L'opération Verallia, un jackpot pour Saint-Gobain...

Avant de vendre sa filiale Verallia au marché, Saint-Gobain va siphonner sa trésorerie, laissant une entreprise de 3,5 milliards de chiffre d'affaires avec 1,8 milliard de dettes, et sans fonds propres consolidés. Si Saint-Gobain se désendettait de 4 milliards, cette opération annoncerait-elle une nouvelle affaire Alstom ?
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Engagé dans un recentrage de son activité vers le marché de l'habitat durable, le groupe Saint-Gobain s'apprête à vendre sur le marché son activité emballage, filialisée sous le nom de Verallia. Les détails de l'introduction en Bourse, désormais imminente (si les conditions de marché le permettent), révèlent comment une opération de "spin-off " en apparence banale va constituer un fantastique jackpot pour... le vendeur.

L'opération va en effet permettre à Saint-Gobain, qui avait encore 7,2 milliards d'euros d'endettement net à fin 2010, de se désendetter massivement au terme de trois étapes : la constitution de Verallia, sa cession, et enfin sa déconsolidation, lorsque le groupe présidé par Pierre-André de Chalendar se désengagera totalement de son activité historique. Pour être un peu technique, le tour de passe-passe financier de Saint-Gobain mérite que l'on s'y arrête.

La constitution d'abord. Les activités emballage étant juridiquement dispersées au sein du groupe, il a fallu constituer une société pour les regrouper, et donc construire un bilan consolidé : ce fut Verallia. Saint-Gobain a ainsi profité de la réorganisation, par cessions et apports d'actifs à la nouvelle entité, pour récupérer 1,5 milliard d'euros de trésorerie : 600 millions de cessions d'actifs, 200 millions en se faisant verser un super-dividende juste avant son introduction en Bourse, et enfin 600 millions par remboursement de la prime d'apport, venu réduire d'autant les fonds propres de Verallia. Ainsi, la nouvelle société, qui n'avait que 327 millions d'euros de dettes avant son introduction en Bourse, va-t-elle se retrouver avec 1,8 milliard d'engagements financiers, et « des fonds propres ramenés à un montant proche de zéro ? » révèle le document de référence.

À première vue, cette opération ne change rien à l'endettement de Saint-Gobain qui, pour l'instant, est en quelque sorte le banquier de sa filiale. Si ce n'est qu'en ayant mis en place un crédit syndiqué auprès de plusieurs banques, Saint-Gobain a prévu de se faire rapidement rembourser ses prêts par Verallia, transformant alors dans son bilan la créance de 1,8 milliard d'euros en cash.

La mise en Bourse, ensuite, rapportera dans un premier temps la valeur de la quote-part cédée. Si l'on retient une valorisation médiane de Verallia de 2,5 milliards, un petit 50 % d'actions mises sur le marché lui rapportera 1,2 milliard, en trésorerie comme en désendettement comptable. Mais ce n'est pas tout. Car, lorsque Saint-Gobain détiendra moins de 50 % de Verallia, il pourra déconsolider la dette de 1,8 milliard. Pour peu qu'il vende la totalité des titres, cette deuxième étape allégera la dette de Saint-Gobain de 3 milliards supplémentaires.

Au total, l'opération menée à son terme aura ainsi réduit la dette de Saint-Gobain de 4,2 milliards, la ramenant à 3 milliards. Ce qui renforcera la solidité d'un groupe qui disposera en face de près de 20 milliards d'euros de fonds propres à fin 2011.

Un coup de maître, donc, pour Saint-Gobain. Mais le futur actionnaire de Verallia peut-il se satisfaire d'investir dans une entreprise qui réalise 3,5 milliards d'euros de chiffre d'affaires sans fonds propres consolidés, avec de surcroît 1,8 milliard de dettes nettes ? "Il y a eu d'autres exemples de sociétés introduites avec peu de capitaux propres consolidés, voire des capitaux propres négatifs, répond la communication financière de Verallia. Le ratio d'endettement rapporté aux fonds propres est de moins en moins utilisé, d'ailleurs les agences de notation ont attribué aux dettes de Verallia une note "investment grade" à la date d'admission des actions. Ce ne sont pas les fonds propres consolidés qui déterminent la capacité à verser des dividendes, mais les fonds propres sociaux."

À combien s'élèvent-ils ? La direction refuse de les dévoiler. Mais précise que "la société reconstituera ses fonds propres grâce à des résultats nets d'environ 250 millions d'euros par an. Quant à notre capacité à financer nos investissements, à rembourser nos dettes et à rémunérer nos actionnaires, elle est assurée par la trésorerie générée par l'activité, de 541 millions d'euros en 2010". Si la réglementation comptable n'oblige pas une entreprise à détenir des fonds propres consolidés, ceux-ci reflètent néanmoins sa solidité économique. Et pour ses futurs actionnaires, ils représentent sa capacité à faire face à un accident industriel. Raison pour laquelle les activités combinées disposaient jusque-là au sein du groupe de 1,3 milliard de fonds propres.

Car cette opération rappelle singulièrement la scission d'Alcatel-Alsthom en 1998, quand la première avait préalablement siphonné la trésorerie de la seconde, par le versement d'un super-dividende de plus de 1,2 milliard. Une opération qui avait été le prélude à la longue dégringolade d'un Alstom dramatiquement sous-capitalisé et sauvé in extremis par l'État, tandis qu'Alcatel, recentré sur les télécoms en haut de cycle, n'a pas tiré parti de son désengagement. Les actionnaires de Verallia, qui vont devoir rembourser 1,8 milliard d'euros de dettes, connaîtront-ils le même sort que ceux d'Alstom ?

 

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