Happy Coronation Day, Mr President !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE. Le Royaume-Uni couronne enfin son roi. La France ralentit. Macron accélère. Après le coup de Fitch, Bruno Le Maire craint le verdict de Standard & Poor's. Et si on renationalisait notre dette ?
Philippe Mabille
(Crédits : Reuters)

Si tu ne vas pas à Lagardère, Lagardère viendra à toi ! Emmanuel Macron et Charles III se sont ratés une fois au début du printemps pour cause de tensions sociales en France. Mais ils se verront à Londres ce samedi 6 mai pour la royale cérémonie du couronnement, à laquelle notre président-monarque assistera, accompagné de son épouse, en compagnie des principaux chefs d'Etat et têtes couronnées de la planète. 100 à 250 millions de livres sterling, personne ne sait précisément, c'est le coût de ces festivités, dont une bonne partie pour la sécurité des 2000 VIP invités pour ces trois jours exceptionnels. Mais aussi 1,4 milliard de livres sterling de revenus espérés, selon le Center for Retail Research, grâce aux nuits d'hôtels et aux hectolitres de bières qui seront dépensés à la santé de King Charles, assortis de quelques tonnes de quiches, le plat « so French » choisi par la monarchie britannique pour populariser cette cérémonie du couronnement, la première depuis celui d'Elizabeth II le 2 juin 1953.

Samedi donc, la pierre du destin, le Stone of Scone, et le trône royal seront de sortie à l'abbaye de Westminster. Une énorme opération de marketing pour un Royaume-Uni en crise qui a bien besoin de diversion pour oublier la tornade qui s'est abattue sur le pays depuis le Brexit. Après Boris Johnson et ses frasques, la personnalité de Charles III peut sembler un peu terne et l'absence de Diana à ses côtés va rendre ce couronnement bien moins glamour. Mais encore très kitch. La princesse de Galles aurait eu 62 ans et la « reine de cœur » des Britanniques nous manquera.

Espérons néanmoins que ce couronnement pluvieux, car il devrait tomber des cordes sur Londres ce samedi (comme sur Paris) pour ne pas rompre avec la tradition, sera un couronnement heureux pour une monarchie de plus en plus contestée, même si elle rapporte des milliards de sterling en tourisme et en produits dérivés. Reste à savoir si la passion un peu surannée des Britanniques pour leur monarchie résistera à la récession qui vient au Royaume-Uni, ainsi que la probable division du pays entre volonté d'indépendance de l'Ecosse et retour de la question irlandaise.

Une chose est néanmoins sûre : l'ambiance sera sans aucun doute plus festive pour Emmanuel Macron, qu'elle ne l'a été le 1er mai dernier en France, avec une montée inédite du niveau de violence en marge des manifestations. La fête du Travail a été, à n'en pas douter, un tournant dans le conflit des retraites, et à la veille de ce deuxième long Pont de mai, on entre dans une nouvelle séquence, celle dite des 100 jours, ou plutôt des 69 jours restants avant la fin du comput présidentiel du 14 juillet. Une séquence un peu paradoxale, qui voit la France avancer au ralenti, avec une croissance molle (+0,2% au premier comme au deuxième trimestre, selon l'Insee), et Emmanuel Macron accélérer les réformes, le pied sur le champignon, afin de démontrer qu'il tient encore les rênes du pays.

RIP (requiescat in pace) pour le RIP (référendum d'initiative populaire) retoqué deux fois par le Conseil Constitutionnel ; échec annoncé pour le projet de loi LIOT de retour aux 62 ans le 8 juin : bon gré, mal gré, la France va devoir se mettre au diapason des 64 ans, au moins jusqu'à la confirmation ou l'infirmation de ce report lors de la prochaine échéance démocratique, l'élection présidentielle de 2027.

Le président de la République veut aller vite. Avec sa réforme des lycées professionnels, il met 1 milliard sur la table par an et rémunère les stages. Jusqu'à se faire accuser de mettre les lycées pro' au service des entreprises ! Drôle de critique, car qui d'autre va employer ces jeunes lycéens ? Profitant de l'accalmie sociale, il annoncera la semaine prochaine des mesures du plan Industrie Verte sur lequel travaillent Bruno Le Maire et Roland Lescure. Et il préparera la réception des patrons étrangers pour le sommet Choose France le lundi 15 mai.

Les prochaines étapes ne seront toutefois pas semées de roses pour le gouvernement. Elisabeth Borne, toute à sa feuille de route, risque des embardées lors de ses prochaines rencontres avec les syndicats, invités en bilatéral les 15 et 16 mai. Mais aussi dans la construction d'un budget 2024 plus impossible que jamais entre hausse des taux d'intérêt (encore une hausse de la BCE, qui ralentit elle aussi mais reste l'arme au pied sur l'inflation) et injonctions contradictoires au sommet de l'Etat. Gabriel Attal vend imprudemment un plan Marshall pour les classes moyennes et promet des baisses d'impôt qu'annoncera Emmanuel Macron le 14 juillet. Le ministre de la Fonction publique se prépare à dire non à la revendication d'une hausse de 10% des salaires des fonctionnaires. Au 6e étage de Bercy, Bruno Le Maire fait les comptes et met l'accent entre deux livres sur la rigueur budgétaire et craint, après Fitch, que Standard & Poor's dégrade à son tour la note de la France de AA à AA- le 2 juin.

La sanction serait immédiate sur les taux d'intérêt payés pour nos emprunts, car les fonds d'investissement étrangers qui détiennent la moitié de la dette française seront obligés, mécaniquement, de réduire leur exposition. L'effet sur le spread (écart) France-Allemagne, actuellement de 60 points de base d'écart, serait inévitable. A moins de prendre des mesures pour « renationaliser » la dette française, ce que laisse entendre la déclaration du ministre de l'Economie et des Finances favorable à une nouvelle hausse du taux du livret A en août si l'inflation le justifie. Car une bonne partie des excédents des fonds d'épargne générés par le succès actuel du Livret A, rémunéré à 3% sans impôt et sans risques, est investi en emprunts de l'Etat.

Dans les années 1990, pour favoriser la détention de la dette qui explosait déjà par les Français, Edouard Balladur avait même lancé un emprunt, qui portait son nom, l'emprunt Balladur. Avec 270 milliards d'euros de dette à émettre par an, on n'est peut-être plus très loin de « l'emprunt Macron » et des bons du Trésor de guerre... Ce serait pour lui une bonne façon de relancer son deuxième mandat et de se rendre à nouveau populaire. Plutôt que baisser de façon homéopathique les impôts, faire détenir du Macron dans les portefeuilles obligataires des Français serait une bonne façon de les intéresser à l'équilibre de leur régime de retraite !

 A lire cette semaine sur La Tribune

ChatGPT à l'heure de la régulation. En à peine cinq mois, l'intelligence artificielle générative, symbolisée par ChatGPT, est devenue le sujet central du monde de la tech. Ce nouveau marché se constitue à grande vitesse, dans le sillage des géants Microsoft, Google et Meta, avec la promesse de gains de productivité dans de nombreuses industries. Mais cette fois, les autorités ne veulent pas se faire déborder par la révolution technologique, et elles appellent déjà à réguler. L'article de François Manens.

Espions mais pas trop. « Malotru du Bureau des Légendes est pour nous un VRP extraordinaire » : Bernard Emié, patron de la fameuse DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), recrute. L'agence intéresse dix candidats pour un poste ouvert mais « on n'entre pas à la DGSE comme à la sécurité sociale », a-t-il dit lors d'une audition, suivie pour La Tribune par Michel Cabirol.

Z comme ZAN en Normandie. Le législateur a confié aux Régions le soin de décliner l'objectif du Zéro Artificialisation nette (ZAN) sur leurs territoires. La Normandie a ouvert le bal. D'ici 2030, toutes ses intercommunalités devront avoir réduit leur consommation foncière dans une fourchette comprise entre -60 et - 40% par rapport à la décennie antérieure. Explications de Nathalie Jourdan, notre correspondante à Rouen.

Arkéa libre, c'est fini ! La Confédération nationale du Crédit Mutuel et le Crédit Mutuel Arkéa sont parvenus à un accord pour mettre fin à dix années de rivalités intenses entre les deux frères ennemis du mutualisme. L'autonomie des fédérations est affirmée et le patron du Crédit Mutuel de Bretagne devient le numéro deux de l'organe central, raconte Eric Benhamou.

Philippe Mabille

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Commentaires 2
à écrit le 06/05/2023 à 10:42
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Moi aussi j'ai été couronné ! chez le dentiste !

à écrit le 06/05/2023 à 9:43
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Les "casserolades" sont elles arrêtés aux frontières ? ;-)

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