe. Mais ce prix modéré est le résultat d'un parc existant largement amorti. Or les mesures de sûreté supplémentaires imposées depuis l'accident de Fukushima vont alourdir la facture. Sans compter la prise en compte de coûts afférents d'ores et déjà été plusieurs fois révisés à la hausse, qu'il s'agisse du site d'enfouissement des déchets, du démantèlement ou de la prochaine génération, les EPR. Le rapport de la Cour des Comptes paru il y a quelques semaines, supposé décrypter le « vrai coût du nucléaire » n'a pas vraiment permis d'élucider tous ces points, faute de chiffres fiables disponibles.
Les renouvelables de leur côté restent encore massivement subventionnées et pèsent lourd dans la facture d'électricité. Le mégawattheure est à 60 euros en moyenne au prix de gros, 42 euros pour le nucléaire si l'on se réfère à la loi Nome (nouvelle organisation du marché de l'électricité). En comparaison, l'éolien terrestre coûte 80 euros et le solaire photovoltaïque de 300 à 600 euros. Entre ces deux extrêmes, la biomasse se situe entre 120 et 140 euros et l'éolien offshore, pour lequel les résultats de l'appel d'offre doivent être publiés en avril, devrait se situer autour de 170/180 euros le MGh.

Les courbes de prix finiront par se croiser


Pourtant, l'éolien approche de la parité réseau (un prix équivalent à celui de l'énergie conventionnelle) dans de nombreux pays, et le solaire y parvient également dans les régions les plus ensoleillées. Les acteurs de ces filières entrevoient dans un avenir proche la possibilité de se passer des subventions, qui baissent un peu partout en Europe, y compris en France où un moratoire sur le photovoltaïque a été instauré fin 2010 pendant plusieurs mois. L'effondrement des coûts et la situation de surcapacité observés depuis deux ans ont provoqué la faillite de plusieurs acteurs historiques du secteur solaire. Mais pour ceux qui sauront passer le cap, la parité réseau (même plus longue à atteindre dans un pays où l'électricité est peu chère comme la France) en sera d'autant plus rapide. Les courbes de prix du nucléaire et des énergies renouvelables finiront donc par se croiser.

Solutions d'avenir créatrices de valeur et d'emplois

D'ailleurs, à l'échelle mondiale, ces dernières continuent d'attirer les investisseurs. En 2010, elles ont mobilisé plus de 210 milliards de dollars dans le monde, et représenté plus de la moitié des nouvelles capacités installées. A l'échelle mondiale et à moyen et long termes, ces filières sont promises à un bel avenir, et certains observateurs estiment qu'il est grand temps que les industriels français s'y positionnent. Ce qui semble encore possible sur l'éolien offshore, malgré le retard accumulé sur les leaders européens comme l'Allemagne, le Danemark ou le Royaume-Uni.

Mais en France, la stabilité du cadre tarifaire et surtout réglementaire indispensable pour attirer les investisseurs et développer une filière est loin d'être acquise. Et les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement restent modestes, notamment en comparaison des puissances déjà installées en Allemagne, qui a créé 370.000 emplois dans le secteurs. D'ailleurs, même l'objectif de 23 % fixé pour 2020 dans le cadre du paquet climat énergie européen n'est pas garanti. A huit ans de l'échéance, la France n'en est encore qu'à 12,9%.

Le potentiel des économies d'énergie

Pour autant, alors même que seulement 22 % de l'électricité allemande était d'origine nucléaire (contre 75 % pour la France), l'Allemagne devra très probablement recourir massivement au gaz russe (ce qui limite fortement son indépendance énergétique) et même sans doute au charbon (ce qui est contraire à ses objectifs de réduction d'émissions de CO2) avant de pouvoir compter exclusivement sur les énergies renouvelables.
De part et d'autre du Rhin, plutôt que (et dans tous les cas, avant) de se focaliser sur le nucléaire et les renouvelables, une partie de la solution semble plutôt résider dans les gisements d'économies d'énergie. Surtout en France, où, à usage égal, notre facture est d'un quart supérieure à celle des Allemands. L'association négaWatt a ainsi publié récemment un scénario estimant à 65 % les économies d'énergies réalisables d'ici à 2050, 91 % d'énergies renouvelables et une sortie définitive du nucléaire vers 2033...


Retrouvez ici notre dossier spécial Fukushima

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Commentaires 30
à écrit le 06/12/2012 à 10:40
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Impressionnant de voir un article rédigé en mars 2012, avec des chiffres et des à priori aussi anciens... Y a t il encore des gens qui arrivent à croire que le vent ne souffle que un jour sur trois et que le soleil nous éclaire un jour sur cinq (le r...

le 06/12/2012 à 12:08
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"Faire croire que le renouvelable est financé par des fonds publics et occulté le fait que les centrales nucléaires sont sortie de terre toutes seules comme des grandes est assez lamentable.." Je voulais écrire "et laisser penser que les centrales nu...

à écrit le 14/09/2012 à 22:46
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Cet article contient 1 chiffre complètement délirant. Il est annoncé que l'Allemagne a créé 370000 emplois dans le secteur des ENR. Le journal allemand Bild table plutôt sur 70000 emplois dans le bâtiment (économies d'énergie) et 90000 dans solaire +...

à écrit le 17/05/2012 à 16:14
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Les Allemands on choisi de faire leur transition énergétique, on saura très vite si c'est viable ou non. En tout cas c'est toujours plus intéressant de tenter le coup plutôt que de finir comme les Japonais. Hollande veut faire une relance par l'inves...

à écrit le 14/04/2012 à 16:15
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cet article fait preuve de beaucoup de naïveté à l'égard de l'intox des industriels du renouvelable : il cite des prix de kWh très largement inférieurs à la réalité (par exemple, le kWh éolien offshore qui ressort de l'appel d'offre français dépasse ...

à écrit le 13/04/2012 à 22:06
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Supprimer le nucléaire pour le remplacer par quoi? Les champions autoproclamés de l'écologie disent avoir renoncé définitivement au nucléaire, certes, mais pour le remplacer par le lignite. Le lignite en Allemagne cela veut dire aujourd'hui 126 villa...

à écrit le 13/03/2012 à 18:24
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Article objectif de référence! Cà n'empêche pas les commentaires passionnés...

à écrit le 11/03/2012 à 16:52
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Bien entendu il est nécessaire de réaliser d'énormes économies d'énergie. L'énergie la plus efficace est bien celle que nous ne consommons pas! La question du nucléaire est en revanche très mal posée ici. D'abord car le prix de 42 ? le MW ne prends a...

à écrit le 11/03/2012 à 10:38
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Il est clair qu'en terme d'énergie, l'"évènement" actuel majeur est que l'on est au pic de production du pétrole, par ailleurs aussi raison fondamentale de la crise dite "financière" ben évidemment. Et le plus inquiétant sans doute l'incapacité à en ...

le 11/03/2012 à 13:35
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Voilà 50 ans qu'on nous assène le peak oil, pourtant sans cesse repoussé dans les faits, pour justifier des attaques collectivistes contre la liberté (subventions d'un côté, taxes de l'autre). Pourtant, il suffit de laisser faire le marché pour que l...

le 12/03/2012 à 12:32
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Pas d'accord avec Peak Oil. En laissant seul le marché agir vous donnez le pouvoir à "Big Oil", et "Big CAC 40" qui ont d'énormes moyens pour financer des campagne de lobbying et influencer l'opinion publique. Maintenant qu'il y a urgence à réalise...

à écrit le 11/03/2012 à 4:10
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Un procédé dont le potentiel est très élevé et qui va changer la donne est par exemple le stokage thermochimique du solaire. L'été l?énergie solaire permet la décomposition d?un composé AB en un composé A et de la vapeur B. La vapeur B est condensé ...

à écrit le 10/03/2012 à 22:47
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@ Réchauffement : le réchauffement n'est absolument pas une thèse d'activistes mais c'est ce que racontent des lobbies climato-sceptiques gênés dans leurs commerces polluants. Quant aux subventions elle sont très modestes voire désormais stoppées apr...

à écrit le 10/03/2012 à 18:29
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Pour limiter l'impact de notre consommation et diminuer la pollution nous devons éliminer les gaspillages de tout sorte, la base de notre société de consommation irresponsable. Dans cet article on parle de l'association négaWatt, que j?apprécie parti...

à écrit le 10/03/2012 à 16:14
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On est en 2012..... Du solaire à 300? et encore pire à 600? ça n'existe plus depuis déjà 2ans... Aujourd'hui on est à 100/150? Et le nucléaire nouveau est à 90?

le 25/03/2013 à 13:51
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Et les unités! Et les chiffres significatifs! >:(

à écrit le 10/03/2012 à 15:11
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Il est grand temps de cesser de propager les affirmations dont on sait aujourd'hui qu'elles sont des inventions d'activistes politisés soutenus par des industriels avides de subventions publiques. Le CO2 n'est pas un polluant, encore moins un GES not...

le 10/03/2012 à 17:00
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Eh bien avec un commentaire comme celui-ci on est sur de détruire notre planête. Il est vrai que le CO2 n'est pas le premier facteur de l'effet de serre (c'est la vapeur d'eau). Pour le reste je ne suis pas d'accord. Notre société de sur-consommation...

le 10/03/2012 à 18:18
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La pollution n'a rien à voir avec les thèses sectaires du réchauffement. Vous êtes dans la confusion des idées ce qui vous empêche d'être objectif. C'est cette même confusion qui aveugle nos gouvernants : diesel fiscalement favorisé alors qu'il est e...

le 10/03/2012 à 19:12
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Pollution et réchauffement sont intimement liés, on ne peut pas rejeté des tonnes de polluant dans l'atmosphère sans modifier en tant soit peu la composition de l'atmosphère donc le climat. Les gaz de shistes sont une excelente solution pour polluer ...

le 10/03/2012 à 22:52
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@ Réchauffement : un site parmi d'autres pour vous éclairer et tenter de mieux répondre à vos questions car vous semblez lire des blogs assez mal informés sur la réalité du réchauffement qui est un sujet très manipulé par les lobbies d'énergies fossi...

le 11/03/2012 à 0:30
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C'est la caractéristique des sectaires de refuser d'admettre le réel, notamment à propos du gaz de schiste. Ce dernier ne pollue pas les sols ou les nappes, sauf accidentellement et très ponctuellement. Il doit y avoir plus de 20000 puits de GdC dans...

à écrit le 10/03/2012 à 14:41
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De la coupe aux lèvres... D'abord il reste à développer les solutions de stockage en très grande capacité, ce qui n'est pas gagné. Ensuite, après plus de 10 ans de subventions ruineuses de leur éolien et de leur solaire, même les Allemands commencent...

le 10/03/2012 à 23:13
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Georges toute technologie demande généralement au départ d'investir avant que les coûts ne baissent. C'est valable comme vous le savez pour de nouveaux téléviseurs, médicaments etc tout comme pour les énergies renouvelables, surtout quand on veut cré...

à écrit le 10/03/2012 à 12:20
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Tout à fait d'accord avec la nécessité de réduire la consommation. Seul hic : notre société est basée sur la consommation à outrance et son développement à marche forcée. C'est ce que politiciens et économistes appellent la croissance, véritable obj...

le 10/03/2012 à 19:49
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Les "supers écolos" n'attendent rien des dirigeants politiques économique. Ils se prennent en main pour mettre en oeuvre la Transition vers une société plus sobre en énergie et plus résiliente face aux crises climatiques et financières. Dans chaque ...

le 10/03/2012 à 23:24
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@ Vinnie : N'empêche que les écolos depuis 1974 on vu juste dans la plupart des thèmes et crises, pétrole, malbouffe, eau, crises financières etc. et que les chinois entre autres qui se fichaient d'environnement commencent à s'en mordre les doigts. D...

à écrit le 09/03/2012 à 19:50
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C'est vrai que se focaliser sur la guéguerre "ENR contre nucléaire" c'est complètement idiot. La seule démarche qui nous permettra de réduire notre dépendance/addiction aux énergies, quelles qu'elles soient, c'est négaWatt, c'est de ça dont il faut p...

le 10/03/2012 à 23:29
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Bien vu ! d'autant que les rendements par exemple du solaire vont doubler d'ci quelques années tout comme le potentiel des batteries etc (Envia) et que l'hydrogène de plus en plus simple à stocker va avoir de multiples usages (Mc Phy Energy etc). Voi...

à écrit le 09/03/2012 à 19:16
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Le problème n'est pas de savoir comment produire plus d'énergie sans nucléaire mais comment moins en consommer. L'efficacité énergétique est une des grandes solutions. L'isolation des bâtiments doit devenir une préoccupation de chacun et de nos futu...

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