La compétitivité, coeur du réacteur de la relance

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.
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Keynes, réveille-toi, ils sont devenus fous ! Aux Jéco, une conférence matinale sur "75 Ans de théorie générale" met l'accent sur la folie de la course à la rigueur que les "esprits animaux" des marchés financiers imposent aux pays européens. L'installation de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne et de la France dans une politique d'austérité ressemble furieusement à la crise des années 1930, quand les pays européens se sont épuisés à maintenir la parité-or de leur monnaie, avant d'y renoncer dans une course au protectionnisme en ordre dispersé qui n'a pas été sans lien avec les événements qui suivirent.

La dette n'est pas notre seul problème. La question centrale, c'est la croissance. Benoît Coeuré, numéro deux de la direction du Trésor, l'un des pressentis pour devenir le nouveau représentant français au directoire de la BCE, le dit sans fard : la crise actuelle aura un impact "irréversible" sur le PIB français qui sera durablement plus bas que ce qu'il aurait dû être. "Il y a eu des destructions d'emplois et de capacités de production que l'on ne retrouvera pas." L'indice de la production industrielle de septembre dernier est encore 10% en deçà de son niveau de début 2008. L'écart était de 20% en 2009. Tenter de rattraper ce retard est donc la grande affaire de la décennie et, pour cela, la France, comme tous les pays d'Europe du Sud, n'a pas d'autre choix que de mener une stratégie de compétitivité, souligne Philippe Aghion, professeur à Harvard. Pour l'animateur du groupe d'économistes qui se réunit autour du candidat socialiste François Hollande, "la relance keynésienne ne marche plus. La politique néo-ricardienne à la Cameron est trop brutale. Reste une troisième voie, que l'on pourrait qualifier de schumpetérienne : réaliser un choc d'offre pour relancer la compétitivité".

En clair, dans une époque où le budget de la Nation est sous contraintes, la France va devoir faire des choix et cibler ses actions dans des domaines prioritaires susceptibles de libérer la croissance : l'éducation (pas seulement l'université, mais aussi l'école, notamment l'école primaire), la formation, l'innovation. À ces politiques horizontales, Philippe Aghion ajoute des politiques verticales. "Faisons de la politique industrielle non colbertiste, donc sectorielle, compatible avec la concurrence européenne. L'Europe doit faire sa révolution : pour rendre possible ces politiques sectorielles, elle devra accepter de juger leur efficacité a posteriori", avec plus de pragmatisme qu'aujourd'hui. Attention toutefois, qui dit politique industrielle dit État impartial, sinon c'est la porte ouverte à tous les copinages, prévient-il.

L'idée est de réhabiliter les filières, avec des priorités fortes. Valérie Rabault, économiste chez BNP Paribas (qui a écrit "Les Trente Glorieuses sont devant nous", un livre remarqué, avec Karine Berger, une autre économiste qui travaille pour François Hollande), en voit trois : l'énergie, les transports, la santé. Avec un plan de 90 milliards d'euros sur trois ans, ciblé sur ces trois secteurs, on relèverait la croissance potentielle de 1,7% à 2,2%. Reste à financer tout ça et là commence évidemment le problème. Une réforme fiscale d'envergure est inévitable, mais aussi faire des économies sur l'Etat et le social.

Une chose est sûre : la France ne s'en sortira pas sans croissance, notamment parce qu'elle est un des rares pays d'Europe dont la population croît, souligne Mathilde Lemoine, directrice des études économiques de HSBC France. "Nous sommes donc obligés de réfléchir à un modèle de croissance plus performant que celui de l'Allemagne." Le seul déterminant qui explique la différence de PIB par tête entre la France et l'Allemagne, c'est l'emploi des jeunes, explique-t-elle. Relever le taux d'emploi des jeunes est la première des urgences dans notre pays. La seconde, c'est d'améliorer la compétitivité, mais par le haut. Pour cela, il faut investir dans le capital humain, dans l'employabilité et dans l'innovation.

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