Comment les banques suisses contournent les accords contre l'évasion fiscale

La Suisse a signé cet été des accords avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne, prévoyant une taxation des comptes de leurs ressortissants.
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La Grande-Bretagne et l'Allemagne ont-elles eu raison de signer cet été un accord avec la Suisse, taxant les avoirs de leurs ressortissants, avec, comme contrepartie, la préservation du fameux secret fiscal si cher aux banques genevoises ? Faut-il que la France suive cet « exemple » ? À leur demande, Bercy s'est engagé à remettre aux parlementaires, avant le premier décembre, un rapport sur cet épineux dossier. Face aux députés, centristes notamment, qui suggèrent fortement de céder aux avances helvètes, à l'instar de nos voisins, le ministère des Finances devrait surtout mettre en avant l'argument traditionnel, déjà évoqué, de la nécessaire lutte contre la fraude. Accepter le compromis avec la Suisse, c'est absoudre, d'une certaine manière les fraudeurs, puisque ce type d'accord prévoit de cesser toute poursuite à l'encontre des particuliers ayant placé, sans les déclarer, leurs avoirs près du Léman, et accumulant des revenus sans taxation aucune.

Un autre argument pourrait être utilisé par Bercy, qu'un économiste, Gabriel Zucman(*), vient de mettre en lumière, dans un article remarqué (il a obtenu le prix décerné aux jeunes chercheurs par l' « European Economic Association ») : c'est celui de la faible rentabilité, à terme, d'un tel « deal ».

A priori, si Berlin et Londres ont accepté la proposition de Berne, c'est parce qu'en contrepartie du maintien de l'anonymat dont profitent leurs ressortissants, de substantielles recettes fiscales seront reversées par l'administration suisse aux trésors allemands et britanniques. Il est question du versement d'une avance de 1,9 milliard d'euros à l'Allemagne et de 5,6 milliards d'euros à la Grande-Bretagne. Des sommes non négligeables. Mais après ? Les intérêts acquis chaque année sur les comptes suisses appartenant à des anglais seraient taxés entre 27 et 48 %, selon leur importance, ce qui n'est pas négligeable. S'agissant des contribuables allemands, ils seraient imposés à hauteur de 26,375 %.

Sociétés écrans

Le hic, c'est que ces comptes identifiés comme appartenant à des Allemands, des Britanniques ou d'autres citoyens européens ne représentent plus qu'une part infime de ceux gérés par les banques suisses (cf graphique). Tout simplement parce que les particuliers ont eu de plus en plus recours, depuis le début des années 1990 à des sociétés écrans relevant de paradis fiscaux. Des sociétés très faciles à créer. Dans ce cas, les banques et l'administration suisse ne veulent pas connaître la nationalité réelle du contribuable... qui ne sera en aucun cas taxé au profit du pays où il réside. Comme on le peut le constater sur le graphique, la part des comptes relevant des paradis fiscaux a subitement augmenté en 2005, alors que baissait, symétriquement, la proportion de comptes européens : cela correspond à la mise en application de la « directive épargne » européenne, qui prévoyait un échange d'informations entre pays de l'Union européenne.

Aujourd'hui, les comptes attribués à des ressortissants de l'UE ne représentent qu'un peu plus de 15 % de ceux gérés par les banques suisses. La base taxable est donc singulièrement réduite. Et, avec elle, les recettes à venir....

(*) Paris School of Economics

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