Contes et légendes de l'économie mondiale

Par Robert J. Shiller, économiste en chef de MacroMarkets LLC, enseignant à l'université de Yale. Il est le co-auteur, avec George Akerlof, de l'ouvrage "Animal spirits : how human psychology drives the economy and why it matters for global capitalism".

Après avoir touché le fond début mars, les Bourses sont reparties à la hausse à travers la planète. Les indices Bovespa (Brésil) et Shanghai Composite (Chine) ont ainsi bondi respectivement de 75% et de 54% en mai par rapport à la fin d'octobre 2008.

La crise économique tirerait-elle à sa fin ? Les emballements spéculatifs sont générés par des réactions psychologiques. La hausse des cours regorge d'histoires d'investisseurs astucieux qui s'enrichissent rapidement. Ces succès suscitent en retour l'intérêt d'autres personnes qui voient dans l'appréciation de futures hausses. La hausse se nourrit ainsi d'elle-même, et le cycle se répète, mais pour un temps seulement. En période d'expansion, les investisseurs en Bourse hésitent entre le regret s'ils reculent et les pertes possibles s'ils se lancent. Il n'existe pas de consensus entre les spécialistes sur le niveau d'exposition adéquat à ces marchés. Doit-il être de 30% en actions et de 70% en actifs immobiliers ? Ou le contraire ? Au final, la décision repose sur la pertinence de facteurs émotionnels divergents. Lors d'un boom économique, ces facteurs encouragent l'investissement.

Pourtant, il n'y a rien eu de décisif depuis mars sinon la hausse même des cours, indiquant que la réaction psychologique n'est qu'un mécanisme amplificateur qui poussent les gens à venir sur les marchés. Le problème est que nous ne sommes pas tous attentifs au même moment aux cours de la Bourse. Nos décisions d'achats ne sont donc pas prises simultanément. Dans l'intervalle, d'autres mauvaises nouvelles peuvent surgir. Pour rétablir pleinement la confiance au plan mondial, nos pensées doivent s'enthousiasmer en coordination pour une histoire, au-delà de la hausse des cours.

Dans "Animal Spirits", George Akerlof et moi décrivons combien les hauts et les bas d'une économie sont essentiellement provoqués par des histoires, véritables virus de la pensée qui, par contamination, soutiennent l'activité. Si la virulence de telles histoires dépend de leur relation au psychisme humain, il faut toutefois qu'il y ait au départ une histoire plausible. Ces récits frappent parce qu'ils influent sur notre façon de voir les choses. L'histoire à l'origine de la bulle internet en 2000 est complexe. Schématiquement, des individus intelligents et ambitieux montraient la voie vers une nouvelle ère de gloire capitaliste dans une économie en rapide mondialisation. Ce récit était d'autant plus plausible qu'il ressemblait aux millions de petites histoires vécues sur les réussites évidentes de ceux - amis, voisins, et membres de la famille - qui prenait une part active à cette aventure.

Aujourd'hui, cela semble difficile, avec les nombreuses histoires de faillites. L'appréciation des indices boursiers ces derniers temps ne vient pas d'une belle histoire, mais seulement de l'absence de prévisions et à l'évidence que toute récession prend fin à un moment. L'histoire du "capitalisme triomphant" est véritablement émoussée, ainsi que notre croyance dans la puissance du commerce international. Aujourd'hui il n'y a pas de moteur pouvant opérer un redressement spectaculaire, car c'est comme lancer un nouveau film : on ignore comment le public va réagir jusqu'au moment où les spectateurs en parlent après l'avoir vu. "Star Trek", remake de la série télévisée vieille de 40 ans, a surpris en engrangeant 76,5 millions de dollars la première semaine.

Cette vieille histoire a été ressuscitée par un nouveau film. Il faut donc espérer que des vieilles histoires qui nous ont motivés par le passé - l'émergence du capitalisme et son expansion mondiale - puissent être métamorphosées pour redonner vigueur aux "esprits animaux". Aussi, nos efforts doivent rendre à nouveau crédibles les scénarios de ces histoires.

Pour cela, le capitalisme doit mieux fonctionner, en faisant clairement comprendre que le protectionnisme ne peut être une option. Il faut sortir l'économie de sa situation dangereuse actuelle, et non créer une énième bulle spéculative.

 

Copyright Project Syndicate 2009

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Commentaire 1
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Le problème est que nous ne sommes pas encore sortis de la dernière bulle spéculative qu'elle gonfle encore par un endettement accru de ces états, l'Angleterre et les EU. La montagne de dettes américaines et anglaise ne pourra pas être épongée de sit...

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