Rapprochons l'euro des citoyens !

Par Stéphane Cossé et Robert Rochefort, respectivement membre du comité d'orientation d'EuropaNova et député européen.
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Au cours des dernières semaines, le Mécanisme européen de stabilité financière (MESF) et le Fonds européen de stabilité financière (FESF), constitués pour venir au secours des pays de la zone euro les plus fragilisés, ont émis trois emprunts consécutifs de plus de 13 milliards d'euros. Ces emprunts ont été sursouscrits de 3 à 9 fois par les investisseurs financiers. C'est la première fois de l'histoire que la Commission européenne (à travers le MESF) et les pays de la zone euro (à travers le FESF) empruntent pour aider un État membre défaillant de la zone euro, en l'occurrence l'Irlande. Ces emprunts concrétisent la volonté politique des gouvernements de la zone euro de mettre en place un mécanisme ambitieux de soutien aux économies les plus fragilisées (ce dispositif sera d'ailleurs pérennisé à partir de 2013 à travers la révision des traités européens).

Ces émissions obligataires passent toutefois inaperçues au-delà des marchés financiers. Elles pourraient pourtant constituer une formidable opportunité de mobiliser les citoyens européens autour de la défense de leur monnaie. De récents sondages ont illustré l'attachement des opinions européennes à la monnaie unique. Pourquoi alors ne pas avoir proposé que les banques vendent directement à leurs guichets ces obligations à tous les citoyens qui voudraient librement y souscrire ? Conséquence à la fois du processus de désintermédiation et de dématérialisation, il n'y a quasiment plus de lien entre le citoyen et la souscription à l'emprunt public. Les souscriptions sont réservées aux investisseurs financiers. Nombre de citoyens détiennent pourtant, sans le savoir, des obligations souveraines de leur propre pays et des pays voisins à travers les assurances-vie et OPCVM. Sait-on par exemple que, via les investisseurs financiers, sur les 74 % des titres de la dette publique allemande détenus par des non-résidents, près de 25 % le sont par des résidents en France, Italie et Benelux ? De même, l'Allemagne détient 13 % des titres de la dette publique espagnole et la France près de 19 % de celle des Pays-Bas.

À un moment où l'Europe est souvent décriée pour son approche trop « technocratique », proposer aux citoyens de souscrire directement à des obligations souveraines européennes constituerait une initiative significative. Le sentiment d'appartenir à une véritable communauté de destin solidaire et non plus à une simple zone économique de libre-échange dotée d'une monnaie commune s'en trouverait naturellement renforcé. Dans un contexte certes différent, Georges Clemenceau ne disait-il pas, en 1915, que le succès d'un emprunt est « la suprême attestation de la confiance que la France se doit à elle-même » ? Notons en outre que, lors des souscriptions ces dernières semaines, le MESF et le FESF ont émis à un taux supérieur au taux d'émission en Allemagne (entre 0,2 et 0,5 % d'intérêt). Pourquoi ne pas faire directement profiter les épargnants européens de cette prime ? En 2011, près de 35 milliards d'euros seront levés par le MESF et le FESF et, à terme, 440 milliards d'euros pourraient être mobilisés. Il n'est pas innocent que les gouvernements chinois et japonais aient annoncé leur intention de souscrire à ces emprunts (l'Asie a obtenu 38 % des titres lors de l'émission du FESF le 25 janvier), ce qui d'ailleurs en inquiète légitimement certains. Ouvrons dans ce contexte la souscription prioritairement à tous les épargnants qui souhaitent exprimer ainsi leur confiance en l'euro.

Enfin, cette démarche sensibiliserait les opinions à d'autres projets d'emprunts communs ambitieux. Comme celui de la Commission d'émettre des « project bonds », c'est-à-dire des emprunts pour financer des projets d'infrastructures ou énergétiques européens. Ou encore la mise en place d'un marché obligataire commun à travers les eurobonds. Il appartiendra alors à une Agence européenne du Trésor d'émettre pour le compte des États de la zone euro des obligations en commun. Soutenu notamment par le président de l'Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, ce projet fait malheureusement l'objet d'une opposition des gouvernements français et allemand. C'est pourtant une avancée tellement logique dans l'histoire de la convergence économique de l'Europe que cela finira par se mettre en place.

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Commentaire 1
à écrit le 31/05/2011 à 14:51
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Oui, surtout du côté des poches.

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