Martin-Pouret, le vinaigrier-moutardier qui veut refaire du Loiret un champion français du condiment

L’entreprise agro-alimentaire déménagera à l’été 2024 dans de nouveaux locaux de 4.000 m2 à Boigny-sur-Bionne, dans l'agglomération orléanaise, s'offrant ainsi une ligne de fabrication supplémentaire par rapport à l'usine actuelle. La pénurie actuelle de moutarde, due à une récolte de graines canadiennes désastreuse en 2021, pousse Martin Pouret à multiplier les projets pour développer significativement la production locale mais aussi la faire connaître auprès du grand public.
La relance d’une filière de culture de graine de moutarde dans l’Orléanais représentera une production de 500 tonnes en 2025.
La relance d’une filière de culture de graine de moutarde dans l’Orléanais représentera une production de 500 tonnes en 2025. (Crédits : Reuters)

La société Loirétaine Martin-Pouret a commencé à faire construire un nouveau siège de quelque 4.000 m2 à Boigny-sur-Bionne, dans l'agglomération orléanaise. L'entreprise, qui quittera d'ici 18 mois ses locaux situés dans le centre-ville d'Orléans, investira environ sept millions d'euros dans ce nouveau bâtiment. À la clé, l'installation d'une ligne de fabrication supplémentaire par rapport à l'usine actuelle. La société, qui a été rachetée en 2019 par deux entrepreneurs parisiens, Paul-Olivier Claudepierre et David Matheron, table sur une augmentation significative de la production de ses trois produits phares, le vinaigre, la moutarde et les cornichons. Si le vinaigre reste prédominant avec 3.500 hectolitres produits en 2021, Martin-Pouret fabrique annuellement 800.000 pots de moutarde et 80.000 de cornichons, réalisés uniquement à partir de cultures élevées en Centre-Val de Loire.

Martin-Pouret compte aussi s'appuyer sur les installations futures pour lancer une activité de tourisme de savoir-faire à part entière. Pour des questions d'espace et de vétusté, le chai où sont élevés en barriques les différents types de vinaigre ne peut accueillir de visiteurs en nombre dans les locaux actuels. La donne changera d'ici moins de deux ans avec des espaces spécifiquement conçus au nouveau siège. Des circuits de découverte des procédés de fabrication restés artisanaux dans l'entreprise fondée en 1797 verront ainsi le jour. Orléans, point de passage du trafic fluvial des vins sur la Loire, comptait à l'époque un fort écosystème autour du vinaigre. Une boutique où l'ensemble de la gamme sera commercialisé renforcera le dispositif.

Le Centre-Val de Loire fait partie des collectivités pilotes pour développer un nouvel axe de tourisme industriel à l'échelle de l'Hexagone. Dans ce cadre, Martin-Pouret bénéficiera de l'accompagnement et des conseils experts du Comité régional du tourisme.

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Graine de moutarde orléanaise

La pénurie de moutarde actuelle, due à une mauvaise récolte des cultures canadiennes (plus de 90% de la production mondiale) en juin 2021, pousse par ailleurs Martin-Pouret à poursuivre la relance d'une filière de culture de graine dans l'Orléanais. Comme en Bourgogne et en Alsace, premiers berceaux de la moutarde eux aussi en pleine renaissance, elle avait été arrêtée au début des années quatre-vingt, essentiellement pour des questions de coûts. L'exploitation de Benoit Morisseau, située non loin de Pithiviers, était ainsi jusqu'à présent le seul et unique fournisseur du fabricant. Quatre autres agriculteurs, également situés dans le Pithiverais, deviendront aussi des sous-traitants de Martin-Pouret l'année prochaine. 500 tonnes de graines de moutarde seront récoltées à l'horizon 2025 sur environ 150 hectares plantés.

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Ce travail de relocalisation entamé depuis 2010, qui connaît une accélération depuis deux ans dans le contexte de lutte contre le réchauffement climatique, valide clairement les choix effectués à l'époque par le fabricant. Outre la question du gain de souveraineté, il lui laisse désormais entrevoir des perspectives économiques en fort développement d'ici trois ans. Grâce à l'accroissement de la production de moutarde ainsi qu'à l'élargissement de la gamme avec le lancement l'année prochaine d'une mayonnaise et d'un ketchup issus de produits exclusivement locaux, le co-dirigeant Paul-Olivier Claudepierre prévoit d'atteindre un chiffre d'affaires de six millions d'euros en 2025. Si Martin-Pouret reste un nain face au leader français de la moutarde, Reine de Dijon (50 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2021), ses recettes auront triplé à cette échéance par rapport à 2019.

Hospices de Beaune du vinaigre

Pour renforcer encore le côté qualitatif de son produit phare qui reste le vinaigre (60% du chiffre d'affaires), la PME orléanaise s'est associée depuis plusieurs années avec les plus grands chefs. Les « crus » Martin-Pouret sont ainsi utilisés par Pierre Gagnaire dans son restaurant parisien éponyme, et Victor Mercier, patron de l'établissement Fait ici en France (FIEF), également situé dans la Capitale. Troisgros près de Roanne et l'Auberge du Pont de Collonges de, feu, Paul Bocuse, figurent également parmi les clients de la société Loirétaine. Martin-Pouret compte franchir un échelon supplémentaire en 2023 dans ces partenariats avec les meilleurs artisans de la gastronomie française. À partir de cette date, la société organisera ainsi annuellement un grand déjeuner à Orléans où une vente aux enchères de vinaigres exceptionnels sera réalisée par les chefs eux-mêmes, à l'instar des Hospices de Beaune pour les vins de Bourgogne.

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Commentaire 1
à écrit le 21/10/2022 à 17:25
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Le pesticide (produit dit 'de santé des plantes') qui protégeait la moutarde de son 'prédateur' a été interdit en UE depuis quelques années. Comment espérer un rendement si ce genre d'aléas persiste ? A moins que ça ne soit rare comme attaque, ou rég...

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