Apprendre l'histoire à l'heure de la mondialisation

Par Ludwig Siegele, journaliste spécialiste des nouvelles technologies pour "The Economist ". Il a également travaillé pour "Die Zeit " et "Le Monde".

Quand mon fils de 8 ans est rentré l'autre jour de l'école avec une trompette, j'ai rapidement compris que j'allais avoir des ennuis. Ce n'était pas tant le niveau sonore (cela fait deux ans qu'il joue de la batterie), ni l'absence totale d'harmonie qui m'effrayait, que le morceau qu'il tentait de jouer?: "God Save the Queen". Le mystère s'est épaissi quelques jours plus tard lorsqu'il me demanda de l'aider sur son devoir d'histoire. Il était censé aller sur Internet pour se renseigner sur la vie quotidienne des enfants britanniques durant la Seconde Guerre mondiale?: comment les fusées V2 s'abattaient sur l'Angleterre, comment ils étaient évacués de Londres vers des villes plus sûres et comment le ravitaillement familial était rationné. Mais ce qui m'a surtout fait réfléchir, c'est le voyage de classe organisé pour visiter le "Winston Churchill's Britain at War Experience", dans le centre de Londres auquel il a participé l'autre jour. Le morceau de choix de l'exposition, m'a-t-il dit, était la reconstitution d'un bunker ? y compris les bruits de bombes et des masques à gaz ? lors d'un bombardement durant le "Blitz". "Je n'ai pas ouvert les yeux, j'avais trop peur", m'a dit mon fils, refusant de m'en dire plus.

Je ne fais pas partie des parents surprotecteurs, qui essayent toujours de préserver leurs enfants de telles réalités (bien que la visite du musée soit allée, selon moi, un peu trop loin). Et avant d'aménager à Londres, j'avais prévenu mon fils qu'il serait probablement confronté à la face sombre de l'histoire de l'Allemagne, par exemple sous la forme de jeunes Britanniques le saluant par un "Heil Hitler?!", ce qui est arrivé aux enfants d'un collègue, qui sont seulement à moitié allemands. Ce que je trouve le plus troublant, c'est le fait que mes enfants sont bien partis pour devenir de vrais petits Britanniques (j'ai une fille de 12 ans qui me surprend par sa connaissance de la conquête normande, la bataille de Hastings et la grande peste de Londres). Je n'ai rien contre la culture britannique, mais je n'ai pas quitté l'Allemagne pour voir mes enfants devenir monoculturels. Cette inquiétude n'est

pas sans fondement?: les enfants adolescents d'amis belges se sont totalement intégrés. La fille va à l'université d'Oxford, tandis que le garçon montre un penchant pour le hooliganisme de banlieue. Peut-être était-ce une erreur de ne pas envoyer nos enfants dans une école allemande ou américaine à Londres.

Quand j'ai demandé son avis à la mère allemande d'un garçon qui se trouve dans la classe de mon fils, elle a simplement avoué son impuissance et déclaré ne pas vouloir évoquer tout ça. Son cas, toutefois, est rendu compliqué par le fait que son mari travaille à Buckingham Palace où il s'assure que les nouveaux lords et ladies aient un blason convenable.

De toute façon, il est trop tard pour hésiter, c'est le moment de prendre des mesures. Pour commencer, j'ai demandé à ma mère, qui avait l'âge de mon fils en 1945, de parler avec son petit-fils pour évoquer ses expériences de guerre. Elle a failli mourir dans la cave de sa maison en flammes après une pluie de bombes britanniques sur sa ville natale, Dessau (je me dois de souligner qu'elle a toujours soutenu que les Alliés avaient de bonnes raisons de mener ces attaques).

Plus important, je devrais quitter notre banlieue londonienne aussi souvent que possible et exposer au maximum mes enfants aux choses nonbritanniques. Heureusement, Londres est une des villes les plus multiculturelles du monde. Même pour un voyage en "francophonie", il suffit de quelques stations de métro. La capitale britannique n'est-elle pas l'une des plus grandes villes françaises, avec quelques centaines de milliers de Gaulois sur place?? Pourtant, à long terme, nous pourrions bien devoir revenir comme prévu en Californie, avant que nos enfants terminent leurs études. Cela signifiera sûrement un grand changement. Savoir s'il sera bon est une autre question?: la jeunesse américaine n'est pas la tasse de thé de tout le monde. Mais certaines personnes sont simplement difficiles à contenter.

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Commentaires 2
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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1) On eleve pas impunement ses enfants dans un autre pays que le sien. 2)le choix de l'école est essentiel 3)Ces choses élémentaires échappent curieusement à M. Siegele, n'arrive-t-il pas plus que M. Bush à anticiper les conséquences de ses choix? ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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" NOUS NAISSONS POUR AINSI DIRE PROVISOIREMENT QUELQUE PART; C'EST PEU A PEU QUE NOUS COMPOSONS EN NOUS LE LIEU DE NOTRE ORIGINE POUR Y NAÎTRE APRES COUP ET CHAQUE JOUR PLUS DEFINITIVEMENT" Rilke

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