Pechiney avec un P comme Phénix

Par Olivier Provost, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.

C'était devenu l'exemple de ce que la France dans sa gloire industrielle devait éviter à tout prix : voir un de ses géants internationaux avalé tout cru par un faux frère canadien. En 2003, donc, exit Pechiney, ex-star des entreprises tricolores, symbole d'un pays passé en trois cents ans des manufactures royales à la multinationale. De Colbert à Jean Gandois... en passant par une nationalisation sous l'ère de François Mitterrand entachée d'une sombre histoire de délit d'initiés qui allait connoter négativement pour longtemps le nom du groupe français.

De ce rachat de Pechiney, Nicolas Sarkozy, parfois moins libéral qu'interventionniste, a fait un repoussoir. D'un côté, son haut fait d'armes : le sauvetage d'Alstom via une prise de participation de l'Etat (avant de la céder à Bouygues). De l'autre, l'incompétence de ses prédécesseurs qui ont laissé Pechiney se faire gober par Alcan, lui-même absorbé un peu plus tard par l'anglo-australien Rio Tinto. Et tant pis pour toutes les communes de France qui abritaient un site de l'ex-Pechiney avec ses dizaines de milliers d'emplois menacés par des décisions prises à Montréal, Londres ou Sydney.

Aujourd'hui, retournement de situation. Le rachat d'Alcan EP, qui comprend à peu près un tiers de l'ex-Pechiney, notamment sa force de frappe dans l'aluminium, est présenté comme la renaissance d'un champion français. Pechiney en Phénix pour tout dire. Sans jouer à "question sur un champion", il convient tout de même de s'interroger. La détention de ces sites par un fonds américain à 51%, un Rio Tinto demeurant dans le capital à 39% et un FSI (le Fonds stratégique d'investissement, notre fonds souverain à nous), se contentant de 10%, permet-elle de parler de champion français ? Ecarte-t-elle le risque que, comme tout fonds qui se respecte, Apollo n'envisage de recéder sa participation d'ici quelque temps à John, Tchang ou João ? Pas sûr. Et l'Etat français, perclus de dettes, va avoir du mal à rejouer pleinement les capitalistes industriels.

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