Risque climatique : clarifier les alternatives

Par Dominique Garrigues, président de l'Institut européen pour la gestion raisonnée de l'environnement (IEGRE).

Le problème lancinant du climat est devant nous, devant l'humanité : trois voies sont là pour nous en sortir, il faut choisir la bonne ! Les deux premières, c'est traiter le problème du risque climatique, priorité absolue ; l'une avec beaucoup de nucléaire dans tous les continents, l'autre sans nucléaire mais un "pro-fond changement de notre mode de vie" pour diminuer nos consommations d'énergie.

La troisième voie se définit par la modération en tout : réduire les combustibles fossiles, déployer les énergies renouvelables, les économies d'énergie, et faire du nucléaire, tout cela autant que raisonnable ; ainsi mieux élever le niveau de vie mondial pour traiter sé-rieusement le problème climatique le jour où il se manifesterait.

Revoyons ces options de plus près

Nous pouvons gérer le risque climat avec l'outil nucléaire, comme nous le conseille un James Lovelock, écologiste chevronné ? Hérisser la planète de réacteurs, y compris les pays à récente tradition industrielle, les régions instables politiquement, sismiquement, climatiquement... Des risques significatifs d'accidents graves, d'attentats, de prolifération... Qui peut assurer que cette option est préférable à celle de l'élévation des températures moyennes de 1,4°C dans 91 ans ? Le doute nous paraît permis..

Alors la deuxième option, le changement de notre mode de vie pour réduire drastiquement la consommation d'énergie ! Avec une sonorité incantatoire qui propulse le débat vers les strates métaphysiques incluant remise en cause de notre actuel moi Prométhée. C'est la position défendue par les vrais écologistes, rejoints par certains hommes politiques.

Nous avons écouté ce discours-là avec attention, pour percevoir quel est ce "mode de vie" qu'il nous faut embrasser dans les 24 mois qui viennent. Les réponses concrètes man-quent, ou peut-être avons-nous mal prêté l'oreille ? Certes, les économies d'énergie dans l'habitat, les travaux d'isolation, gigantesque chantier. Quoi encore ? le covoiturage, Vélib, bon... Remodeler nos cités pour réduire les déplacements, bien sûr mais ce sera long... Et le ferroviaire, trains et tramways, est mieux justifié s'il y a du nucléaire, donc pas hors France.

En réalité, c'est assez clair : les éoliennes ne suffiront pas ! (ni les centrales électriques à gaz, voir la remarquable étude de Newcomer et Apt, décrite par Benjamin Dessus dans "La Recherche" de juillet). Il nous faut réduire massivement nos consommations d'énergie, acheter moins, consommer moins, agir sur tous les chapitres et non pas seulement habitat et transports : éteindre à jamais machines à laver et sèche-linge, lave-vaisselle, robots ménagers, fers à repasser, aspirateurs, ascenseurs et autres sorbetières... Revenir au lavage du linge à la main, y compris les couches du bébé et autres... - et défense d'utiliser les jetables, ils consomment de l'énergie et des ressources. Vive le balai, à bas l'aspirateur ! Le tabou du réchauffement est plus fort que la libération de la femme, imprévu retour de manivelle, pied de nez de l'histoire...

Ce serait donc bien cela : revenir soixante ans en arrière ? Nous comprenons que les parti-sans de cette option hésitent à se montrer trop précis : ils nous assurent que ce n'est pas le "retour à la bougie". Pourtant... Ou alors, précisons que les Français se verront épargner cette régression grâce à leur nucléaire, mais que les autres Européens n'y échapperont pas ?

Et ce sera aussi la fin de tous ces biens manufacturés, donc zéro emploi pour les fabriquer (il est vrai que beaucoup sont importés...). Et consacrer du temps aux travaux que ne feront plus ces défuntes machines, donc autant de moins pour la création de richesses. De nouveaux emplois d'aides ménagères à la clé, mais avec quelle productivité ?

Nous nous trompons, ce n'est pas ça ? Tant mieux ! Mais alors s'il vous plaît, vous qui parlez de changer notre "mode de vie", chiffrez les réductions de consommation d'énergie qu'il faut, décrivez-nous bien clairement notre mode de vie, quand nous aurons mis en place vos préconisations. Nous vous écoutons avec le plus grand intérêt.

Si vous n'êtes pas convaincants, il restera notre troisième option, la modération : ne pas se lancer dans de fortes dépenses contre l'effet de serre, investir dans la recherche, attendre - en le surveillant comme le lait sur le feu - que le problème se concrétise, et ce jour-là agir énergiquement contre ses causes et contre ses effets négatifs, plus riches et mieux armés. La hausse inéluctable des prix du pétrole fera spontanément agir nos acteurs de terrain, de toute façon. Techniquement, nous dirons : rechercher les optimums économiques sans inté-grer l'externalité climat.

Bien sûr, ce n'est pas très gratifiant, la prévention prévaut sur la correction. Mais les incertitudes sont si larges, l'action 2010 pour 2100 ressemble tellement à un coup de poker.

Ne nous faisons pas le bourreau de nous-mêmes, Héautontimoruménos renouvelé de Térence.

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Commentaires 4
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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En effet il est urgent de ne pas détruire notre économie pour éviter un "effet de serre" qui serait dû au CO2 et qui modifierait notablement le climat. Je suis pour ma part très sceptique sur l'influence de l'homme sur le climat. Il me paraît plus i...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Tellement Vrai. Faisons le parie que l'homme et son génie (si si j'ai bien dit génie) parviendra à surmonter cette difficultée ! Même si pour nous aujourd'hui cela peut nous sembler difficile !

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Héautontimoruménos ! Heureusement qu'il y a Internet pour découvrir la signification de ce long nom, que je n'avais jamais ni lu, ni entendu lors de mes 6 années de latin. Mais je ne vois pas exactement pourquoi une telle référence ? A part cela, ...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Merci de l'effort de clarté et de mesure qui caractérise cette démarche. Je suis très agacé par deux phénomènes : l'omniprésence du prétexte environnemental dans les media, le commerce, etc comme une nouvelle religion à laquelle il faut sacrifier (en...

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