Vous avez aimé le Brexit, vous allez adorer le Scoxit

OPINION. La véritable pièce shakespearienne qu'est devenue la saga du Brexit n'a pas fini de connaître des rebondissements. L'un d'entre eux concerne l'avenir de l'Ecosse qui se voit refusée par Boris Johnson, contrairement à l'Irlande du nord, le maintien d'une relation, sous certaines conditions, avec l'Union européenne. Cela va donner à Edimburg un bon prétexte pour demander aux Ecossais s'ils préfèrent l'Union européenne au Royaume uni, ce qui pourrait précipiter l'éclatement de ce dernier.
Didier Julienne.
Didier Julienne. (Crédits : Patrick FITZ / M&B)

Deux promesses de Boris Johnson n'auront pas été tenues : il n'ira pas mourir dans un fossé bien que l'Europe ait commis l'erreur magistrale d'accorder à Londres un nouveau et long report puisque Londres n'aura pas tenu l'engagement d'un Brexit au 31 octobre 2019. Les grandes tragédies shakespeariennes inspirées de la trahison doivent probablement être étudiées dans les Public Schools.

Rappelez-vous cependant les trente secondes importantes de la déclaration de Boris Johnson, le 17 octobre 2019 à Bruxelles, lorsqu'il annonçait l'accord du Brexit : « L'accord signifie que le Royaume-Uni quitte en totalité et entièrement le 31 octobre (l'UE), et l'Irlande du Nord et toutes les autres parties du Royaume-Uni peuvent prendre part non seulement à des accords commerciaux, décider de nos tarifs douaniers et exporter nos marchandises dans le monde, mais il signifie aussi que nous pouvons prendre ensemble en un unique Royaume-Uni des décisions à propos de notre futur, de nos lois, de nos frontières, de notre monnaie, et comment nous voulons diriger le Royaume-Uni ».

Autre lieu et à propos du même accord, la déclaration du député écossais Ian Blackford le 19 octobre à Westminster : « L'Irlande du Nord dispose d'un arrangement spécial pour rester dans le marché unique européen et l'union douanière, et le Premier ministre ne donnera pas le même arrangement à l'Écosse ».

En résumé, la mutinerie gronde et le capitaine Johnson s'est un peu trop vite réjoui que l'équipage britannique largue les amarres en un seul royaume. En d'autres termes, le parfum du Brexit est le même que celui du Scoxit, le prochain référendum qui détachera l'Écosse du Royaume-désuni.

Une Écosse trahie est-elle une Écosse indépendante, mais européenne ?

En 2014, lors d'une référendum, l'Écosse avait refusé par 55,3 % de rompre le contrat signé avec Royaume Uni en 1707 - l'Acte d'Union -, notamment parce que Londres s'était engagé à rester dans l'Union européenne. Par le référendum de 2016, cette promesse devint un faux serment, et une raison supplémentaire pour Édimbourg de se délier de Londres. Le Scoxit, c'est cette rupture de contrat : l'Écosse désirait conserver l'Union européenne, elle la perd, le Brexit, c'est Macbeth habillé de toutes les trahisons qui rôde dans la chambre de Duncan.

Certes, des intérêts géopolitiques extra-européens trouveront de l'intérêt à prendre de vieilles revanches sur l'Angleterre en faisant éclater le Royaume-Uni façon puzzle, mais une Écosse indépendante de Londres serait-elle dangereuse ? Vu de Bruxelles, la situation d'Édimbourg est à l'inverse de Barcelone. Il n'y a pas de violences à Glasgow et Madrid n'a jamais ni désiré ni voté pour sortir de l'Union européenne. D'ailleurs, aucun autre pays de l'UE ne cumule l'envie d'un article 50 et des provinces autonomes agitées.

Mais si ce territoire devenu isolé portait le risque de devenir une source d'instabilité, ne vaudrait-il pas mieux que Bruxelles le replace rapidement dans son orbite ? Après tout, l'Écosse est deux fois et demie plus étendue que la Belgique , ses 5,5 millions d'habitants sont deux fois plus nombreux que les Lituaniens, près de trois fois plus que les Lettons et quatre fois plus que les Estoniens . Son PIB global vaut celui du Danemark, et il est égal, par habitant, à celui de la Finlande et supérieur à celui de la France. Le pays est rompu aux débats de l'Union européenne, il a déjà eu un commissaire européen, Bruce Milan (1989-1995), et il dispose de députés européens. Si l'Écosse proposait sa candidature en tant qu'État, elle cocherait plus rapidement toutes les cases qu'un pays des Balkans.

Brexit ou pas, le schisme est là

Que le Brexit ait lieu, à l'issue des élections législatives de décembre, ou pas, en cas de second référendum favorable à l'Europe, l'issue de l'un ou l'autre de ces deux évènements engendrera encore longtemps des querelles aux limites infinies. Elles sont illustrées par l'affligeant spectacle sans fair-play à Westminster : tous les hourvaris sont permis, les membres du parlement s'y poignardent comme jamais et détruisent avec folie leurs chenilles tout en raffolant des papillons. Ce faisant, ces empoignades prolongent l'éclatement d'un royaume habité de provinces qui s'opposent, de générations qui se détestent et de familles écœurées et divisées pour au moins une génération.

C'est pourquoi, du côté de l'Écosse, la question ne sera plus de savoir, comme c'était le cas en 2014, si les revenus du pétrole suffisaient à assurer une indépendance écossaise, mais plutôt d'accepter qu'à la manière de Shakespeare l'indépendance se suffira des revenus du pétrole, des énergies renouvelables, du saumon, du whisky, du tourisme... En outre, la forte diaspora écossaise est sans doute autant effrayée que les autres Britanniques de l'avenir assombri d'un royaume sans perspective. Si ces Ecossais-là rentrent chez eux, ils apporteront à l'Écosse un dynamisme supplémentaire. C'est peut-être un signal faible mais on constate déjà que le marché de l'immobilier de Londres se dégrade alors que ceux de Glasgow et d'Édimbourg montent.

En cas de Scoxit, acceptons que l'Écosse revienne dans la maison Europe car, contrairement à l'infox, l'Union européenne c'est bien la paix depuis sa création, et c'est toujours la paix, sauf pour ceux qui la quittent!

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(*) Didier Julienne anime un blog sur les problématiques industrielles et géopolitiques liées aux marchés des métaux.

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Commentaires 19
à écrit le 25/11/2019 à 0:19
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Les écossais sont généreux comme leur whisky, sans eux l'Europe sera plus triste.

à écrit le 01/11/2019 à 22:22
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les ecossais sont des gens réalistes et intelligents...la vrai question pour eux : le brexit va - ils les précipiter avec les anglais dans l' inconnu l' incertitude et la fuite des capitaux et talents ( la gente économique a horreur de l' instabili...

à écrit le 31/10/2019 à 11:09
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c'est a peu pres ce que je dis depuis le debut du brexit les jocks vont hurler qu'ils n'en peuvent plus des technocrates eloignes d'eux qui votent des lois qui ne les concernent pas ( et ils ne parleront pas de brussels, mais bien de london)... bojo...

à écrit le 30/10/2019 à 12:12
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Article très partial ! Je n'ai encore jamais lu un article pro brexit dans aucun des journaux disons officiels !! l'Écosse sans l'Angleterre ne vaudra pas un clou, elle sera un petit pays sans influence et suivra la tête baissée les décisions pri...

le 31/10/2019 à 11:12
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vous devriez visiter le petit pays sur le golden square a edinburgh, y a une concentration colossale de fonds de pension ( y en a aussi du cote du chateau) quant a glasgow, y a eu une metamorphose colossale les denieres annnees; et toute une partie...

à écrit le 30/10/2019 à 10:32
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Attention à la faute d'orthographe en début d'article : qui se voit refusé ou qui se voit refuser, les 2 vont, mais certainement pas "refusée"! C'est le maintien qui est refusé, pas l'Écosse.

à écrit le 30/10/2019 à 7:54
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Moins Europe c'est moins de France. Seul on ne fait plus le poids face aux géants. Le futur sera technologique et respectueux pour la planète ou ne sera pas. Si vous pensez qu'aujourd'hui fabriquer des balais et du bon fromage ça suffira, je n'y cro...

à écrit le 30/10/2019 à 2:29
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Article clair, bien rédigé, très crédible (NB. Je n'ai aucun lien avec l'auteur, que je n'ai jamais rencontré). Avis personnel sur la suite de la comédie guignolesque du Brexit : bien sûr qu'il faudra accepter immédiatement la demande de l'Ecosse s...

le 30/10/2019 à 16:28
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Contrairement à beaucoup ne réagissant que par l'émotion je fais preuve pour ma part de pragmatisme. J'ai émis des arguments concernant l’Écosse et je vois clair dans le jeu de l'UE, désolé pour les gens qui sont encore rester coincé dans l'idéal eur...

à écrit le 29/10/2019 à 17:55
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Vous avez aimé le Brexit, vous allez adorer le Scoxit et l'on attends avec impatience le Frexit, l'Italexit et le Spanexit

à écrit le 29/10/2019 à 17:27
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Visiblement la construction européenne passe par la décomposition de ses membres mais pas par l'union de tous!

à écrit le 29/10/2019 à 15:26
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Publication européiste jusqu'au bout des ongles. Il serait bon de préciser que pour qu'un "Scoxit" ait lieu il faudrait au préalable que le Gouvernement Britannique actuel soit d'accord pour organiser un référendum or celui ci à déjà eu lieu et ne vo...

le 29/10/2019 à 17:09
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Publication pro-Europe, certes, alors que votre réponse est complètement anti-Europe. Très constructif ce débat des extrêmes en affichant les arguments qui vous arrangent.

le 29/10/2019 à 17:58
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Vous n'avez pas une grande connaissance des questions européennes donc je me permet de corriger vos affirmations : - l'Ecosse est un pays avec un parlement élu qui fait partie du Royaume-Uni. Si le parlement écossais vote pour un référendum (le part...

le 29/10/2019 à 19:31
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au moins lui a des arguments. on attend les vôtres francois. Mais quand on n'a pas de talents, il ne reste que le dénigrement.

le 30/10/2019 à 1:28
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@serggio, l’ecosse est une nation dévolue. Si demain les anglais décident de dissoudre le parlement écossais, rien ne les empèchera, alors les écossais qui imposeraient un referendum, laissez moi rire. Quant a la situation économique mirifique de l’é...

le 30/10/2019 à 2:57
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En réponse à la personne juste en dessous de François :) Oh! Vous vous permettez de me corriger? C'est fort sympathique de votre part, nettement mieux que François qui préfère me laisser dans l'ignorance et l'obscurité. 1) Le parlement écossais p...

le 30/10/2019 à 2:59
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PS: j'avais sauté des lignes, je ne sais pas pourquoi le texte est compressé dans un pavé indigeste xD

à écrit le 29/10/2019 à 14:11
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Bien sur que les Ecossais voient d'un mauvais œil ce diktat anglo-saxon. Ils ont déjà demandé de renforcer les liaisons maritimes entre l’Ecosse et les Pays-Bas afin d'éviter les longs trajets via Douvres et l'Angleterre...

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