Plus de valeurs, moins de baratin

Par Natalie Rastoin, directrice générale d'Ogilvy France.

En 2009, Charles Darwin aurait eu 200 ans et l'origine des espèces fête ses 150 ans. En 2009, la crise économique et financière s'incruste : la crise est pour beaucoup darwinienne, seules les entreprises les plus fortes survivront. Les maigres meurent quand les gros maigrissent ! Mais Darwin est plus cité que lu... Il n'a pas évoqué la loi du plus fort, mais celle du plus apte. Et c'est là que se situe l'enjeu le plus crucial et le plus urgent pour les marques : vérifier qu'elles sont toujours pertinentes pour les consommateurs. Qu'elles rencontrent toujours des attentes, des envies. Qu'elles croisent des enjeux sociétaux.

Bref, les marques ne pourront pas faire l'économie d'une réflexion sur leur raison d'être, sur ce que nous perdrions collectivement si elles n'existaient pas. D'autant moins que la crise n'a pas créé les maux actuels : elle les a précipités et les a rendus insoutenables.

Les consommateurs intègrent le développement durable dans leurs comportements, demandent aux entreprises qu'elles assument leurs responsabilités sociales et environnementales. Cela ne date pas d'hier, pas plus que leurs interrogations sur les écarts de prix entre des produits dont la valeur n'est pas franchement lisible ; pas plus que leur énervement croissant face à des tarifications ou des offres packagées trop nombreuses.

Exemplaire, la relation à l'automobile n'a pas changé en deux trimestres. Les défenseurs d'un monde sans voiture sont devenus moins nombreux mais les militants qui plaident pour que les constructeurs inventent et commercialisent des véhicules propres n'ont jamais été aussi écoutés. De même, la frustration face aux banques n'est pas née avec la crise mais elle atteint avec elle des sommets inégalés, logiquement. Sur certains marchés, la différence entre grandes marques et marques distributeurs n'est plus depuis longtemps une évidence. En clair, la crise précipite le passage à l'acte qui rend concret des prises de conscience latentes. L'élan "conso-citoyen" est, pour le coup, durable !

Il serait fou de croire que les consommateurs reviendront en arrière une fois la crise passée. Ils demanderont ce qu'ils demandent déjà : plus de valeurs, moins de baratin. Plus de propositions concrètes, moins de déclarations d'intention. Plus de services, moins de bonnes paroles. De vraies propositions et pas seulement, en forme de miroir, les images de "vraies gens dans leur vraie vie". Dans ces conditions seulement, l'expression "c'est juste du marketing" ne sera plus péjorative ou méprisante.

Etre le plus apte ne signifie pas seulement être le plus malin dans l'usage des ressources rares. Cela ne se résume pas non plus à aller sur Internet en quittant les grands médias en vantant une interactivité de façade.

Etre le plus apte, c'est d'abord et avant tout accepter de prendre au sérieux le changement profond de la consommation ; c'est admettre que la sincérité des comportements des marques est un enjeu ; c'est vouloir être utile et pas seulement présent. C'est écouter, écouter ce qui était hier une somme de signaux faibles et qui apparaît aujourd'hui comme une évidence.

Une bonne nouvelle donc, les consommateurs demandent aux entreprises de répondre à la crise en opérant dès maintenant un virage que nous envisagions plutôt pour 2020 : la refonte des missions de marque pour se projeter dans un nouveau temps.

Comme à la guerre, tout sera désormais affaire, pour les grandes marques, de coups d'?il stratégiques, pour définir comment mieux participer aux évolutions de la société. Sur le plan tactique, le mot d'ordre pour les investissements doit être la flexibilité, au moment où les opportunités médias sont nombreuses et de qualité. Abandonner des positions patiemment construites ne doit être qu'une solution ultime. Plus encore en temps de crise, il est capital de prendre la juste mesure de ses actions ou inactions.

Pour cela, l'observation de l'écosystème de la marque, la compréhension des enjeux de société qu'elle véhicule ou contre lesquels elle se heurte, le "benchmarking" des expériences de ses pairs deviennent cruciaux.

Réévaluons vite tous nos réflexes : bienvenue dans l'après- crise !

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.