Les niches fiscales contre l'environnement

Dans le débat sur la chasse aux niches fiscales, il est surprenant que personne ne s'interroge sur celles qui encouragent indirectement la dégradation de l'environnement. A l'heure de la taxe carbone, il serait cohérent de diminuer les 5 milliards d'euros de dépenses fiscales (exonérations ou réductions de taxe intérieure sur les produits pétroliers) qui incitent à privilégier les énergies fossiles.

A chaque automne ressurgit en France, avec la chute des feuilles des arbres, le débat sur les "niches fiscales". Cette appellation médiatique vise, en fait, les "dépenses fiscales", ainsi nommées parce que les exonérations ou abattements qui en sont les causes constituent autant de pertes de recettes fiscales pour l'Etat, par rapport à ce qu'engendrerait une application de la loi fiscale sans ces dérogations.

Plusieurs de ces dépenses fiscales ont été plafonnées l'an dernier dans la loi de finances pour 2009. Cette année, le président de la commission des Affaires sociales et le rapporteur général du Budget à l'Assemblée nationale, ont, dès le début du mois d'août, réclamé une réduction plus importante des dépenses fiscales, du fait de l'aggravation des déficits publics, en évoquant plusieurs pistes : suppression de certaines dépenses fiscales, limitation de la totalité des dépenses fiscales soit par l'application d'une franchise, soit par une hausse uniforme de tous les taux de réduction...

Parmi toutes ces propositions plus ou moins récurrentes, il est étonnant de constater qu'aucune ne suggère de réduire les dépenses fiscales en fonction de leur impact sur l'environnement. Or, aujourd'hui, on peut estimer à plus de 5 milliards d'euros par an les dépenses fiscales dommageables à l'environnement (exonération de TIPP pour les transports aériens et maritimes, taux réduit de TIPP pour le fioul domestique, exonération de TVA pour les billets des transports aériens internationaux et les opérations connexes au remembrement, taux réduit de TVA pour les vols aériens nationaux...).

Cette situation est structurellement négative pour plusieurs raisons d'ordre différent. Sur le plan budgétaire, elle se traduit par des pertes de recettes fiscales et des coûts de gestion importants. En outre, l'opinion publique semble peu consciente de ces dépenses fiscales. Ce sont pourtant les Français qui en supportent la charge via d'autres impositions. Sur le plan économique, certaines de ces dépenses fiscales ne sont guère justifiées, faussent la concurrence et le libre jeu de l'économie de marché.

Sur le plan environnemental, ces dépenses fiscales empêchent ou freinent la transmission d'un signal prix qui permettrait d'inciter les agents à économiser un intrant ou une substance polluante. Par exemple, en détaxant ou en sous-taxant certains carburants, depuis plusieurs décennies, les pouvoirs publics n'ont guère incité les consommateurs de ces carburants à des comportements économes en énergie et en CO2 ni, en amont, les industriels à accélérer la mise au point d'équipements économes en énergie.

L'OCDE, en vertu du principe pollueur-payeur qu'elle a endossé dès 1971, ne cesse, depuis des décennies, d'appeler ses Etats membres au démantèlement des subventions publiques et dépenses fiscales dommageables envers l'environnement. Elle estime même que l'instauration d'une fiscalité environnementale devrait commencer par la suppression de ces dépenses fiscales, se poursuivre par la modification des taxes existantes et ne créer de nouvelles écotaxes qu'ensuite.

La persistance d'un tel niveau de dépenses fiscales dommageables a l'environnement est peut-être plus contestable qu'autrefois, du fait de l'ampleur des déficits et de la dette publics et l'aggravation de la dégradation de l'environnement. En outre, la plus grande part de ces dépenses fiscales concerne l'exonération ou la taxation à taux réduit de carburants et favorise donc les émissions de CO2. Or, la taxe carbone qui a fait tant de bruit rapportera moins au taux décidé de 17 euros la tonne que le manque à gagner pour l'Etat qui résulte de ces dépenses fiscales.

Dès lors, on ne peut que faire le lien entre les deux questions et plaider pour la diminution progressive des dépenses fiscales dommageables envers l'environnement. S'il est sans doute difficile de supprimer d'un coup la totalité, il est possible de les diminuer et de les restructurer. Il faut, en effet, distinguer deux questions : le montant et les modalités des dépenses fiscales. Si un soutien public via des dépenses fiscales est aujourd'hui égal à 100, l'Etat peut décider de le conserver au même niveau, de le baisser à 60 ou 80 (ou même de l'augmenter à 120).

Mais que l'Etat décide de le conserver au même niveau ou de le diminuer, si ce soutien est, aujourd'hui décomposé, par exemple, en dépenses fiscales défavorables a l'environnement pour 40, neutres pour 20 et favorables pour 40, il est toujours envisageable de diminuer la part dommageable envers l'environnement (par exemple en 60-20-20).

Revue générale des prélèvements obligatoires, Revue générale des politiques publiques, lois Grenelle, déficits publics, nécessité de diminuer les dépenses fiscales, vérité des coûts, parole présidentielle forte... tout se conjugue aujourd'hui pour rapprocher orthodoxie budgétaire et développement durable et diminuer les dépenses fiscales dommageables envers l'environnement. On ne peut douter que cette fois sera la bonne.

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