L'avènement d'un nouveau FMI bien-aimé ?

Par Dani Rodrik, qui enseigne l'économie politique à la John F. Kennedy School of Government de Harvard.

La crise a changé bien des choses pour le Fonds monétaire international (FMI). Cette institution, importante mais mal-aimée, semblait il y a encore peu, vouée à l'insignifiance. La crise lui a donné un coup de fouet. Avec à sa tête un directeur général compétent, Dominique Strauss-Kahn, le Fonds a été l'une des rares agences internationales à ne pas s'essouffler derrière le mouvement, mais à le précéder.

Le FMI s'est fait l'ardent défenseur d'une politique budgétaire globale de relance de 2% du PIB mondial, un parti pour le moins remarquable, compte tenu de son conservatisme sur les questions budgétaires. Il a également procédé à la refonte intégrale de sa politique de prêt, assouplissant la conditionnalité et facilitant l'éligibilité de certains pays.

Soulignons que, à l'issue de la réunion de Londres, le FMI a vu ses moyens financiers se renforcer et de nouvelles responsabilités lui incomber. Le G20 s'est engagé à tripler sa capacité de prêt (de 250 à 750 milliards de dollars), à émettre de nouveaux droits de tirage spéciaux d'une valeur de 250 milliards de dollars, et à autoriser le Fonds à emprunter sur les marchés de capitaux (ce qui est inédit). Le FMI a également été mandaté pour alerter des risques macroéconomiques et financiers et faire des préconisations en matière de politique à mener.

L'autre bonne nouvelle, c'est que les Européens renoncent à leur prérogative sur la nomination au poste de directeur général du FMI (ainsi que l'ont fait de leur côté les Américains pour la présidence de la Banque mondiale). Les futurs dirigeants seront désormais soumis à un "processus de sélection ouvert, transparent et fondé sur le mérite", ce qui sera la garantie d'un meilleur leadership et, aux yeux des nations émergentes, d'une légitimité accrue pour les deux institutions.

Le FMI reprend donc sa place, au centre de l'univers économique. Sur quels choix fixera-t-il sa toute nouvelle puissance ?

On peut craindre qu'il ne fasse, une fois de plus, un usage abusif de la carte qu'il a entre les mains. C'est ce qui s'est produit dans la deuxième moitié des années 1990, quand le FMI s'est mis à prêcher la libéralisation du marché des capitaux ou qu'il a, par temps de crise asiatique, administré d'astringents remèdes d'austérité budgétaire. L'institution a certes convenu depuis de ses erreurs. Mais si l'on se borne à donner un plus grand pouvoir électoral aux pays en développement, sans que, parallèlement, la culture organisationnelle du FMI change, la différence sera négligeable.

Le Fonds compte dans ses rangs un grand nombre de fins économistes, qui n'ont pas de vrai contact avec les pays sur lesquels ils travaillent et leurs réalités institutionnelles. Leur expertise professionnelle n'est due qu'à l'excellence de leurs diplômes, et non à leurs performances sur le terrain de la politique. Contrecarrer cet état des choses exige de la direction du FMI qu'elle ait la volonté d'agir en amont, au niveau des recrutements, affectations et promotions de son personnel. Engager en nombre des personnes en deuxième partie de carrière, pourvues d'une véritable expérience dans les pays en développement, serait un choix qui aurait pour effet de répandre chez les membres du FMI une plus forte conscience de la valeur qu'ajoute la connaissance du terrain, face à la seule expertise théorique.

Délocaliser une partie du personnel, y compris pour les fonctions supports, vers des "bureaux régionaux" sur le terrain, en serait un autre. Ce remaniement serait sans doute voué à rencontrer une formidable résistance de la part de collaborateurs qui se sont habitués aux avantages dont jouit l'establishment washingtonien. Mais un contexte ne s'apprécie qu'en y vivant. La Banque mondiale a entrepris une décentralisation analogue il y a quelque temps, qui a eu pour résultat d'améliorer ses services auprès de ses clients. C'est un tournant décisif pour le FMI. La communauté internationale attend beaucoup de lui. Le Fonds, pour mériter cette confiance, sera tenu de procéder à ces réformes internes.


© : Project Syndicate, 2009.

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Quand on sait ce que le FMI a fait lors de son consensus de Washington et de son imposition forcé de la théorie des classiques sur l'économie, la barre est haute pour retrouver bonne estime dans de nombreux pays et personnes même s'ils ont présentés ...

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