Faut-il réinventer la croissance ?

Par Marie-Ange Andrieux, directeur des partenariats de Deloitte.

L'économie du XXIème siècle est entrée dans une civilisation du quaternaire, où les besoins des "consom-acteurs" et des citoyens sont passés de l' "avoir plus" au "vivre autrement", tendance catalysée par une crise qui démontre les limites d'une économie trop financiarisée et court termiste.

Face à ce nouveau paradigme, la croissance va changer de nature : elle devient équilibrée et équitable, verte, éthique. Elle correspond aux exigences de recherche de sens et de savoir-être, de temps gagné et de bien-être, de santé, de beauté, de sécurité, et, aux préoccupations croissantes de qualité environnementale (habitat, alimentation, transport, énergie...).

Les racines de la croissance à réinventer se déplacent donc du capital technique et financier vers les actifs immatériels, dont l'innovation et la connaissance : une économie de l'immatériel (1), où tous les acteurs ont à se mobiliser tant au niveau micro que macro économique. Au-delà de leur contenu visible, les produits et les services doivent être porteurs d'une offre plus immatérielle, qu'ils soient fournis par le monde marchand, la sphère publique ou le territoire social et associatif aux activités désormais essentielles à la collectivité.

Dans cette course vers une autre croissance et une nouvelle compétitivité, les atouts décisifs des entreprises sont les actifs immatériels (1) Les entreprises de services, convaincues, s'organisent en conséquence (2). Les industries sont aussi concernées, la valeur ajoutée de leurs produits reposant sur leur association à des services et de l'immatériel.

La responsabilité des entreprises est donc de mettre en place une gouvernance du capital immatériel, autour des racines de la performance et de la valeur durable :

- Un capital clients reconstruit et une innovation dynamisée, par un lien direct et intime avec le consommateur. Les technologies de communication permettront le ciblage de communautés multiples selon les besoins immatériels exprimés et catalyseront le processus de co-création des produits entre ces réseaux et l'entreprise, qui capte ainsi l'innovation tant interne qu'externe.

- La "personnalité corporate" et les valeurs de l'entreprise jouent un rôle clé dans la genèse de ce lien de confiance. Le temps des entreprises est arrivé, celui où les consommateurs exigent des valeurs au-delà des marques.

- Quand les valeurs font la valeur, le capital humain, s'il est aligné avec la stratégie, est au c?ur de cette dynamique des comportements professionnels optimisés par l'efficience collective. La notoriété et la réputation rejoignent alors le chemin de l'exemplarité des managers.

Une contrepartie attendue de la part des acteurs des marchés financiers : la réelle reconnaissance de ces efforts long terme dans leur analyse des entreprises. Des enjeux : Pour les entreprises, construire des outils de mesure et une communication enrichie; pour les marchés, adapter les méthodes de rating et de valorisation, vers une pondération mieux équilibrée entre les critères financiers (souvent facteurs de court-termisme) et extra-financiers (relatifs aux actifs immatériels long terme).

Les enjeux macro-économiques sont considérables: en France, jusqu'à 1% de croissance et 1 millions d'emplois à la clé (1). L'Europe en a pris conscience avec l'objectif d'être un champion de la "knowledge economy" (Lisbonne/2000) et de l'innovation (Barcelone/2003). Il reste toutefois urgent de mettre en place une politique coordonnée de l'innovation et de l'immatériel pour s'approprier cette autre croissance, face aux pays émergents : sur les quinze dernières années, la zone euro dans le PIB mondial est passée de 19% à 15% et l'Asie de 17,5 à 30,5%.

La France, pionnière de l'immatériel (Commission de l'immatériel en 2006, Agence pour le patrimoine immatériel de l'Etat en 2007) pourrait jouer un rôle leader. Pourquoi pas un secrétariat d'Etat à l'Economie de l'immatériel et de la connaissance ? Pourquoi pas une autre mesure du PIB, produit immatériel brut ? La France doit repousser les frontières de l'innovation et réinventer la croissance en exploitant ces nouveaux gisements de compétitivité et d'emploi !

 

(1) cf. Tribune Sciences Po de l'immatériel, dirigée par l'auteur
(2) Propositions de la Commission Innovation & Immatériel du Groupement des professions de services, co-présidée par l'auteur

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quel baratin, ouff ! un vrais cours sur le net ?ça coince un peut car à coté de ces belles envolées rhétoriques et théoriques,il y a la vie simple, toute crue;quelle est-elle ? le vecu et les envies de chacun.Vous partez du principe et vous considere...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quel rêve éveillé ! L'auteur a tort de tenir pour des acquis définitifs des avancées fragiles et remises en cause par la dégradation de l'environnement et l'explosion démographique. Nous sommes peut-être à la veille de retours en arrière spectaculair...

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