Pour un « quantitative easing » du droit à construire

Par Olivier Lecomte, professeur de finance à Centrale Paris.
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Difficile d'ouvrir un journal ces derniers temps sans tomber sur un sujet inquiétant sur l'immobilier : envolée des prix, hausse des taux, crash proche... À certains égards, c'est une bonne chose car cela permettra peut-être d'aborder le problème avec de nouvelles solutions. Constatons d'abord qu'il ne suffit pas d'inscrire dans la loi un droit au logement opposable (Dalo) pour que ceux-ci se mettent à pousser dans les villes, pas plus qu'on ne voit comment un blocage des loyers pourrait accroître l'offre de droits à construire. Essayons donc d'y voir plus clair, à partir de données et d'analyses économiques sérieuses. On citera en premier lieu les travaux de Jacques Friggit, économiste spécialiste de l'immobilier au sein du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et une étude récente de l'OCDE.

D'abord, plutôt que de s'intéresser au seul prix de l'immobilier, Friggit le compare à l'évolution du revenu des ménages, et ses travaux démontrent qu'un décrochage s'est bien produit : pendant trente-cinq ans, les prix ont évolué grosso modo au même rythme que les revenus moyens, avec un écart maximum de 15 % entre les hauts et les bas de cycles. Or, depuis 2000, ils ont pris 60 % à 70 % de plus. Et même en tenant compte de la baisse des taux d'intérêt, le pouvoir d'achat immobilier se situe en moyenne 30 % en dessous de ce qu'il était... en 1965 ! La province n'est pas épargnée, avec ? 27 %, contre ? 34 % pour Paris. Et la crise de 2008 n'a pas significativement fait baisser les prix, ou seulement très temporairement, à la différence de ce que l'on a observé en Grande-Bretagne ou aux États-Unis (où la bulle a quasiment disparu). Les dispositifs incitatifs de type Scellier, s'ils ont évité aux promoteurs et constructeurs un choc trop violent, ont limité l'ajustement naturel du marché. Les craintes inflationnistes et l'aversion pour les placements financiers ont fait le reste, et nous voilà donc avec une bulle qui n'a pas crevé.

Faisons un petit détour par la microéconomie. Quand une offre est peu élastique, comme c'est le cas dans l'immobilier (on ne crée pas des logements en trois mois), offrir aux acquéreurs des aides (Scellier, PTZ, taux bas) ne peut avoir qu'un effet immédiat : la hausse des prix. Ce faisant, le foncier augmente également, ce qui se répercute bien sûr sur les programmes suivants, qui sortent donc sur une base de prix rehaussée, entraînant de nouvelles aides aux acquéreurs, qui font monter les prix, et donc le coût des opérations suivantes... on n'en sort plus... Seuls les professionnels du secteur y trouvent leur compte... jusqu'au jour où le marché, totalement déconnecté de l'évolution du revenu disponible, explose. De la même manière, plafonner durablement les prix ou les loyers provoque une diminution immédiate de l'offre et crée la pénurie à plus long terme. Une étude multifactorielle de l'OCDE montre en outre que la qualité du parc locatif décroît... dans les pays dont les loyers sont les plus encadrés, ce qui se comprend aisément.

Les pistes sont donc à chercher ailleurs, du côté de l'offre. Si le terrain est rare dans les zones denses, les droits à construire peuvent être créés à partir de (presque) rien, puisque ce sont les maires et les règles d'urbanisme qui déterminent la sur- face constructible sur une assiette foncière donnée. Or, malgré des dispositifs incitatifs, comme les programmes locaux de l'habitat (PLH), la création de logements plafonne. On est donc tenté de suggérer une mesure extraordinaire, à l'instar du « quantitative easing » adopté par la FED pour relancer l'économie américaine : pourquoi ne pas permettre un assouplissement temporaire des règles d'urbanisme, simplifier l'obtention de permis de construire, investir le montant des niches dans les aménagements urbains nécessaires, et tordre le bras des maires qui seraient trop frileux. Cela resolvabiliserait la demande, et éviterait le crash.

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