Une surprise aux législatives le 19 juin ? Le président réélu, qui ne fait guère campagne à part un déplacement sur l'éducation dans les quartiers prioritaires à Marseille avec Pap Ndiaye commence à s'inquiéter de voir sa majorité présidentielle se déliter. Les derniers sondages montrent que l'élection des nouveaux députés non seulement ne mobilise pas son camp mais pourrait même ne pas donner de majorité absolue au mouvement imprudemment baptisé « Ensemble », relève Marc Endeweld dans sa chronique. Les marcheurs historiques ne se retrouvent pas il est vrai dans ce parti hétéroclite qui penche à droite, explique-t-il. De là à imaginer qu'Emmanuel Macron soit obligé après le 19 juin à composer pour gouverner avec ce qui restera de LR, il n'y a qu'un pas... pas impossible à imaginer. Et cela changerait la donne sur la politique économique et budgétaire.
Cela ne sera pas sans conséquence aussi sur la réforme des retraites, qui reste un marqueur de droite, mais dont les objectifs sont encore très flous. L'équilibre des comptes sans réforme repose sur la hausse du taux d'emplois des seniors et des prévisions très - et sans doute trop - optimistes sur la productivité du travail. Il y aura donc une réforme des retraites dès cet automne, mais laquelle et pour financer quoi au juste, interroge Fanny Guinochet. Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup, comme le pointe Jean-Luc Mélenchon qui fait de ce sujet et de la crainte d'un tour de vis vers l'austérité budgétaire le grand vecteur de mobilisation des opposants à Macron.
A très court terme, la lutte contre l'inflation devient le principal souci du gouvernement Borne. Une inflation qui va coûter plus de 1.000 euros en moyenne par an aux Français et dont le fameux « pic » n'est pas attendu avant 2023, selon Bruno Le Maire qui, après avoir dit que le pire est devant nous, reconnaît que, désormais, nous y sommes. La grande crainte du ministre de l'Économie, comme des banques centrales : le déclenchement d'une spirale hausse des salaires-hausse des prix dont il sera douloureux de sortir, à l'image des années 1970, avec une remontée des taux d'intérêt qui plongerait nos économies dans la récession.
Pour l'heure, c'est encore le grand cafouillage autour du projet de chèque alimentaire, souligne Fanny Guinochet, dont Bercy tente de limiter la portée en redoutant d'être entraîné dans un "quoi qu'il en coûte" permanent, entre prolongation du bouclier énergétique, freinage de la hausse des prix à la pompe et autres chèques en blanc.
Avec 5% d'inflation en mai, un record de 36 ans, la gauche reprend des couleurs. Tout en se disant « ni Nupes ni soumis » (mais en fait si...), les Verts et les socialistes se voient déjà au gouvernement avec Mélenchon pour appliquer un programme commun dont le premier acte sera de relever les bas salaires avec un slogan fédérateur : empêcher l'application du « programme libéral d'Emmanuel Macron ».
Alors que la Banque centrale européenne (BCE) s'apprête à relever ses taux directeurs en juillet, et que l'inflation prépare l'euthanasie des rentiers, comme disait Keynes, comme en témoigne le débat sur le niveau de la revalorisation programmée de l'épargne populaire, de premiers craquements apparaissent sur les crédits immobiliers alors que les prix se sont stabilisés dans les métropoles. Le logement, devenu le premier poste de dépenses contraintes, est d'ailleurs l'un des domaines où le gouvernement a encore quelques marges de manœuvre pour soutenir le pouvoir d'achat. Toutes les décisions sur le gel de la revalorisation des loyers sont repoussées à après les législatives.
Propriétaires et locataires risquent d'être rattrapés par la patrouille climatique avec l'impact de la nouvelle réglementation sur les passoires thermiques dont les premiers cherchent à se débarrasser avant d'être contraints de faire les travaux ou à défaut de ne plus pouvoir louer, avec des décotes de 10% à 15%, explique César Armand.
On saura aussi bientôt si Elisabeth Borne a un plan pour la planification écologique. La Première ministre a mis en place son équipe, assez à gauche, avec un ancien conseiller énergie de Macron pour coordonner l'action interministérielle en matière de climat : Antoine Peillon, le créateur de la désormais fameuse taxe carbone qui a donné naissance au mouvement des Gilets Jaunes. Lors de son pot de départ de l'Elysée, le chef de l'Etat lui avait d'ailleurs rendu un ironique hommage : « Vous lui devez la taxe carbone, remerciez-le tous. Grâce à Antoine, j'ai pu me déplacer partout, dans tous les territoires... » (selon une source citée par BFM).
L'expérience de la taxe carbone pourra servir de leçon à l'heure où des décisions difficiles sont à venir pour aider les ménages modestes à affronter les coûts directs et indirects de la transition.
Face à la soif d'énergies, l'Occident accélère dans des directions inédites, à l'exemple du biochar, ce « charbon vert » méconnu du grand public issu de résidus forestiers et agricoles. Juliette Raynal consacre une longue et passionnante enquête sur ce nouvel or noir qui fait rêver les industriels de la décarbonation.
Une chose est sûre : ces projets à moyen-long terme arrivent bien tard alors que les pays occidentaux s'apprêtent à subir le contre-choc énergétique des sanctions contre la Russie. Le sixième paquet européen accentue la pression en interdisant deux tiers et bientôt 90% des importations de pétrole russe, consolidant la hausse du baril à près de 120 dollars, soit une hausse de 65% sur un an.
Surtout, en coupant le gaz à un fournisseur d'énergie néerlandais, qui refuse de payer ses factures en roubles, Gazprom adresse à l'Europe un net avertissement sur ce qui pourrait se produire à l'hiver prochain.
Une situation à laquelle chaque pays se prépare, à sa façon : le Royaume-Uni a annoncé la prolongation de ses centrales à charbon pour éviter les coupures. La guerre joue clairement contre la transition énergétique.
A défaut, pour réduire ses dépenses de mobilité dans un contexte d'énergie chère, on peut généraliser le télétravail, à condition de ne pas être un des salariés de Tesla qui ont reçu un mail bien dans le ton de leur patron Elon Musk, sur l'air « vous pouvez télétravailler à condition d'être présent un minimum de 40 heures par semaine au bureau »... Le message a des chances d'être entendu alors que le géant des voitures électriques taille dans ses effectifs après une croissance il est vrai vertigineuse.
A lire aussi sur latribune.fr cette semaine, notre article sur Sheryl Sandberg, l'architecte du modèle Facebook qui quitte le réseau social fondé par Mark Zuckerberg avant sa mutation dans le projet Meta.
Enfin, nous vous donnons rendez-vous mardi 7 juin pour suivre en direct sur latribune.fr la neuvième édition du Paris Air Forum, sur le thème « Ré-enchanter le progrès » (le programme est ici). Une conférence qui intervient au moment où le transport aérien redécolle très fort comme le montrent les réservations de voyage pour cet été mais est bousculé par la crise climatique. Les industriels viendront expliquer comment le secteur veut répondre aux questions légitimes que se pose la société civile pour décarboner l'aviation. Ce sera aussi l'occasion de faire le point sur les défis de souveraineté des industries de défense et spatiale et les enjeux de la dislocation des chaînes de valeurs suite à la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine.
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