Quand l'aérien attrape la grippe

Par Pierre-Angel Gay, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

Depuis de longs mois, les constructeurs aéronautiques savaient que le Salon du Bourget inauguré samedi serait celui de la disette. Que l'époque des commandes géantes était révolue. Que les compagnies aériennes, leurs clientes, étaient prises en étau, entre pétrole cher et recul du chiffre d'affaires. Le baril a renoué avec les 70 dollars, alors que particuliers et entreprises, touchés par la crise, rognent sur leurs dépenses. Le trafic passagers devrait dégringoler de 8% cette année, et celui du fret s'écrouler de 17% ! Ce sont 80 milliards de dollars de recettes qui devraient s'envoler.

L'Iata, l'Association internationale du transport aérien, sonnait le tocsin, il y a quelques jours à Kuala Lumpur, chiffrant à 9 milliards de dollars les pertes du secteur en 2009, après 10 milliards déjà en 2008. Et voici qu'aujourd'hui les compagnies aériennes doivent non seulement composer avec les interrogations autour du crash de l'A330 Rio-Paris, mais aussi avec un paramètre inattendu, la grippe A, que l'Organisation mondiale de la santé a classée hier en pandémie. Le cauchemar de l'épidémie du Sras au printemps 2003 resurgit, qui avait coûté des milliards de dollars aux transporteurs. Inutile donc, pour Airbus et Boeing, de tabler sur un redémarrage des commandes.

L'urgent est plutôt de sauver ce qui peut l'être. C'est-à-dire les 4.000 appareils - commandés en haut de cycle - que les deux avionneurs doivent livrer dans les trois ans à venir. Or, les compagnies, dont les avions sont vides, ont d'autres priorités. Préserver leur cash, notamment. Et les banquiers spécialistes du financement de l'aérien, Calyon et Natixis par exemple, frappés de plein fouet, sont plus que jamais contraints à la prudence. Jusqu'ici, Airbus et Boeing, avec parfois l'aide de l'Etat, ont réussi à protéger l'essentiel et à renvoyer l'heure de vérité à l'automne 2009 pour le constructeur européen et au printemps 2010 pour son homologue américain.

A ces dates, il leur faudra se résoudre à réduire les cadences de production. C'est alors l'ensemble de la filière, fournisseurs et sous-traitants, qui entrera dans une zone de turbulences. Et, bien sûr, les salariés. L'industrie automobile est entrée la première dans la crise. La construction aéronautique semble bien partie pour fermer la marche.

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