Pénurie de patates en économie de guerre, là c'est vraiment la crise !

VOTRE TRIBUNE DE LA SEMAINE.
Philippe Mabille
(Crédits : Michal Jarmoluk via Pixnio)

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Au secours, il y aura bientôt pénurie de frites. C'est notre correspondante dans la région des Hauts-de-France, qui fournit à elle seule 61% de la production française de patates, qui nous annonce la très mauvaise nouvelle de cette fin d'année. Inutile d'incriminer la CGT, Gaëtane Deljurie délivre à nos lecteurs la cause de tous nos maux : un été long et caniculaire, même dans le Nord a eu un effet dévastateur sur la récolte avec une baisse historique de près de 20% des rendements de pommes de terre par rapport à la moyenne de ces vingt dernières années.

En économie de guerre, le manque de patates est un vrai signal faible : après l'huile de tournesol et maintenant d'olive, après la moutarde, on se demande quelle catastrophe va encore nous tomber dessus. Encore qu'il ne faut jamais désespérer : impossible n'est pas Français. La nature ayant horreur du vide, face à la pénurie de graines de moutarde en provenance du Canada, une nouvelle filière est en train de voir le jour dans le Loiret, annonce Guillaume Fischer, à l'initiative du vinaigrier-moutardier Martin Pouret. En Bourgogne, Amandine Ibled l'assure : un retour à la normale dans la production de moutarde est attendu pour janvier...

Le retour de la moutarde, c'est une bonne nouvelle pour les encore nombreux consommateurs-trices de viande (il en reste, n'en déplaise à Sandrine Rousseau) que notre Première ministre s'est refusée à stigmatiser dans un entretien avec notre confrère Libé hier en amont de l'annonce de son grand plan de planification écologique dont le nom affirme l'ambition et l'originalité : France Nation Verte... Ce sera aussi le nom du site internet du gouvernement où le secrétariat général à la planification écologique dirigé par Antoine Peillon rendra compte aux Français de leurs progrès dans la marche vers un pays zéro carbone. Ce plan, qui n'a rien à envier à la planification à la chinoise, se décline en 22 chantiers et six thématiques : se loger, se nourrir, produire, consommer, se déplacer, préserver : c'est beau comme une cathédrale gothique, aussi ambitieux que le chantier de rénovation de Notre-Dame. Reste à prier pour que cela marche ! Le « plan » qu'il appartient à tous les Français de mettre en œuvre au quotidien, nous permettra de « vivre mieux demain », assure Elisabeth Borne.

Reste à savoir qui va endosser les mauvaises nouvelles à venir de ce plan qui, s'il est mis en œuvre de façon rigoureuse, va sérieusement changer nos modes de vie. Car pour beaucoup de Français, la transition écologique est encore trop souvent synonyme de contraintes dans leurs mobilités, avec la mise en place non concertée des ZFE (zones à faibles émissions), de perte de valeur de leur logement, avec les nouvelles règles d'urbanisme et de performance énergétique, sans que les aides aux plus modestes ne soient à la hauteur des enjeux, le tout en pleine inflation du prix des voitures électriques et des matériaux de construction. Pas sûr que Macron ait envie d'endosser le potentiel de colère sociale que cela pourrait engendrer. Ou alors il va falloir mettre du « quoi qu'il en coûte » social dans les rouages de la planification écologique, car le compte n'y est pas, mais alors vraiment pas du tout : la preuve par la très lente progression de Ma Prime Rénov'...

Quant à la voiture électrique, vedette d'un triste et très vide Mondial de l'automobile, dont c'est probablement la dernière édition, sous cette forme au Parc des Expositions de Versailles, près d'un tiers des Français songe à en acheter une. La crise des carburants a sans doute convaincu les plus réticents, mais l'incertitude sur le prix et même la disponibilité d'une électricité bon marché freine les ardeurs. Le prix des voitures aussi, malgré le relèvement de 6.000 à 7.000 euros de la prime d'Etat qui risque de favoriser les constructeurs chinois. Emmanuel Macron a donc secoué la filière française, en appelant Renault et Peugeot à accélérer dans l'électrification de leurs gammes. Même si Carlos Tavares râle un peu, au nom de l'emploi, le mouvement paraît inéluctable. Et cela pourrait même favoriser les relocalisations, de la Chine de Xi Jinping qui vient de se succéder à lui-même à l'issue du XXème Congrès, incitant à revenir produire en France.

Pour l'instant, les Français sont surtout soulagés de pouvoir partir en congés en faisant le plein dans les stations-services sans faire deux heures de queue, la CGT ayant opportunément relâché la pression en débloquant la plupart des raffineries. Après une vague d'annulations, les vacances de la Toussaint devraient permettre de souffler, en attendant la reprise.

Deux nouvelles journées d'action sur les salaires sont déjà annoncées par la CGT qui joue la surenchère dans la perspective de son Congrès fin mars 2023 où se jouera la succession de Philippe Martinez. Notre journaliste Coline Vazquez a enquêté et regardé si faire grève permet vraiment de gagner plus... Chez TotalEnergies, comme chez EDF, oui. Mais dans le reste de l'économie, notamment dans les PME-PMI pénalisées par la flambée des prix de l'énergie, c'est moins sûr. Asphyxiées, elles réclament un bouclier énergétique au gouvernement, explique Marine Godelier.

L'Allemagne l'a fait, sans concertation, avec son plan à 200 milliards d'euros dont 25 pour les entreprises. Et la tension monte entre Berlin et Paris sur le plafonnement du prix du gaz. Sur fond de dissensions entre les 27 au Conseil européen.

En montrant sa fermeté par les réquisitions dans les raffineries, le gouvernement a plutôt bien joué, d'autant que le mouvement de grève interprofessionnelle de mardi a fait un flop. Mais cela ne présage pas de l'avenir, même si le gouvernement tente de rassurer en assurant que l'inflation, à défaut d'être temporaire, retombera à 2% en... 2024, assure Bruno Le Maire. Toujours optimiste, notre ministre de l'Economie et des Finances...

Il a fait les gros yeux aux députés de la majorité qui avaient osé le défier en faisant adopter un amendement sur les super-dividendes, lui qui a menacé de partir si on laissait taxer les super-profits : retenez-moi ou je fais un malheur ! Il a eu gain de cause, puisque ledit amendement des centristes a été retiré dans le texte du projet de budget adopté grâce à l'usage de l'article 49.3 de la Constitution. Bruno Le Maire ne va pas tarder à avoir d'autres soucis : selon la CPME, 150.000 entreprises sont directement menacées par la renégociation de leurs contrats par leurs fournisseurs d'énergie et le remboursement des PGE, les prêts garantis par l'Etat accordés pendant les confinements, vont vite devenir un casse-tête.

Sur le déblocage des raffineries, sur l'usage du 49.3, la main d'Emmanuel Macron n'a pas tremblé, relève notre chroniqueur politique Marc Endeweld. Face aux multiples crises, assiste-t-on à un durcissement, voire à une militarisation de l'exercice présidentielle ?, interroge-t-il. On est loin de l'usage de l'article 16, celui qui donne au chef de l'Etat les pleins pouvoirs, même en matière climatique. Pour l'heure, la planification écologique reste vert pâle. Une prudence que l'on peut aisément comprendre, dans une France très rouge et très éruptive : et encore, on n'a pas encore entamé la réforme des retraites.

Philippe Mabille

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Commentaires 12
à écrit le 23/10/2022 à 16:49
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Est ce que participer à une guerre qui ne nous concerne pas vraiment était la bonne décision face aux multiples défis créés par le néo libéralisme sans limite des précédentes décennies? Le général Tsun tsé, des empires combattants chinois a claireme...

à écrit le 23/10/2022 à 12:49
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Katastrophe ! Mais où va-t-on ? Où va-t-on ?

le 23/10/2022 à 14:26
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a croire que mme borne a achetez a la chine des topinambours l'equivalent en eau douce promise a l'Arabie et oui pour la macronie rien n'est plus simple que d'achetz chinois

à écrit le 22/10/2022 à 19:09
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Vu la spéculation immorale (+150 % en moins d'un an) sur les huiles végétales, j'ai fait le choix de ne plus consommer de frites afin de réduire ma consommation d'huile. Par ailleurs, l'intégration des huiles végétales dans la production de cab...

à écrit le 22/10/2022 à 13:43
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La seule pénurie qui serait pénalisante est celle éventuelle de foie gras lors des fêtes de fin d'année !

le 22/10/2022 à 19:59
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ET les truffes , et le champagne y en aura ? ... et pour les nostalgiques des années 40 topinambours et rutabagas !

à écrit le 22/10/2022 à 12:47
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plus de patates, plus de riz, plus de pq, plus de gel, plus de masques que la grande distrib avait planques dans des entrepots quatiques, plus de moutarde, plus d'huile de tournesol ( desormais en promo), decidemment, ce covid ukrainien est une malad...

le 22/10/2022 à 13:48
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tant qu'il reste du pinard et du café, tout va bien

le 22/10/2022 à 20:01
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Heureusement il reste la brioche comme disait Marie Antoinette à ceux qui réclamaient du pain !!!

à écrit le 22/10/2022 à 12:34
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Les veaux n'ont plus de patates pour accompagner leur hamburger.

à écrit le 22/10/2022 à 12:02
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Les patates qui baignent dans la flotte c'est pas terrible. Pas de goût, mauvaise conservation sauf à grand renfort d'antigermes et autres produits chimiques. Des patates plus ferme ce seront des patates entières à la sortie de cuisson et non pas de...

à écrit le 22/10/2022 à 10:35
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Pénurie organisée par nos gouvernants pour rentrer en guerre

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