Les nouvelles frontières de la fraude

Les cinéphiles connaissent désormais les "go fast", ces courses de vitesse organisées par les trafiquants de drogue avec des voitures surpuissantes. La lutte contre la fraude et la criminalité organisée est obligée de s'adapter à la nouvelle donne des trafics en tous genres. Le directeur des Douanes, Jérôme Fournel, nous en explique les enjeux économiques, notamment en matière de lutte contre la contrefaçon.

La mondialisation affecte en profondeur la société française mais également le visage de la criminalité. Les échanges commerciaux s'accélèrent, les modes de production évoluent et l'usage d'Internet dans les circuits de distribution se développe. Dans le même temps, la fraude s'internationalise, se diversifie et se complexifie. Plus inquiétant, la fraude se criminalise en même temps qu'elle adapte ses réseaux de distribution et se joue des frontières.

L'évolution des trafics de contrefaçon en France est, à ce titre, particulièrement illustrative même si elle ne constitue qu'un exemple parmi d'autres des mutations de la fraude transnationale. D'un commerce artisanal et confiné dans les années 1990, le phénomène de la contrefaçon s'est amplifié, organisé et diversifié. Le nombre de saisies par la douane l'atteste : de quelque 200.000 objets saisis au milieu des années 1990, on en comptabilise plus de 4 millions par an ces dernières années.

Limitée autrefois à la copie des produits de marques de luxe, la contrefaçon s'étend désormais à tous les biens de consommation, des médicaments aux jouets ou aux produits alimentaires, ajoutant une réelle menace pour la santé et la sécurité publique au préjudice subi par les entreprises et notre économie.

Les moyens utilisés par les trafiquants sont désormais plus réfléchis, organisés et violents. Derrière le commerce illégal des contrefaçons, on trouve en effet des organisations intégrées, criminelles, qui peuvent combiner différents trafics (contrefaçon, stupéfiants, contrebande, trafic d'êtres humains, travail illégal, blanchiment...) dans une logique de diversification et de complémentarité, notamment pour l'organisation de la logistique et des flux financiers.

En première ligne face à ces menaces, les Douanes se dotent de moyens pour lutter contre cette nouvelle criminalité. La collecte d'informations, le renseignement, l'analyse des fraudes et des trafics revêtent une importance accrue. Le contrôle et la surveillance des flux circulant sur notre territoire sont également essentiels. Pour y parvenir, tous les acteurs de la Direction générale des douanes et droits indirects sont mobilisés : services de renseignement, d'enquêtes et d'opérations, services administratifs en lien avec les titulaires de droits de propriété intellectuelle ou industrielle, bureaux de dédouanement, brigades de surveillance, service de la douane judiciaire.

Sans entrer dans le détail de la contrefaçon criminelle, quatre tendances se dégagent. Tout d'abord, le marché français est directement concerné. Si le transit de marchandises par la France est courant, en raison de sa position géographique, plus de la moitié des contrefaçons saisies par la douane sont désormais destinées au marché national. L'analyse des trafics confirme également une hausse des ventes de contrefaçons par Internet. Ce mode de distribution offre des moyens supplémentaires pour écouler, sous forme fractionnée, des marchandises prohibées et contourner tant les normes de sécurité que les droits et taxes dus. L'action à mener sur ce vecteur doit s'appuyer sur des outils de veille sur Internet et sur l'interception des colis illégaux grâce à des contrôles renforcés dans les centres de dédouanement postaux et de fret express.

Par ailleurs, plus notre société élève légitimement ses exigences sociales, environnementales et de sécurité des produits, plus le marché de la contrefaçon se développe, reflet du moindre coût et des profits accrus à produire sans règle. Enfin, aujourd'hui, la frontière n'a plus la même réalité physique : quand la douane saisit à Roissy de faux médicaments en provenance d'Asie et destinés à l'Afrique, rien n'indique que ces mêmes marchandises ne vont pas être commercialisées, via des ventes sur Internet, sur le marché français.

Le trafic de contrefaçon agit ainsi comme un révélateur de la dissolution de la notion de frontière et des paradoxes de la mondialisation. Des constats similaires pourraient être tirés à propos des trafics de stupéfiants, de cigarettes ou de déchets, des comportements voyous en matière de dégazages sauvages en mer, même si les outils de protection et de lutte doivent être adaptés à chaque criminalité : scanners fixes ou mobiles, capacité à identifier et neutraliser des "go fast" maritimes ou terrestres, outils performants de détection des pollutions maritimes de jour comme de nuit...

Dans une société où la notion de frontière s'estompe, la criminalité croît à la même cadence que les modes de consommation et les échanges. S'il est illusoire de croire que ce combat peut trouver une issue à brève échéance, le besoin de régulation des échanges, appuyée par une action publique dotée de moyens performants, est plus que jamais d'actualité. L'enjeu est ni plus ni moins que la protection de notre territoire et de nos concitoyens. L'administration des Douanes, au contact direct des flux internationaux et dans le cadre d'une coopération internationale renforcée, participe activement à cette indispensable régulation du commerce.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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bjr suis garagiste dans l herault je restaure des voitures anciennes .ILy a quelque temps j ai vu a la tele une emission sur les voitures de luxe saisie par les douanes telles que porsche /ferrari ou autres quisont cantonnees dans un endroit et qui ...

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