Tuons le messager !

Interdire les ventes à découvert handicape considérablement l'industrie de la gestion de fonds. Spéculer à la baisse est donc formellement interdit. Spéculer à la hausse serait toujours autorisé.

Pensez-vous que la baisse des valeurs bancaires au cours des dernières semaines est due :

1) aux saloperies mal valorisées que les banques portent sur leur bilan ;

2) aux vendeurs à découvert.

Si vous avez choisi la deuxième hypothèse, vous pouvez devenir régulateur des marchés financiers dans divers endroits de la planète. Si vous avez choisi la première réponse, bravo, vous êtes intelligent.

La décision de plusieurs autorités de marché d'interdire les ventes à découvert sur certains types de valeurs mobilières, principalement les valeurs bancaires, ne cesse de dépiter les acteurs de la gestion de fonds. "Voilà un cas typique où on choisit de tuer le messager des mauvaises nouvelles plutôt que dénoncer les multiples idioties commises par les banques" ; explique l'un des acteurs. D'une part, cette décision renforce la thèse du complot à l'échelle mondiale. Si les titres financiers se sont écroulés, c'est la faute des spéculateurs qui ont vendu des titres qu'ils ne possèdent pas. Et cela, voyez-vous, c'est mal, très mal. En revanche, dans les périodes de hausse, acheter des titres qu'on ne possède pas, n'est jamais puni, ni montré du doigt.

Ajoutons que l'accusation d'intense spéculation à la baisse semble douteuse. "Le niveau des ventes à découvert était plus important il y a trois mois, note un homme de marché. Cette diminution a donné lieu à des rachats d'action, qui, par nature, ont soutenu le marché". Enfin, si l'interdiction des ventes à découvert a été prise pour protéger Goldman Sachs et Morgan Stanley, il ne faut pas oublier qu'une des activités rentables des banques d'affaires consiste à organiser le prêt et l'emprunt de titres pour que des gérants de fonds pratiquent des ventes à découvert ou se couvrent contre des riques. Par ailleurs, les banques présentes sur le marché des options ont besoin des ventes à découvert pour réaliser leurs opérations.

Enfin, les ventes à découvert sont parfois utilisées pour protéger les intérêts des petits épargnants. Prenons le cas d'une offre publique d'échange (OPE). Une société A propose de racheter la société B sur la base de 100 euros par action mais en utilisant ses propres titres comme monnaie d'acquisition. Juste avant l'annonce, les titres de la société B se négociaient à 70 euros. Ils font un bon spectaculaire et gagnent 40% pour se stabiliser à 98 euros. La différence entre ce prix et les 100 euros proposés par la société A représente le risque de l'opération. Il peut varier et le titre B peut revenir à 90 euros. Pour verrouiller les 40% de gain, le gérant qui possède le titre B va emprunter pour 100 euros de titres A et les vendre sur le marché. C'est une vente à découvert qui n'est pas une spéculation. A l'issue de l'opération, le gérant recevra des titres A pour ses titres B et il pourra les remettre à celui à qui il les avait empruntés. CQFD

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