Quand Trichet en garde sous le pied

Par Valérie Brunschwig-Segond, journaliste à La Tribune.

Quand on voit la Fed américaine et la Banque d'Angleterre recourir à la planche à billets pour sortir leur économie du trou d'air, on reste songeur devant la timidité de la Banque centrale européenne. Surtout lorsqu'elle s'accompagne de plans de relance budgétaires a minima. Aussi, on s'interroge : les responsables européens ont-ils bien pris la mesure de la destruction de richesses toujours en cours ?

Certes, prenant acte de la contraction de l'économie de la zone euro, de la sévérité du "credit crunch" et du mouvement de désinflation sans risque de déflation, les sages de la BCE ont, hier, baissé de 25 points de base les taux de refinancement des banques (1,25%) et les taux de facilité de dépôt (0,25%), tous deux au plus bas niveau depuis la Seconde Guerre mondiale. Mais les marchés attendaient plus, et surtout plus d'audace. En particulier le recours à une politique monétaire non conventionnelle, c'est-à-dire la création monétaire par l'achat d'obligations privées et d'obligations d'Etat.

Quant aux banques commerciales, qui se refinancent à long terme à un coût prohibitif, elles espéraient ardemment des injections de liquidité à un, deux, voire cinq ans, contre six mois maximum aujourd'hui. Bref, si Londres a su envoyer un signal fort, Francfort aura plutôt déçu, sans pour autant casser l'enthousiasme créé par le G20. Il faudra attendre début mai, pour savoir si les sages de la BCE se résoudront à aller plus loin. Pourtant, en écoutant le gouverneur Jean-Claude Trichet, on ne pouvait qu'être frappé une fois de plus par le calme, et surtout la continuité d'une analyse qui tranche singulièrement avec l'agitation fébrile des esprits et les allers-retours analytiques de nombreux grands responsables politiques.

Contrairement aux Américains et aux Anglais, qui ont réagi à la montée des taux longs en sortant l'artillerie lourde, les Européens, qui ont su prendre des décisions non conventionnelles avant l'heure, en gardent sous le pied. Ils continuent à se montrer plus pragmatiques qu'on le dit, et ultra-attentifs à tous les clignotants. Quant aux taux courts européens, ceux du marché interbancaire comme des marchés monétaires, ils sont bel et bien dans la lignée des taux américains. Le vrai problème, c'est le long terme. Qui accepte encore de prêter à un banquier à cinq ans, sinon au prix fort ? D'ailleurs, qui veut encore s'endetter à cinq ans ?

C'est simple, plus personne n'a confiance dans la durée. Or, pour l'instant, la BCE n'a pas voulu allonger la maturité de ses injections. Elle le fera peut-être en mai. Car pour elle, le long terme repose sur la crédibilité des Etats, de leur politique fiscale et des institutions. Et pour cela, Trichet est un as. "La BCE est un socle de stabilité et de confiance, dit-il. Et cela, c'est le bien le plus précieux."

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La déflation est en route; elle est déjà présente en Irlande et elle va contaminer toute la planète du Japon aux Etats Unis en passant par l'Europe qui n'est immunisée ni contre la récession ni contre la déflation. La raison en est le dégonflement d...

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