Un « monsieur X » pour 2022 ?

SÉRIE D'ÉTÉ POLITIQUE-FICTION - ÉPISODE 8/8. Dernier épisode de notre série "Château de cartes" qui s'achève sur un possible scénario à la "Baron noir", pour celles et ceux qui ont vu la saison 3... Et si un inconnu se lançait et turbulait la prochaine présidentielle ? Ce scénario, pas si fictionnel, est redouté par Emmanuel Macron.
(Crédits : dr La Tribune)

« Et si on te mettait, toi, à Matignon ? » La question du président Macron se veut innocente, mais pas tellement. Dans son bureau de travail, celui se situant à l'angle, il fait face en ce début d'été à son secrétaire général, le très discret Alexis Kohler. « Comme ça tu pourrais continuer à terroriser les directeurs d'administration en direct », poursuit le chef de l'Etat. « Je ne suis pas sûr d'être la bonne personne pour ce poste. Je préfère l'ombre. Et j'ai tellement de dossiers à gérer dans les prochains mois, j'ai besoin de rester sur le pont à l'Elysée, mais vous êtes le seul juge... »

En guise d'un secrétaire général à Matignon, le président décidera finalement d'y nommer un ancien secrétaire général adjoint, Jean Castex. Sans l'ombre d'un doute. Peu importe si l'image technocratique de l'exécutif se renforce à 600 jours de la présidentielle. Seule compte « l'efficacité » estime Emmanuel Macron. Et puis, dans ce domaine si restreint des « technos » seuls capables de gouverner l'Etat, il sait que lui seul peut faire l'affaire : « Quelle figure propose LR ou le PS ? Hollande ? Bertrand ? C'est une blague ! »
 
Ce dimanche de fin d'été, le président a demandé à Bruno Roger-Petit, son « conseiller mémoire », de l'accompagner en balade du côté du Touquet. Histoire de prendre l'air, loin de la capitale. « Bruno, comment tu vois les choses ? ». L'ancien journaliste s'exécute : « Monsieur le président, je pense que votre principal adversaire aujourd'hui, c'est l'inconnu. On pourrait se retrouver dans un scénario où un "monsieur X" apparaîtrait dans les derniers mois de la présidentielle...  » À ces mots, le jeune président se raidit, sa mâchoire se contracte.

 Un "monsieur X" ? On a vu où ça a terminé du temps de de Gaulle ! Tu penses par exemple à un Ruffin qui pourrait coaliser ces satanés Gilets jaunes ? »

Face à l'interrogation présidentielle, « BRP » affine son scénario catastrophe : « Pas sûr que Ruffin ait la niaque pour se farcir Méluche. Vous avez d'ailleurs intérêt à ce que Mélenchon se présente. Comme Hidalgo, il peut neutraliser la gauche, car tous deux sont de véritables repoussoirs pour toute une frange de l'électorat. Mais je pense plutôt à Onfray... » Macron le coupe aussitôt : « Oui, Onfray, c'est un souci. J'ai vu qu'il avait été interviewé il y a quelques jours par Thinkerview sur Internet, il a déjà fait plus de 1 million de vues. Son discours prend à droite comme auprès d'une gauche déboussolée. Son profil m'inquiète ».

« En même temps, ça fait partie du plan, reprend le conseiller mémoire. Hystériser les extrêmes tout en les émiettant pour mieux apparaître comme le choix de la raison, comme le rempart face à l'extrémisme. C'est bien ce que proposait notre bon vieux Michel [Charasse]. On n'a rien inventé de mieux depuis Mitterrand ». Macron : « Oui, d'ailleurs, tu as vu ? J'en ai profité pour appeler Danièle Obono après cet article dépassant les bornes dans Valeurs Actuelles. Ils ne pourront plus dire que je n'appelle qu'Eric Zemmour ».

Le portable présidentiel se met tout d'un coup à sonner sans arrêt. Plusieurs SMS tombent. « Urgent. Mediapart vient de publier un nouvel article sur Alexis Kohler. Nous devons en parler rapidement. Clément L. » « Regarde Bruno, "les chiens" sont de nouveau de sortie. Là aussi, rien n'a changé depuis François Mitterrand. Edwy Plenel est toujours là. Parfois, je me dis que je n'aurais pas dû le chercher sur les questions fiscales lors du débat télé avec Bourdin... » « BRP » soupire : « Ah, Plenel ! ».

Le président reprend : « Tu sais ce que Philippe Grangeon avant son départ de l'Elysée me disait ? Que Plenel pourrait bien être ce Monsieur X ». BRP : « Ah oui, ce n'est pas bête. En bon vieux trotskiste, il doit rêver de se relancer en politique. Regardez Joffrin avec Hollande. Mais lui ne peut y aller que sur son nom. Et c'est vrai qu'il pourrait faire de l'ombre à Mélenchon, comme à Hollande. Il peut ratisser large, y compris des Gilets Jaunes qu'il a défendu dans un livre. Il faut se méfier du moustachu, Grangeon a raison. C'est aussi le sentiment de notre ami Bertrand Delais. Lui aussi pense que Plenel est en train de préparer un truc. Pour lui, c'est ce qui explique la cabale qu'ils ont lancé contre vous et Alexis, mais bon, ça ne change rien aux faits qui sont rapportés, tout de même... »

Emmanuel Macron n'écoute plus son fidèle conseiller. Son regard se perd dans l'écran de son smartphone. Alexis Kohler lui envoie des textos également. Mais ce n'est pas pour parler de Médiapart. C'est de nouveau pour parler du Liban. Le secrétaire général de l'Elysée lui demande de revenir d'urgence au Château pour évoquer discrètement le nouveau voyage du président français dans ce pays dévasté. « Là-bas, on est vraiment à deux doigts d'une guerre ». Ces mots de ses conseillers diplomatiques raisonnent dans sa tête. Car Emmanuel Macron connaît la situation pour le moins sensible en Méditerranée orientale. Et le jeune président français mesure à quel point l'histoire peut peser lourd en ces temps difficiles. « Cher Bruno, je suis obligé de te laisser à ces enfantillages, je dois rentrer à Paris. L'Histoire avec un grand H m'appelle. Alexis veut que je le rejoigne pour préparer notre nouvelle venue au Liban. Les grandes puissances nous attendent au tournant. Je dois être à la hauteur ». Après ces paroles grandiloquentes qui ressemblent à celles d'un Villepin, BRP voit alors débarquer les gorilles du service de la protection. Fini la balade avec le président. Un hélicoptère vient d'atterrir dans le champ voisin pour ramener d'urgence Emmanuel Macron à Paris. Lui n'a plus qu'à marcher pour retrouver sa voiture garée à plusieurs kilomètres de là. C'est ce qui s'appelle être au service de la République.

>> Lire les épisodes précédents :

* Auteur de L'ambigu Monsieur Macron, puis de Le grand manipulateur, les réseaux secrets de Macron, Marc Endeweld tient depuis 2019 chaque semaine dans La Tribune une chronique Politiscope.

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Commentaire 1
à écrit le 04/09/2020 à 8:50
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L'expérience Macron ne réussira pas deux fois, tout comme Hollande avant lui mais surtout Sarkozy qui avait bien plus de thuriféraires que lui et qui pourtant s'est fait recaler au second tour. Depuis le traité de Lisbonne et la trahison honteuse...

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