Les émergents doivent être des piliers de la relance mondiale

Par Jean-Joseph Boillot et Stanislas Dembinski, respectivement conseiller au club du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (Cepii) et journaliste à Reuters News.

Et si le risque majeur de faire dérailler une reprise économique mondiale durable venait non pas des Etats-Unis ou de l'Europe en crise mais des marchés émergents, comme le Brésil, la Russie, l'Inde ou la Chine - les fameux "Bric" -, et de tous les "petits" dont on parle moins ?

Le monde développé a raison de s'interroger sur les nouvelles régulations du capitalisme, notamment celle d'une sphère financière qui a enchaîné les bulles spéculatives. A court terme, toutefois, le débat devrait porter aussi de toute urgence sur la coordination d'un plan mondial de relance économique qui n'existe toujours pas, alors que les pays émergents présentent de plus en plus des signes inquiétants.

Les grands émergents, Russie mise à part, ont certes relativement moins souffert de la crise financière proprement dite. Leurs banques ont en effet peu investi dans les produits toxiques comme les "subprimes", les crédits immobiliers à risques, et leurs systèmes financiers restent moins sophistiqués. Mais ces pays ont bel et bien tous été rattrapés en 2008 par la crise mondiale ; leurs exportations vers les pays riches, moteur toujours essentiel de leur croissance, souffrent durement de la crise.

La Chine devrait passer l'année prochaine nettement sous les 8% de croissance censés garantir sa stabilité sociale ; l'Inde pourrait avoir du mal à équilibrer ses comptes extérieurs ; la Russie et le Brésil s'approchent dangereusement d'une zone de récession. Par ricochet, c'est le Moyen-Orient et l'Afrique qui voient désormais se profiler l'ombre de la récession.

Le risque est désormais réel d'une spirale récessive dans tous les émergents, dont plus de la moitié connaissent des crises des paiements. On est très loin des dernières estimations du FMI qui prévoyait que les émergents allaient représenter 80% de la croissance mondiale additionnelle en 2009 !

Face à ce danger, qui risque d'hypothéquer les timides espoirs de reprise mondiale fin 2009-début 2010, seule la Chine parmi les émergents a annoncé un vaste plan de relance de près de 600 milliards de dollars. Cet effort chinois, officiellement centré sur un développement massif des infrastructures et de la machine industrielle exportatrice, risque hélas de ne pas être une solution durable.

A court terme, tous les indices témoignent d'une exportation par la Chine de la crise vers d'autres émergents, à travers un yuan désormais en baisse et d'un excédent commercial en augmentation par la contraction massive des importations chinoises, souvent en provenance des pays du Sud. A moyen terme surtout, les ingrédients du plan de relance chinois sont loin de privilégier la consommation des ménages mais plutôt, une fois encore, les capitaux publics, le béton et une surconsommation de matières premières, facteur de pollution.

Le modèle de développement des émergents en général reste globalement encore trop dépendant des exportations. En Chine, la croissance n'est tirée qu'à 35% par la consommation des ménages, contre 72% aux Etats-Unis. Ensemble, la Chine et l'Inde ne représentent même pas 10% de la consommation privée mondiale.

Face à ces déséquilibres, la logique timide de plans de relance pays par pays, avant tout dans le monde riche, semble à rebours des ressorts du "nouveau monde" dont les responsables politiques veulent pourtant dessiner les contours. En examinant le nouveau plan Obama et l'agenda du prochain G20 du mois d'avril, il semble qu'on soit en train de manquer le nouveau keynésianisme planétaire. Il faudrait en fait que le G20 et le FMI puissent s'assurer que les plans de relance des pays riches se combinent avec de puissants programmes de soutien à l'activité dans les pays émergents, centrés sur leur demande intérieure.

Sans oublier l'effort d'aide internationale pour les pays les moins solvables. Tout cela suppose de mettre en place des fonds publics mondiaux permettant de développer une logique de relance coordonnée au niveau international, plutôt que de se focaliser uniquement sur la réforme des institutions financières internationales. Ils pourraient concerner particulièrement des biens publics mondiaux comme l'énergie et l'environnement.

Sans cet effort, on risque de se priver en grande partie d'un des leviers essentiels de la prospérité mondiale, celui du monde en développement, qui représente 80% de la population mondiale, fournit chaque année 100 millions d'actifs supplémentaires sur la planète et dont le potentiel de croissance est estimé à 6%-8% par an.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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A mon avis, les pays émergents ne vont rien faire du tout sinon suivre la marche générale du monde avec un peu de retard. Ils vont probablement être beaucoup plus touchés que l'occident avec en plus des émeutes et des violences d'autant pus grande qu...

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