Les politiques face aux inégalités qui déchirent la France

Dans sa dernière livraison sur "Les revenus et le patrimoine des ménages", l'Insee apporte un éclairage décapant sur les inégalités françaises, et l'angoisse des Français devant la pauvreté. La situation très favorable des très hauts salaires et des "baby boomers", le passage par la pauvreté d'un Français sur cinq avant même la crise, et la situation très dégradée des immigrés en provenance d'Afrique.

Hier, l'Insee a lâché quelques bombes qui, en ces temps politiques où chaque camp cherche sa clientèle électorale, pourraient nourrir les logiciels de campagne pour 2012. Ses travaux chiffrés ne sont pas tous des révélations. Mais ils confirment des intuitions fortes, ils apportent de l'eau au moulin de ceux qui prônent la suspension du bouclier fiscal, et expliquent la violence des tensions qui traversent aujourd'hui la société française. Ce n'est pas une lubie d'altermondialiste : quelques métiers, "à forte valeur ajoutée", échappent clairement aux tendances générales des revenus en France. C'est chez les dirigeants, consultants, cadres dirigeants des holdings des grands groupes, et professions financières que se concentrent les "très hauts salaires", d'une moyenne de 215.600 euros par mois, lesquels échappent à la modération salariale avec une croissance de 5,8% l'an entre 2002 et 2007 contre une hausse moyenne de 2,3% pour l'ensemble des salariés. Voilà qui devrait nourrir le débat sur la fiscalité des tranches supérieures de revenus.

En 2007, soit avant qu'éclate la crise, la France comptait 8 millions de pauvres, avec un niveau de vie inférieur à 908 euros par mois. Alors que le niveau de vie général des Français n'a cessé d'augmenter, depuis 2000 la pauvreté ne recule plus. D'ailleurs, sur les années 2004 à 2007, années plutôt prospères, 22% des Français ont été pauvres au moins un an, et parmi eux, trois sur dix l'ont été de façon persistante, trois années durant. Si la pauvreté est plutôt transitoire, ces chiffres sont considérables pour un "pays riche", où la possibilité de tomber dans la pauvreté, au gré d'un événement de la vie, n'est plus une abstraction. Et expliquent pourquoi, fin 2008, 60% des Français disaient avoir "peur de devenir SDF". Qu'en est-il dans les territoires du nord-est de la France, où sortir de la pauvreté relève de la gageure en raison d'un taux de chômage plus élevé qu'ailleurs ?

L'inéquité entre les générations est, elle aussi, flagrante. Les baby-boomers nés entre 1945 et 1953 ont un niveau de vie très supérieur aux générations précédentes comme aux générations suivantes, pour plusieurs raisons : primo, étant aujourd'hui en fin de carrière, leurs revenus sont plus élevés. C'est l'effet d'âge. Secundo, cette génération a vu se généraliser le travail féminin, et compte nombre de ménages bi-actifs. Tertio, entrés sur le marché du travail à un moment encore porteur, les baby-boomers ont conservé toute leur vie cet avantage, alors que ceux qui y sont entrés dans une conjoncture déprimée en subiront la cicatrice tout au long de leur vie active et de leur vie de retraité. Même plus vieux, les jeunes resteront générationnellemnt pauvres. Peut-on, dans ces conditions, ignorer dans les arbitrages de la réforme des retraites, la situation très privilégiée dont ont bénéficié les baby-boomers à toutes les étapes de leur vie ?

Les travaux de l'Insee sur la situation des immigrés sont particulièrement explosifs, et risquent d'alimenter le discours du Front national. D'abord, ils concluent que les immigrés ont un niveau de vie inférieur de 33% à celui des non immigrés. Et ce pour des raisons clairement identifiées : 55% des ménages immigrés ont un seul apporteur de ressources (contre 44% pour les non immigrés), 13% sont des familles monoparentales (contre 8%), et 12% sont des familles nombreuses (contre 5%). Mais ces différences familiales n'expliquent pas tout : à caractéristiques socio-profesionnelles identiques, un écart important subsiste entre immigrés et non immigrés, lesquels sont à la fois plus précaires et moins bien payés. Il y a donc bien une discrimination objective et mesurée. Ensuite, la situation des immigrés en provenance d'Afrique, qu'ils viennent du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, soit la moitié des 5 millions d'immigrés en France, apparait particulièremnt critique : à situation identique, l'écart de niveau de vie est de 20% entre eux et les non immigrés. Et alors que ceux qui viennent d'Europe ont un niveau de vie inférieur de 14% à celui des non immigrés, pour ceux qui viennent d'Afrique, la différence atteint... 42% ! Résultat : 43% des immigrés originaires d'Afrique sont pauvres. Or ils sont déjà très aidés : les prestations sociales leur assurent 21% de leurs revenus, contre 5,1% pour les non immigrés et seulement 5,4% pour ceux qui viennent d'Europe. À l'évidence, la question migratoire demeure une question brûlante pour tous les candidats aux élections de 2012.

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Commentaire 1
à écrit le 11/04/2010 à 15:03
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Pour compléter ci-joint uen réflexion sur le thème citoyens et inégalités; en comparant la rome antique aux mégapoles actuelles, la démocratie urbaine est-elle en danger?, la démocratie tout court est-elle en danger? URBANISATION ET RELATIONS SOCI...

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