Pas de journal sans règles du jeu

Le devenir de La Tribune est mis en péril par un nouveau projet de suppressions de postes massif de journalistes remplacés par des intervenants extérieurs à la rédaction.
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La rédaction de La Tribune vient d?observer deux jours de grève qui reflètent une crise profonde. Le projet de suppression de 20 à 25 postes au sein de la rédaction, ainsi que la volonté de l?actionnaire d?augmenter les contributions fournies par des intervenants extérieurs, qui ne sont pas journalistes, en sont à l?origine.

Ces hypothèses sont de nature à affecter la déontologie du journal, et "l?esprit Tribune" qui reste présent depuis sa création, il y a vingt-cinq ans. La charte éditoriale de La Tribune, premier texte du genre élaboré dans la presse quotidienne nationale française, est mise en péril. Celle-ci, signée par l?actionnaire principal du journal, Valérie Decamp, a pour première phrase : "il ne peut y avoir de médias d?information sans journalistes professionnels regroupés au sein d?une rédaction et sans éditeurs."

La suppression de quinze postes au service Edition, qui met en page, illustre, corrige et édite les textes des rédacteurs, irait à l?encontre de ce principe. D?autant que ce nouveau projet de réduction d?effectif intervient après une première vague de suppressions de postes dans le cadre d?un plan de départs volontaires annoncé en janvier. À quoi ressemblerait votre quotidien économique et financier s?il n?est plus mis en forme, illustré de graphiques et de photos ?
Très à la mode, l?augmentation des contributions extérieures, qui représentent déjà quatre pages dans le journal, pose de son côté un risque majeur à l?élaboration d?une information indépendante. Le fait que le projet émane non pas de la direction de la rédaction, mais de l?actionnaire du journal, est en soi une violation du principe d?indépendance de la rédaction. Alors qu?une crise sans précédent bouleverse le journal, ne serait-ce que par l?accumulation des départs successifs, de la direction de la rédaction aux rédacteurs, il est crucial que les forces vives du journal soient aujourd?hui associées à la ligne éditoriale, et à son éventuelle évolution.

Par ailleurs, la Société des journalistes, qui représente la rédaction et se doit de faire respecter la charte éditoriale, rappelle que l?actionnaire n?a pas vocation à intervenir sur le "chemin de fer", c?est-à-dire le déroulé du journal. La suspension de la grève pour la parution du quotidien de ce jour montre la responsabilité de la rédaction par rapport à ses lecteurs, qui comprendront sans aucun doute cette lutte pour une information de qualité. Elle ne donne en aucun cas un blanc-seing aux actionnaires du journal, Alain Weill (20%) et Valérie Decamp (80%), qui n?ont jamais investi un centime dans La Tribune.

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