Nourrir les "fat cats"

Par Jerôme Marin, correspondant de La Tribune à New York.
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Prise de risque excessive, bonus démesurés, réticence à financer l'économie... Au plein coeur de la crise financière, les grandes banques américaines, sauvées de la déroute par l'injection massive de fonds publics, s'étaient attiré les foudres de Barack Obama. Des mots très durs avaient alors été prononcés à l'encontre de ces financiers coupables, par leur aveuglement et leur soif de profits, d'avoir précipité les Etats-Unis au bord du gouffre. Une expression est restée dans les mémoires : "fat cats". Comprenez des chats bien engraissés assis sur leur magot et donnant des coups de griffes à quiconque ose s'en approcher d'un peu trop près. Le président américain avait choisi son camp : Main Street au détriment de Wall Street. Cette dernière n'avait pas apprécié. Et, rancunière, elle avait alors porté ses millions de dollars sur les candidats républicains lors des élections de mi-mandat de novembre 2010. Une volonté de revanche mais aussi un brin de pragmatisme. En soutenant les républicains, la finance américaine s'assurait d'être dans le camp des vainqueurs. Et espérait aussi que cette satanée réforme de la régulation financière soit encore plus édulcorée.

Quelques mois plus tard, voilà que Barack Obama drague à nouveau banquiers et investisseurs. Objectif non dissimulé : lever le maximum de fonds à moins d'un an et demi de la prochaine présidentielle. Car la campagne à venir s'annonce comme la plus coûteuse de l'histoire. Officiellement candidat, l'ancien sénateur de l'Illinois espère récolter pas moins de 1 milliard de dollars pour assurer sa réélection à la Maison-Blanche. Pour y parvenir, il a besoin de regagner le soutien de Wall Street. Un pari loin d'être gagné. La semaine dernière, Jamie Dimon, le patron de JP Morgan Chase, a publiquement critiqué l'excès de régulation imposé aux banques. Souvent pressenti pour remplacer Timothy Geithner au poste de secrétaire au Trésor, Dimon est un démocrate convaincu (il a versé plus d'un demi-million de dollars sur les vingt dernières années aux démocrates). Mais il a pris depuis plusieurs mois déjà ses distances. Autre motif d'inquiétude pour Barack Obama : Mitt Romney, le favori désigné pour l'investiture républicaine, est ancien de la maison. Cofondateur du fonds d'investissement Bain Capital, il sait donc parler à Wall Street.

Pour autant, les soutiens du président dans la finance gardent confiance. "Ils estiment que l'appui dont Obama a besoin sera bien là, malgré la colère de l'industrie financière", écrivait en début de semaine le New York Times. Avant de poursuivre : "mais il est certain que ses supporters devront beaucoup plus batailler qu'en 2008 pour remporter la mise." Barack Obama, lui-même, ne ménage pas ses efforts. Après plusieurs visites à New York ces dernières semaines, il invitera le mois prochain d'importants acteurs de Wall Street à dîner chez Daniel, un très chic restaurant français - trois étoiles au Michelin - de l'Upper East Side. Car bien nourrir les "fat cats" est aujourd'hui l'une de ses priorités.

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