Les entreprises peuvent-elles encore faire confiance aux marchés financiers ?

Par Yves-Alain Ach, président de la société Audit Conseil Holding


L'image des marchés financiers est profondément détériorée par la crise actuelle, ce qui laisse entrevoir une évolution possible de la mentalité des dirigeants d'entreprise à leur égard. Peuvent-ils encore faire confiance à la Bourse?? Les marchés financiers constituent-ils toujours le meilleur vecteur de financement?? Le moment n'est-il pas venu de changer de modèle?? Questions totalement d'actualité, tant les fautes de gestion commises par les financiers et non assumées par ces derniers font apparaître des transactions qui ont transgressé l'éthique et l'intelligence.
La masse consolidée des engagements pris sur les marchés financiers semble tellement irréaliste qu'il est inévitable que cette crise financière se transforme désormais en crise économique. Les dirigeants d'entreprise qui en auront la capacité devront donc mettre à l'abri leurs actifs, mais aussi envisager un changement de leur stratégie à l'égard de la Bourse. La conjoncture économique et les fluctuations erratiques des marchés pourraient pousser de nombreux dirigeants de groupes cotés à envisager un retrait de la cote. Il s'agit pour eux de reconquérir leur entreprise. L'inadéquation entre le cours de Bourse des actions des entreprises cotées et la valeur réelle de ces dernières fait apparaître au grand jour des opportunités stratégiques, particulièrement lorsqu'il s'agit d'entreprises moyennes ou familiales. On peut les estimer à une centaine sur le marché parisien.
Le retrait de la cote permet de préserver le patrimoine de l'entrepreneur, qui ne subira plus les fluctuations liées aux marchés financiers. Mais surtout les dirigeants de ces entreprises ne seront plus soumis aux feux croisés des investisseurs et des analystes réclamant des performances immédiates.
En effet, une entreprise se gère à long terme, une stratégie ne doit pas nécessairement être révélée trop vite, et ses fondamentaux, que tous les chefs d'entreprise appréhendent largement, ne font pas partie de la culture des intervenants sur les marchés boursiers. Enfin, la mise en place d'une stratégie patrimoniale pourra dorénavant être mise en ?uvre par ces derniers, sans nécessairement mettre cette information sur la place publique.

La stratégie de sortie de la cote pour des groupes moyens dont l'actionnariat peut être familial ou non peut s'imposer pour les motifs explicités ci-dessus et surtout parce que le jeu de rumeur créé par certains intervenants de marché prend souvent pour cible les sociétés de cette catégorie, qui doivent déployer une énergie folle pour démentir les rumeurs de cession, de rapprochement ou de restructuration lancées régulièrement sur les marchés financiers. En effet, non seulement les dirigeants sont soumis à cette pression journalière, mais aussi les salariés subissent de façon régulière des informations déstabilisantes. Sortir de la cote peut dès lors éviter certains mouvements sociaux. Surtout, une information cohérente pourra être présentée aux salariés.

Cette stratégie présente des opportunités qui ne sont pas à négliger. Un grand nombre de profits peuvent être réalisés du fait de la mise en ?uvre de ces décisions. Elle permettra aux entreprises de réaliser des économies majeures, dans la mesure où les coûts engendrés par le maintien sur un marché boursier vont être réduits à « peau de chagrin », notamment en ce qui concerne les coûts liés aux obligations légales des sociétés cotés, aux coûts de recrutement importants des départements comptables, financiers et juridiques des entreprises pour répondre à ces mêmes obligations, aux coûts de communication du département relations investisseurs et du département communication interne, ainsi qu'aux coûts liés aux engagements financiers pris par les entreprises avec leur banque d'investissement.

Ces opérations de retrait de la cote nécessitent certes la mise en place de financements. 840 millions d'euros ont été nécessaires pour le retrait récent de la société Clarins, et 226 millions d'euros pour la société Oberthur. Là encore, on comprend l'intérêt des dirigeants de réaliser ce retrait de cote dans la conjoncture actuelle. Il s'agit purement et simplement de reconquérir son entreprise et de recréer de la valeur industrielle au détriment des spéculateurs, tout en offrant aux minoritaires une prime significative?: 27% pour l'opération Clarins et 33% pour la société Oberthur, par rapport à la valeur boursière.

Ces entreprises, saines dans leur gestion, trouveront en dehors des marchés boursiers d'autres moyens de se financer avec des objectifs à long terme, ce qui permettra de réconcilier les objectifs de croissance de ces sociétés avec la stratégie développée par les dirigeants.

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