Faut-il changer le droit pour réussir la transition énergétique ?

Les 14 et 15 septembre, le gouvernement organise une "conférence environnementale" destinée à écrire la feuille de route du Gouvernement pour permettre une transition énergétique. C'est-à-dire une transition vers une économie de l'énergie chère. Une transition qui suppose au préalable un changement de notre rapport au droit.
Arnaud Gossement / DR

Des ministres qui qualifient le nucléaire de « filière d'avenir », un premier ministre qui relance le débat sur le gaz de schiste, une alerte à la centrale de Fessenheim, une proposition de loi sur la tarification progressive de l'énergie, une baisse de la fiscalité sur les carburants, un arrêté sur le renouvellement des contrats d'achat pour l'hydroélectricité, une polémique sur le fioul et la précarité énergétique, une tentative de contenir les tarifs du gaz... Rarement l'énergie aura autant été au c?ur de l'actualité et du débat public. Rarement aussi l'Etat aura été sommé à ce point de préciser et de modifier sa politique énergétique. Et de faire un choix. Entre, schématiquement, deux écoles de pensée qui s'opposent. La première a réussi à s'imposer au sein des conclusions de la conférence sociale : l'énergie doit rester à un prix abordable pour permettre la ré-industrilisation du pays et ne pas empêcher un retour de la croissance économique. C'est pour ce motif que le ministre du redressement productif défend le nucléaire en ces termes : « Nous avons besoin d'énergie et pas trop chère ». C'est aussi pour ce motif que ses partisans soutiennent une exploration des gisements d'hydrocarbures non conventionnels, censée permettre de réduire notre facture énergétique nationale. La deuxième école de pensée postule à l'inverse que le coût de l'énergie ne peut qu'augmenter dans les années à venir et que notre modèle économie doit s'adapter : changements d'usages, économies d'énergie, recours aux énergies de flux et renouvelables, fiscalité carbone. La conférence environnementale pourrait être - ou non - un point de bascule, non pas d'un camp à l'autre, mais du monde du pétrole pas cher à celui du développement durable.

Et d'un droit à un autre. Car, prendre conscience que le coût de l'énergie ne cessera de croître et assurer la transition énergétique d'un modèle à l'autre suppose tout d'abord de réfléchir à notre droit. Répétons-le : les meilleures décisions peuvent en effet produire les pires effets ou les effets inverses à ceux désirés si leur traduction en règles de droit - lois, décrets, arrêtés - n'est pas pensée. Ce qui est trop souvent le cas. Espérons ainsi que la proposition de loi sur la tarification progressive de l'énergie n'en devienne une illustration. La vocation - sociale et écologique - de ce texte est certainement généreuse : protéger les consommateurs les plus modestes tout en réduisant notre consommation de gaz et d'électricité. Toutefois, déterminer ce qu'est une consommation de confort ou superflue en tenant compte des situations individuelles pourrait compliquer le texte. Au risque de rendre illisibles les tarifs mis en place. Et donc de les priver de tout caractère incitatif contrairement à ce que souhaitait le législateur. Idem pour la conférence environnementale : les engagements qui seront pris, les annonces qui seront faites pourront être vidés de leur substance ou rester lettre morte si leur transformation en règles de droit est ratée.

Pour l'heure, le droit, par sa complexité, par son inflation et sa profusion, par son instabilité, par ses bavardages, n'est parfois plus un moteur mais un frein à toute transition énergétique ou environnementale. Il ne peut pourtant y avoir de progrès de la protection de l'environnement sans progrès du droit de l'environnement. Ainsi, pour enrayer le déclin de l'éolien en France, il est indispensable de rétablir un arrêté qui fixe le tarif d'achat de cette électricité. Il serait également utile de revoir la loi Grenelle 2 du 12 juillet 2010 pour réduire les contraintes administratives qui pèsent inutilement sur l'énergie du vent. En matière d'énergie solaire, il conviendrait de corriger à la hausse un objectif de développement bien bas : 5.400MW d'ici à 2020. Et de simplifier drastiquement les règles relatives au raccordement et à l'achat d'électricité tout en se servant des codes de l'environnement et de l'urbanisme pour interdire les projets sans valeur ajoutée. L'énergie n'est pas la seule touchée par la baisse de qualité du droit. Ainsi, le dispositif juridique applicable à la prévention du risque industriel et aux sols pollués est singulièrement compliqué et suscite des controverses interminables entre juristes.

Un droit plus clair, plus stable, mais aussi, parfois, moins de droit. Alors que la conférence environnementale ne s'est pas encore tenue, le gouvernement lui a déjà assigné deux objectifs : deux lois ! L'une sur l'énergie, l'autre sur la biodiversité. Deux lois cadres qui appelleront d'autres lois pour remplir lesdits cadres. Et bien des décrets d'application. Et plus encore d'arrêtés ou de circulaires. S'est-on cependant assuré que ces lois sont indispensables alors que le cadre juridique en matière d'environnement et d'énergie est fixé, non en France mais par l'Union européenne ? Il serait ainsi bienvenu que la conférence environnementale rompe avec une habitude ancienne qui consiste à évaluer le progrès d'une politique publique à l'aune du poids de lois votées. Le progrès du développement durable ne dépend pas que de la quantité de textes adoptés, dont une partie restera peut être toujours inappliquée. En définitive, si la conférence environnementale souhaite engager véritablement une transition vers un monde de l'énergie chère, il faudra nous interroger aussi sur notre rapport au droit. Car la loi seule ne sera pas la baguette magique qui nous fera réaliser sans efforts et sans imagination cette transition énergétique si attendue.

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Arnaud Gossement est avocat associé du cabinet Gossement avocats.

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Commentaires 15
à écrit le 14/09/2012 à 17:25
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laissez moi rire la transition énergétique ne se fera jamais avec les éoliennes donc le facteur de charge est de 20 % et qu'il faut coupler avec du nouveau thermique pour pallier au manque de vent , trop de vent ou neige et gel !!! bonjour la conso...

à écrit le 13/09/2012 à 7:30
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Les acteurs moteurs de la transition nécessaire seront bien sur les citoyens eux mêmes, mais parmi eux certains auront un rôle particulier : les dirigeants d'entreprises. Ce sont eux effectivement qui pourront porter l'offre qui permettra de déconnec...

à écrit le 11/09/2012 à 14:12
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Toutes les lois ne pourront pas changer la réalité physique qui est que éolien et photovoltaïque ne peuvent fournir que quelques % de nos besoins énergétiques. Par contre elles peuvent assurer de juteuses rentes.

à écrit le 08/09/2012 à 7:16
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Le droit paralyse notre société car il est lourd, inhumain et il ne s'adapte ni aux changements, ni aux prises de risques. Un droit basé sur des principes et non des textes serait préférable. L'énergie nucléaire aujourd'hui polluante, demain le sera...

le 08/09/2012 à 21:12
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Et surtout ne passons pas à des énergies propres et réalistes. L'énergie solaire pourrait résoudre tous les problèmes en moins de 20 ans... mis à part celui des bénéfices des acteurs de l'énergie bien entendu.

le 09/09/2012 à 11:36
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Légiférer est au contraire indispensable dans un tel contexte et l'article met à juste titre en avant le constat que la loi s'écrit désormais au niveau européen.

à écrit le 07/09/2012 à 21:32
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Enfin quelqu'un qui pose le problème énergétique sans nous bassiner avec des délires sur le CO2, le réchauffisme ou n'importe quelle autre fadaise escrologiste. Ceci dit, la régulation des énergies ne se fera pas par la loi (dérive illusoire de juris...

le 08/09/2012 à 21:14
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Les délires sur le CO2 et le "réchauffisme" font l'unanimité dans les milieux scientifiques. Pas encore au comptoir des bistrots...

le 09/09/2012 à 11:34
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Je n'en dirais pas autant des délires sur les effets magiques de la libéralisation.

à écrit le 07/09/2012 à 7:36
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Pas très convainquant. Utiliser ou penser le "droit" comme un vecteur autonome et militant d'une vision économique ou sociétale est, me semble-t-il, particulièrement dangereux. Quand vous parlez par exemple de contrer le déclin de l'éolien en France,...

le 09/09/2012 à 11:32
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Si vous le permettez, l'éolien n'est pas un « vecteur », comme vous l'écrivez, mais une source énergétique. C'est l'électricité qui est un vecteur énergétique. Je ne comprends pas ce que vous voulez signifier lorsque vous émettez le voeu que l'éolie...

à écrit le 07/09/2012 à 7:35
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L'énergie doit être évaluée sous l'angle de la macroéconomie:taxer l'énergie plutot que le travail pour financer les retraites et le chomage.

le 07/09/2012 à 9:06
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taxer taxer vous ne croyez pas que les gens sont assez taxer mis à part les tres riche qui détourne leurs impots avec des fiscalismes comment fair repartir une économie en taxant le petit peuple vous etes des rigolo avec vos commentaires

le 08/09/2012 à 21:55
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gigi je partage votre point de vue se profile la taxation des energies les plus usitees et on perçoit ce qui s annonce comme une taxe qui n a pas le courage de s afficher comme telle deja les plus pauvres avec les hausses successives et parfois a eff...

le 09/09/2012 à 11:28
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Ce n'est pas parce qu'on est sur Internet qu'il faut se montrer injurieux envers les autres ou publier des pavés sans la moindre ponctuation. Faites des efforts !

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