Où est passée la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU ?

Alors que le G7 ou le FMI se sont réformés, le Conseil de sécurité de l'ONU est incapable de changer son fonctionnement. Au risque de voir l'ONU marginalisée par des organisations moins représentatives mais plus efficaces.
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La question de l'élargissement du Conseil de sécurité de l'ONU est un traditionnel serpent de mer, qui ne semble pas vouloir sortir la tête de l'eau cette année à New York. Les observateurs se lassent de répéter que le Conseil, dont le nombre de membres permanents n'a pas varié depuis 1945, ne peut continuer ainsi, sans représentation de l'Afrique, de l'Amérique latine, de la majeure partie de l'Asie. Il est vrai que d'autres organisations ont su se réformer : le G7 est devenu G8, puis G20, ou le FMI. Alors pourquoi pas l'ONU ? Sans doute parce que les sujets que traite son Conseil de sécurité - guerre et paix, souveraineté nationale - sont plus névralgiques encore que l'économie internationale. Mais aussi parce que les principaux pays émergents (Inde, Brésil) ne sont pas encore en mesure de s'imposer aux principaux membres titulaires du Conseil, même s'ils ont creusé l'écart avec leurs concurrents régionaux.

Par ailleurs les prétendants traditionnels (Japon, Allemagne) ont depuis longtemps déjà atteint l'apogée d'un pouvoir qui reste relatif, leur puissance économique ne s'étant jamais traduite en influence politique internationale. Quant à l'Afrique, le choix sur sa représentation est loin d'être arrêté. Sans réforme du Conseil de sécurité, l'ONU risque d'être marginalisée par d'autres organisations, moins représentatives mais plus efficaces sur le plan militaire (Otan) ou économique (G20). Elle continuera à ne pas rassembler les moyens nécessaires au succès de ses opérations de maintien de la paix. Sans réforme, elle laissera une fois de plus agir un seul État, les États-Unis, alors qu'aujourd'hui les Américains apparaissent moins en mesure d'assumer des responsabilités mondiales. Est-il normal que le règlement de la représentation palestinienne à l'ONU achoppe sur la menace d'un droit de veto brandi en raison d'un contexte préélectoral permanent à Washington ? Le Conseil de sécurité de l'ONU, s'il veut se réformer efficacement, ne fera pas l'économie d'une réflexion sur la limitation du droit de veto. Car toute organisation qui voit le nombre de ses membres augmenter est conduite à simplifier son fonctionnement, en passant à des majorités qualifiées.

Le droit de veto pourrait être restreint en n'étant utilisé par un État que pour s'opposer à des résolutions représentant une menace pour sa sécurité, et non pas pour ses intérêts. De même, l'élargissement du Conseil de sécurité à de nouveaux membres permanents (dont le nombre serait probablement doublé) ne devrait pas s'accompagner de l'attribution à ces derniers du droit de veto, faute de quoi le Conseil risquerait d'être fréquemment bloqué. Souvenons-nous comment le veto a paralysé l'ONU à l'époque de la guerre froide. Les vieux États ont su en tirer les leçons au moins en partie en évitant d'en abuser. Il n'est pas certain que les nouveaux membres feraient de même, en raison de leur situation encore récente de dominés. Cette préoccupation les conduit à considérer avec scepticisme la « responsabilité de protéger » (ou droit d'ingérence), parce qu'elle est appliquée de façon très inégale au Nord et au Sud. Mais elle conduit aussi à les aveugler sur des violations flagrantes des droits humains au Sud, comme en Syrie actuellement, ce qui pourrait conduire à des blocages à répétition sur des sujets pour lesquels le Conseil a actuellement une capacité d'action.

Dans tous les cas, une réforme aura plus de chances d'être adoptée par les membres permanents actuels si les nouveaux ne sont pas dotés du droit de veto. Ce compromis maintiendrait en effet un symbole de la suprématie actuelle des premiers ; il leur permettrait de mieux accepter le changement. Ainsi la France se satisfera de conserver une importance supplémentaire face à l'Allemagne alors que cette dernière a acquis une influence plus grande au sein de l'Union européenne. Il est vrai que certains postulants, africains en particulier, à un siège de membre permanent, ont déclaré qu'ils n'accepteront le statut qu'avec le veto qui lui est actuellement attaché. Mais conserveront-ils cette attitude si le statut de membre permanent, auquel ils aspirent depuis si longtemps, leur est enfin acquis ?

Cette différence de traitement ne serait pas illégitime si l'on considère que du seul point de vue de leurs capacités militaires, critère premier d'appartenance au Conseil de sécurité, les cinq membres permanents actuels restent les principales puissances. D'un autre côté, les nouveaux membres pourraient espérer par leur influence croissante limiter les abus qui existent encore dans l'utilisation par les membres actuels du droit de veto.

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