Le "trading floor" en sursis

Par Jérôme Marin, correspondant à New York de La Tribune.
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La bataille entre les places boursières américaines est encore montée d'un cran dimanche dernier après le rejet par Nyse-Euronext de l'offre hostile lancée par Nasdaq OMX, associé avec l'IntercontinentalExchange (ICE). L'opérateur transatlantique lui préfère une fusion avec l'allemand Deutsche Börse. Car, au-delà des incertitudes réglementaires et des divergences stratégiques, ce sont en réalité deux mondes qui s'opposent. D'un côté, le New York Stock Exchange, fondé en 1792 sous un platane de Wall Street, son siège historique mondialement connu au plein coeur du Financial District. Et sa mythique salle des marchés. De l'autre, le Nasdaq, à peine quarante ans d'âge, précurseur de l'entrée dans une nouvelle ère, celle des échanges électroniques, et autoproclamé "le marché boursier des cent prochaines années". Ses écrans géants sur Time Square et ses campagnes de publicité et de marketing témoignent d'une tout autre culture.

Alors forcément, la perspective de voir le leader historique avalé par son challenger ne manque pas de piquant. Mais elle engendre aussi beaucoup de questions. D'abord : qu'adviendra-t-il du "trading floor" du 11 Wall Street ? Il sera conservé, a déjà répondu le patron du Nasdaq. "En fait, il ne s'agira plus que d'un grand studio télé, parce qu'il n'y aura plus de traders, redoute cependant Bob Pisani, l'un des hommes de terrain de CNBC. Tout sera décentralisé grâce à la plate-forme déjà utilisée par le Nasdaq". Mais, après tout, à l'heure de la globalisation, de la montée en puissance des places émergentes et des opérateurs alternatifs, à l'heure des modèles informatiques ultra-sophistiqués, à l'heure où l'on se bat pour gagner quelques millièmes de seconde dans le traitement des transactions... n'est-il pas folklorique de vouloir conserver, coûte que coûte, cette salle des marchés ? Surtout qu'elle ne semble plus à la hauteur à sa réputation : à part quelques frémissements à l'ouverture et à la clôture des échanges, il ne s'y passe plus grand-chose. Dans certaines salles, celles réservées au trading des options notamment, les bureaux vides sont légion. Et puis le silence, quel silence !

Le charme des box étriqués, des écrans d'un autre temps, des petits bouts de papier échangés et des gesticulations des traders n'existe plus. Il a laissé sa place à des "open desks" flambant neufs et aseptisés, à des écrans plats et à des tablettes numériques. Ce n'est plus ici que s'écrit l'histoire financière, encore moins ici que se font et défont des fortunes. Mais le "floor" reste encore une communauté soudée, attachée à faire perdurer l'héritage du passé. Et il procure encore de belles images, nous permettant par exemple d'illustrer cet article. Et si finalement, ce n'était pas cela le plus important ? Mettre des visages sur la réalité froide et brutale des marchés financiers, sur la détresse un jour de krach ou au contraire sur l'euphorie un jour de rebond. Rappeler que l'humain prime sur les cours, les plus-values, les dividendes...

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