L’Elysée entre chiens et loups

SÉRIE D'ÉTÉ POLITIQUE-FICTION - ÉPISODE 5/8. Dans un "House of Cards", version Macron, La Tribune raconte chaque vendredi sous la plume de Marc Endeweld (*), les secrets du quinquennat sous la forme d’un récit mêlant la fiction et la réalité pour montrer comment le président de la République, élu sur la volonté d’un renouvellement de la vie politique et d’un « dépassement » des clivages, se prépare malgré son impopularité à rééditer le « coup » de 2017 en étouffant à petit feu ses adversaires, droite, gauche et écolos... Aujourd'hui, un dîner organisé par l'Elysée réunit notamment le vicomte de droite Philippe de Villiers et l'ancien soixante-huitard Daniel Cohn Bendit.
(Crédits : DR)

Ce soir d'août, c'est la fête à l'Elysée. Le couple Macron a invité les principaux ministres du gouvernement, mais également certains de ses plus fidèles soutiens. Après la période de l'épidémie de Covid-19, l'heure est à la détente auprès du chef de l'Etat. Le carton d'invitation indique 20h30. Les premiers invités arrivent par grappes, remontant la cour d'honneur, traversant ensuite les salons pour rejoindre le jardin. C'est sur la pelouse que les tables ont été dressées, des flambeaux ont été disposés un peu partout autour. Quand on s'éloigne des tables, les visages sont plongés dans une demi-obscurité d'été. Le président reste debout sur les marches qui amènent au jardin. À ses côtés, se tient Olivier Dussopt, cet ancien socialiste venu de l'Ardèche promu ministre délégué des comptes publics lors du dernier remaniement. Les deux hommes vont continuer à échanger à l'écart du reste des invités toute une partie de la soirée. De son côté, Brigitte Macron passe de table en table pour saluer les convives.

>> ÉPISODE 4 : Nettoyage d'été à LREM

Tout d'un coup, des cris s'échappent de la salle des fêtes du palais : « C'est vous le sauvage ! », « Des années de colonisation pour aboutir à quoi ? À la guerre civile ! », « On ne gouverne pas la France pour les bobos ! », « Oh, mais le seigneur de Vendée n'est pas content ? » Piqués dans leur curiosité, certains des invités se rapprochent de la salle des fêtes. Un petit attroupement forme une sorte de cercle, comme pour assister à un combat de boxe. Au milieu de l'arène improvisée, on trouve le vicomte Philippe de Villiers en grande joute avec l'écolo soixante-huitard Daniel Cohn Bendit. « Cher monsieur, moi, j'ai l'écoute d'Emmanuel, il sait que l'Europe est le seul projet progressiste possible, le seul projet pour la France », assène ce dernier, pas mécontent de son petit effet « je suis l'ami du président ». « Vous voulez savoir ce qu'il me dit le Président ? Il me dit que j'ai bien raison de critiquer les technocrates, qu'ils soient de Paris ou de Bruxelles », lui répond de Villiers. Et l'homme de droite de tacler l'ancien gauchiste : « Et comment vous pouvez vous dire l'ami du président, alors que son ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin cite explicitement un auteur d'extrême droite, Laurent Obertone, en parlant "d'ensauvagement" de la société... Ce n'est pas vraiment vos idées, non ? ».

Dany voit rouge : « Mais c'est le rôle d'un président de la République de parler à tous les Français ! Et Emmanuel n'a jamais dévié de son projet initial, il est toujours fidèle à ses discours de 2017, tenez, regardez ce qu'il a demandé à faire à Stora sur l'Algérie, c'est pas vraiment votre tasse de thé ce travail de mémoire sur l'Algérie, hein, monsieur le réactionnaire... Et puis, Emmanuel lui-même a parlé d'ensauvagement du monde lors de son discours des ambassadeurs en 2019, pas vrai Romain ? » Romain, c'est Romain Goupil, un des nombreux visiteurs du soir du président depuis le début du quinquennat. Le cinéaste, ex Mao, posté à côté de Cohn-Bendit, comme prêt à faire le coup de poing, opine immédiatement : « Oui, et l'ensauvagement du monde, c'était le thème de la géopolitologue Thérèse Delpech, notre amie avec Dany, qui était, comme nous, favorable à la guerre en Irak ! Car le seul avenir possible de la France passe par les Etats-Unis ».

« Ah bon ? Ah bon ? Les Etats-Unis de Trump continuent de vous faire rêver ? », répond immédiatement de Villiers. « Je n'ai pas l'impression que c'est le sentiment d'Emmanuel Macron qui essaye de trouver une nouvelle voie avec Vladimir Poutine ». « Mais que racontez vous là ? Poutine est un odieux personnage, qui a essayé de déstabiliser sa campagne en 2017 ! » éructe alors Goupil.

« Oh, vous savez l'essentiel est de retrouver le chemin de la concorde nationale, l'essentiel est de rétablir l'ordre républicain, notamment dans les écoles... », lance alors un nouveau venu dans la discussion. Il s'agit du politologue Laurent Bouvet, qui est venu accompagné de sa femme, Astrid Panosyan, cadre à Unibail, et l'un des piliers d'En Marche. « Et je crois qu'avec Brigitte Macron et Jean-Michel Blanquer, on a fait évoluer Emmanuel sur cette thématique. D'où son discours sur le séparatisme ». « Mais ce discours d'exclusion est affreux ! Il ne vise que l'Islam en réalité », s'énerve alors Cohn-Bendit. « Vous êtes un angéliste Daniel, et on a vu ce que ça a donné ces dernières années », lui répond Bouvet. « D'ailleurs, le président m'a commandé une note sur le sujet pour sa prochaine campagne ». « Ah bon ? Mais moi aussi ! Il m'en a demandé une sur la jeunesse ! » s'étonne une nouvelle fois Dany.

« Le "en même temps" macronien a encore frappé ! » s'exclame alors la journaliste Anna Cabana venue accompagner son compagnon Blanquer à la fête élyséenne. « Oui, c'est vrai, c'est comme Thiphaine Auzière qui lance une classe préparatoire privée dans le 16ème arrondissement... », ose alors Goupil. C'est le moment qu'a choisi Brigitte Macron pour arriver au milieu du petit groupe, accompagnée de son ami Bernard Montiel, l'ex-animateur de télévision. « On parle de ma fille ici ? Je suis très fière d'elle », expose alors la Première Dame suffisamment fort pour être entendue d'une bonne partie de l'assistance qui commence à se désagréger. Les convives reviennent alors dans le jardin pour déguster le dîner. Il est à peine 22 heures, mais Jean-Yves Le Drian préfère prendre congé, et regagner son appartement parisien. Il a encore un dernier conseil de Défense le lendemain matin avec le Président. De loin, il salue ce dernier, et s'engouffre rapidement dans sa voiture officielle. À l'intérieur, il regarde sa femme, et lui dit : « Tout cela ne fait pas encore un programme pour 2022. Je ne sais pas trop où l'on va entre Cohn-Bendit et De Villiers. Je crains que le président ne le sache pas lui-même ».

>> Lire les épisodes précédents

(*) Auteur de « L'ambigu Monsieur Macron » puis de « Le grand manipulateur, les réseaux secrets de Macron », Marc Endeweld tient depuis 2019 chaque semaine dans La Tribune une chronique Politiscope.

Retrouvez vendredi 21 août, l'épisode 6/8 de notre fiction d'été : « Tous sur écoute ».

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Commentaires 6
à écrit le 22/08/2020 à 10:04
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Bon matin calme fait donc partie de la maison, ça faisait un moment que je le soupçonnais et si au lieu de lui faire écrire en gros et rouge que c'est un troll vous lui faisiez contredire de façon intelligente et non délirante mes commentaires les gé...

à écrit le 22/08/2020 à 10:04
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Bon matin calme fait donc partie de la maison, ça faisait un moment que je le soupçonnais et si au lieu de lui faire écrire en gros et rouge que c'est un troll vous lui faisiez contredire de façon intelligente et non délirante mes commentaires les gé...

à écrit le 22/08/2020 à 10:04
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Bon matin calme fait donc partie de la maison, ça faisait un moment que je le soupçonnais et si au lieu de lui faire écrire en gros et rouge que c'est un troll vous lui faisiez contredire de façon intelligente et non délirante mes commentaires les gé...

à écrit le 22/08/2020 à 10:04
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Bon matin calme fait donc partie de la maison, ça faisait un moment que je le soupçonnais et si au lieu de lui faire écrire en gros et rouge que c'est un troll vous lui faisiez contredire de façon intelligente et non délirante mes commentaires les gé...

à écrit le 22/08/2020 à 10:04
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Bon matin calme fait donc partie de la maison, ça faisait un moment que je le soupçonnais et si au lieu de lui faire écrire en gros et rouge que c'est un troll vous lui faisiez contredire de façon intelligente et non délirante mes commentaires les gé...

à écrit le 14/08/2020 à 10:00
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Ya des dîners auxquels on est content de ne pas être conviés. Ça doit pas voler haut les conversations là dedans, ils n'arrivent déjà même pas à faire illusion à la télévision ce qui est un véritable exploit !

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