Ils ont créé le robot des champs !

Les deux fondateurs toulousains de Naïo Technologies viennent de lever trois millions d'euros pour accélérer la commercialisation de leurs robots de désherbage mécanique.
Aymeric Barthes et Gaëtan Séverac

Pour la jeune startup, tout a commencé en 2010, à la fête de l'asperge à Pontonx-sur-l'Adour, au cœur des Landes. Gaëtan Séverac, doctorant en robotique, rencontre un producteur d'asperges qui lui fait part de ses difficultés à trouver de la main d'œuvre pour ramasser les légumes, une tâche difficile et pénible. Le jeune ingénieur décide de s'associer avec un de ses camarades de promo, Aymeric Barthès, pour créer un robot agricole. Tous deux toulousains, ils sont également issus du milieu agricole.

« Gaëtan a de la famille dans le maraîchage et, de mon côté, dans les grandes cultures, les céréales. La pénibilité dans le travail, on la voyait bien », explique Aymeric Barthès.

En 2012, les fondateurs de Naïo Technologies présentent pour la première fois leur projet au Fablab de Toulouse. Dans l'assistance, un acheteur de paniers de légumes les met en relation avec un maraîcher qui leur propose de tester le prototype dans ses parcelles. « On voulait être au plus près des besoins des agriculteurs », insistent les entrepreneurs. L'année suivante, la startup commence à commercialiser Oz, un robot de désherbage mécanique.

Équipé d'une caméra et disposant d'une autonomie de quatre heures, l'engin accomplit le travail pour moins de deux euros par hectare, et sans produits chimiques. Jusqu'ici, une trentaine de robots (à 21.000 euros pièce) ont trouvé preneur, principalement auprès d'agriculteurs bio. Cinq ans après sa création, Naïo Technologies est d'ores et déjà l'une des plus belles réussites de startup de l'écosystème régional : elle a enregistré 350.000 euros de chiffre d'affaires en 2015, a levé trois millions d'euros en janvier dernier, et espère atteindre la barre de 20 salariés d'ici à la fin de l'année.

« Audacieux », « visionnaires » et « humbles », sont les qualificatifs qui reviennent le plus dans la bouche des collaborateurs de Gaëtan et Aymeric. Jérémie Loevenbruck, cofondateur du bureau d'études Palanca (qui les a accompagnés dans leur démarche RSE), témoigne ainsi :

« Gaëtan, c'est le Géo Trouvetout, l'inventeur génial, un rêveur qui a plein d'idées, même s'il ne les mène pas toutes au bout. Il est capable de vous parler de l'avenir des robots agricoles dans... mille ans ! C'est aussi quelqu'un de très concerné par les enjeux environnementaux. Mais, dans le même temps, il reste humble. Il a déjà participé à un Failcon [journée de conférences organisée à Toulouse où les entrepreneurs partagent leurs erreurs, ndlr]. Aymeric est quant à lui plus pragmatique, il est très efficace, organisé, et c'est un vrai fonceur. Il a aussi une forte conscience sociale. Ils sont tous deux des visionnaires mais, en même temps, ils gardent les pieds sur terre. »

« Concilier rentabilité et conscience environnementale »

Pour Naoile Jouira, coordinatrice du Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux), la jeune société est « le parfait exemple de l'entreprise qui parvient à concilier rentabilité économique, conscience sociale et environnementale ». Les robots sont fabriqués localement grâce à des sous-traitants à Montauban et à Rodez pour les pièces mécaniques, et à Castres pour l'électronique. Naïo a envisagé des batteries au lithium moins énergivores, mais trop coûteuses, et la technologie n'a finalement pas été retenue. Pour le moment, les produits sont assemblés au siège de l'entreprise, à Ramonville, mais la startup en pleine croissance va devoir déménager pour des locaux plus grands.

« Nous ne sommes pas qu'un bureau d'études, notre objectif est de créer une véritable chaîne de production industrielle », précisent les deux entrepreneurs.

Pour accompagner ce développement, Naïo Technologies va recruter au moins sept personnes cette année. « Pour le moment, le recrutement est le domaine où nous sommes le moins bons. On s'y prend souvent trop tard », reconnaît Aymeric Barthès. Les deux jeunes chefs d'entreprise, diplômés d'une école d'ingénieurs, ont dû apprendre sur le tas l'art du management.

« Déjà, le terme de management ne me plaît pas trop, lance Gaëtan Severac. Ensuite, gérer une équipe ce n'est pas inné, il s'agit d'un véritable apprentissage. Il existe des livres, des consultants et pas de formule unique qu'on peut appliquer partout, il faut se fabriquer sa propre méthode. »

Les deux entrepreneurs ont mis au point une gouvernance collégiale.

« Sans être à 100 % dans l'entreprise libérée, chaque décision est prise par des minicomités de pilotage, nous discutons aussi tous ensemble des salaires. Nous ne faisons pas cela pour le côté cool, nous sommes persuadés que si les membres de l'équipe sont plus impliqués, cela a un impact positif pour tout le monde », avance Aymeric Barthes.

Une recette gagnante, puisque l'entreprise n'a connu aucun départ depuis sa création. L'objectif de la société pour 2016 ?

« Devenir le leader mondial du robot agricole en développant une gamme de trois produits, affirme avec aplomb Aymeric Barthès. Nous prévoyons de doubler notre chiffre d'affaires. Quarante robots Oz doivent être livrés dans l'année mais nous allons également déployer deux autres prototypes, un robot pour le désherbage des vignes et un autre pour des surfaces agricoles de plus de 50 hectares - au lieu de dix hectares maximum actuellement, pour Oz ».

Cette diversification de la gamme doit permettre à la société de s'imposer face à la rude concurrence internationale. Pour Éric Marty, membre du directoire du fonds d'investissement Emertece et qui a participé à la dernière levée de fonds, « Naïo à sa création était en avance par rapport aux autres projets de recherche. Elle conserve aujourd'hui un peu de son avance mais fait face à un univers très concurrentiel, extrêmement agressif et ce n'est pas toujours facile quand on est une petite société ». Avant de conclure :

« Je suis persuadé que le robot conçu par Naïo sera l'une des solutions dans la boîte à outils de l'agriculteur de demain ! »

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MODE D'EMPLOI

Où les rencontrer ? « Au milieu des champs à tester nos robots ! »

Comment les aborder ? « En envoyant un mail à notre équipe commerciale. »

À éviter ! « Les a priori et le manque d'ouverture d'esprit. »

TIME LINE

  • 1986 Naissance de Gaëtan Séverac à Toulouse.
  • 1987 Naissance d'Aymeric Barthes à Toulouse.
  • 2010 Diplômés de l'Institut méditerranéen d'études et recherche en informatique et robotique (Imerir) de Perpignan. Fête de l'asperge à Pontonx-sur-l'Adour.
  • 2011 Création de Naïo technologies.
  • 2013 Début de la commercialisation du robot Oz.
  • 2016 Levée de fonds de près de trois millions d'euros. Objectif : doubler l'activité et atteindre 700.000 euros de chiffre d'affaires.

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