Chine : quel rôle dans la sortie de crise  ?

La direction du Trésor organise aujourd'hui un colloque sur le thème "Europe-Chine : relever les défis communs", auquel participera Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI. Selon l'économiste Jacques Mistral, le rééquilibrage de la croissance chinoise est en cours, mais prendra du temps.

La Chine a été sévèrement frappée par la crise mondiale. L'adoption rapide d'un plan de relance massif a eu des effets spectaculaires et la croissance dépasse à nouveau 10% en rythme annuel au printemps 2010. Une croissance à l'allure explosive impose de longue date aux autorités chinoises un objectif central : éviter l'explosion, assurer la stabilité. La Chine, d'un autre côté, prend une place croissante dans les affaires mondiales. Le reste du monde s'interroge : quelles conséquences aura ce développement chinois sur l'énergie, les matières premières, les emplois, la coopération technique, le climat ? Ces interrogations, ces inquiétudes, sont légitimes. Mais qui peut dire à la Chine : "vous vous développez trop vite" ? L'important, c'est que les autorités chinoises soient attentives à ces réactions du reste du monde. Et, pour un pays continent, il faut bien comprendre - et intégrer dans ses décisions - l'impact des politiques domestiques sur le monde extérieur.

Aujourd'hui, à Pékin, il y a trois sortes de préoccupations : la sortie du plan de relance, les inquiétudes sur la solidité de la reprise mondiale et la volatilité des taux de change. Cela nourrit un débat sur le régime de croissance futur. Un regard critique est désormais porté sur une croissance trop dépendante de l'extérieur, une attention nouvelle est portée à la consommation domestique. Cela change profondément le processus de mondialisation. Que réservait en effet l'extrapolation de la stratégie initiale, que l'on peut qualifier de mercantiliste pour simplifier ? Des excédents perpétuellement croissants, un refus de la division internationale du travail aboutissant à des tensions commerciales et monétaires dont on a eu beaucoup d'exemples.

Ces facteurs de tensions peuvent se résorber pour peu que se concrétise cette "restructuration" de l'économie. Il faudrait alors s'attendre à une stratégie chinoise en deux axes : la montée en gamme (la Chine "laboratoire du monde", ce qui mettra quand même du temps) et la demande interne.Pour les pays industrialisés, cela veut dire une concurrence croissante, c'est certain ; mais aussi, et c'est nouveau, une croissance plus rapide, plus diversifiée des débouchés. L'impact sur les économies industrialisées sera décisif et entraînera une différenciation accrue entre celles qui seront capables de tirer profit de ces opportunités et les autres : ne blâmons pas la Chine, à nous de nous préparer ! Et au Sud, il y aura, il y a déjà pour beaucoup un vif effet d'entraînement et, pour certains, des désillusions.

Le résultat serait un meilleur équilibre de la balance extérieure chinoise, dans le prolongement des résultats observés ce printemps. Cette nouvelle tendance devrait apaiser les tensions commerciales sans décourager une gestion "rationnelle" du taux de change qui corresponde aux intérêts de la Chine sur cette nouvelle trajectoire : une appréciation contrôlée du change, ce serait un remède anti-inflationniste et un vecteur naturel de distribution de pouvoir d'achat. Une croissance aussi rapide entraîne inévitablement des risques sous-jacents. Les autorités chinoises en sont très conscientes. Sur le plan interne (crédit, bulles, immobilier, finances locales), elles se sentent capables de les maîtriser ; la comparaison avec le Japon est à ce sujet trompeuse, la Chine a plus de marge de manoeuvre. En revanche, la crise a entraîné un renforcement du rôle de l'Etat et la question de l'allocation du capital dans une économie en voie de diversification reste posée.

Sur le plan international, cette nouvelle stratégie est bénéfique à condition que ce soit dans le cadre d'une concurrence non truquée. Les entreprises étrangères en Chine, européennes comme américaines ou japonaises, font part de difficultés croissantes. On peut nourrir l'espoir qu'il s'agit d'un effet collatéral, temporaire, de la lutte contre la récession, il faudra s'en assurer. Eviter la confrontation, aller vers plus de coopération pour un développement partagé, voilà en tout cas ce qu'il faut chercher en matière d'approvisionnements, d'accès aux marchés, de règles de droit et de gouvernance.

La crise a rendu toutes les économies encore plus interdépendantes. Nous avons beaucoup de points communs, en France et en Chine, sur l'analyse d'un monde en voie de multipolarisation. Un monde plus changeant, plus incertain. L'avenir de la mondialisation, et les bénéfices qui en découlent pour tous, dépendent de notre capacité à mettre en place les mécanismes qui assurent sa stabilité : le G20 est une instance prometteuse, son bon fonctionnement suppose l'engagement de tous.

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