Silence, la planète se réchauffe !

Par Eric Benhamou, éditorialiste à La Tribune.
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Le saviez-vous ? Quelque 3.000 participants de 183 pays se sont réunis à Bonn du 6 au 17 juin pour la conférence des Nations unies sur le changement climatique. Loin des fastes du sommet de Copenhague avec son cortège de chefs d'Etat, cette conférence tourne, il est vrai, davantage autour de "discussions techniques" visant à préparer la prochaine conférence annuelle qui aura lieu à Durban (Afrique du Sud) en novembre prochain sous l'oeil, cette fois-ci, des caméras. Mais le mutisme des médias et des politiques autour de ce nouveau round de pourparlers surprend et interpelle.

Comment comprendre en effet que l'appel vibrant des Nations unies à faire "plus" pour lutter contre le changement climatique - en clair, à respecter les engagements pris l'an dernier lors de la conférence de Cancún - ait trouvé si peu d'écho ? Il y a bien sûr l'actualité. Les révoltes arabes, la crise de l'euro ou bien la catastrophe nucléaire de Fukushima monopolisent les attentions. Le présent a repris ses droits sur l'avenir. La crise économique remet aussi au goût du jour les énergies "sales". Très techniques, hermétiques diront certains, les négociations pour tenter de limiter les émissions de gaz à effet de serre s'organisent en discussions éclatées, thématiques avec chacune son groupe de travail ; impossible dans ces conditions de maintenir l'intérêt du public. Le travail de sape opéré l'an dernier sur les travaux du Giec - le groupe d'experts auprès de l'ONU avait été accusé d'avoir falsifié des résultats - a également laissé des traces, et la controverse a été récemment ravivée par une étude du même Giec sur les énergies renouvelables. Enfin, l'énorme déception de la société civile face au semi-échec de Copenhague en novembre 2009 a découragé plus d'une volonté. Constaté au Danemark et confirmé depuis à Cancún et Bonn, ce désintérêt croissant de l'opinion quant à la question climatique risque d'enrayer une fragile dynamique vertueuse. Il y a quelques mois encore la nouvelle forme de négociations internationales, impulsée par les Nations unies, pouvait préfigurer une autre gouvernance mondiale.

Sous l'égide de l'ONU, société civile et communauté scientifique étaient parties prenantes aux débats. Ces conférences sur le changement climatique sont ainsi devenues le seul cénacle où les Etats ne sont plus seuls à la barre. Mieux, dans le sillage du Groupe d'experts intergouvernemental sur le climat (Giec) et de ses alliés objectifs, les ONG, ces réunions offraient un nouvel espace de dialogue aux pays en développement, leur permettant d'échapper au traditionnel duel entre grandes puissances.

Copenhague a cassé cette dynamique et Cancún puis Bonn s'enfoncent dans un discours technocratique devenu inaudible. Or, si la volonté d'agir est toujours louable, elle devient inutile si elle n'est ni entendue ni comprise. Seul le soutien de l'opinion publique peut faire réussir une "écodémocratie" émergente dans tous les pays, démocratiques ou non.

Le désintérêt pour les grands rendez-vous internationaux sur le climat marque donc non seulement un recul dans la préservation de la planète mais brise aussi les espoirs d'inventer une nouvelle manière de pratiquer la démocratie internationale. Alors que les experts s'agitent dans un silence assourdissant, en attendant, les émissions de dioxyde de carbone ont connu un nouveau record en mai 2011.

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