Quand les managers s'adaptent aux mutations du commerce

Les managers doivent adapter leur stratégie et le modèle économique aux nouveaux besoins des consommateurs. Par Xavier Sabouraud, Président d’Alter&Go Groupe.
"Aujourd'hui, la quasi-totalité des grandes enseignes de distribution s'appuie à la fois sur un réseau de distribution physique et un réseau de distribution virtuel", explique Xavier Sabouraud. /DR

L'impact de la crise n'est pas toujours celui que l'on croit. Dans la grande distribution, où la guerre des enseignes fait rage, c'est encore plus flagrant. Longtemps, la question du pouvoir d'achat a été considérée comme centrale. Mais tous ont aujourd'hui compris que la concurrence s'était déplacée sur un autre tableau, bien plus stratégique. Comme l'a très bien analysé le PDG de Casino Aldo Nahouri : la tendance n'est plus à la distribution de masse mais au commerce de précision. Le véritable enjeu n'est donc ni celui du prix, ni même celui de l'image, mais celui du modèle économique. Les nouveaux modes de consommation ont obligé les entreprises de distribution à le réinventer.

Cela vaut, bien sûr, pour l'alimentaire : le hard-discount prend l'eau, le hors alimentaire va mal et les magasins "drive", où l'on vient retirer sur place ses achats réalisés en ligne, connaissent un développement fulgurant. Les grands groupes jouent donc sur plusieurs tableaux, en développant en parallèle leurs propres réseaux de proximité - les enseignes Casino Shop, Utile, Carrefour City… La majorité des enseignes s'est adaptée à la demande et trouve des rebonds de croissance dans ce format.

 

Non-alimentaire : le nouveau culte du fait-maison

Dans le non-alimentaire, la question se pose autrement. Bricolage, électroménager, ameublement, culture, habillement, mobilier… là encore, les grandes surfaces spécialisées subissent de plein fouet l'impact des nouveaux modes de consommation. Le nouveau culte du fait-maison, auquel s'adonne toute une génération d'apprentis bricoleurs, le co-voiturage, la location, le troc, le low-cost sont autant de comportements modifiant l'environnement du commerce. L'essor d'Internet a fait l'effet d'une bombe en obligeant chacun à developer un savoir-faire en hors canal. Aujourd'hui, la quasi-totalité des grandes enseignes de distribution s'appuie à la fois sur un réseau de distribution physique et un réseau de distribution virtuel. Les passerelles entre les deux sont incessantes, complémentaires. La dernière publicité de la Caisse d'épargne est totalement centrée sur cette coexistence. Pour le management, c'est une révolution.

Avant, le manager était omniscient : il élaborait une stratégie en amont en ciblant une clientèle précise, puis la conduisait jusqu'à son terme selon un schéma pré-établi. Ce temps-là est révolu. Aujourd'hui, le client est informé, versatile et volatile. Il n'est plus seulement l'acheteur final qui intervient en bout de la chaîne, il est désormais impliqué dès le début du process de vente : il repère les produits en ligne, les compare, utilise ensuite tous les supports de la marque, du site au magasin. Pour cerner ses attentes et prévenir ses désirs, le manager doit apprendre à le connaître. Jamais les systèmes d'informations n'ont eu d'autant d'importance. A la différence du commerce d'avant, le client laisse des traces sur Internet : sa navigation sur le site, les pages vues, les produits de son panier sont autant de données mémorisées par la machine et que le manager doit récolter, quitte à devenir multitâches…

 

Le partage des informations, clé de la réussite des managers

Son nouveau mot d'ordre ? Collaborer ! En interne, d'abord, où il doit travailler main dans la main avec le service marketing, le service informatique pour le data client, mais aussi avec les autres managers, pour profiter de leur experience et améliorer son agilité. Le partage des informations devient la clé de la réussite, ce qui va à l'encontre de ce que l'on a toujours enseigné dans les tutoriels de management. Impossible de faire l'impasse sur la technique : avec la multiplication des supports (tablettes, smartphones…), les applications sont incessantes, infinies… Le manager doit les intégrer en temps réel dans sa stratégie, et donc être informé des dernières avancées techniques autant que des études de marché pour prendre des initiatives marketing. Avec sa plateforme Neolane, La Fnac a ainsi repensé entièrement son système d'information marketing de façon à avoir une vision panoramique du client via un seul outil. A charge pour le manager de pratiquer son métier de la même façon : à 360 degrés, de façon à offrir une expérience client la plus confortable et qualitative possible.

Collaborer en externe s'impose de la même façon, que ce soit avec le milieu de la recherche (les applications récentes), les concurrents (partage de data client), les fournisseurs (produits personnalisés, packagings ciblés), mais aussi… le consommateur. Système multi-canal oblige, on le suit sur la toile, on le cerne, on le fidélise, on le guide jusque dans le magasin : on lui suggère une crème adaptée à sa carnation chez Séphora, on lui facilite le retrait chez Darty (les casiers click and collect)… Capté, fidélisé, le client n'en est pas moins celui qui dicte la révolution managériale.

 

Personnalisation du produit : le consommateur associé

Dans la course à la personnalisation du produit, le consommateur est parfois associé au processus même de fabrication de masse. Quand on propose le choix des options d'une voiture avant sa sortie d'usine, quand on consulte le client sur le dessin de son futur papier peint, quand on pré-calibre informatiquement une paire de lunettes chez l'opticien, c'est tout le modèle hiérarchique classique de la grande distribution dit "top-down" qui s'en trouve bousculé. Aujourd'hui, les managers et les directions générales, vont eux-mêmes à la rencontre du client, chez l'habitant si nécessaire, afin de comprendre, par exemple, ses besoins de "faire soi-même" (sa cuisine, son carrelage, son bricolage…), ou les étapes de son parcours multi-canal. Ils ne ciblent plus la masse mais l'individu : au dela d'être un nouveau métier, c'est toute une nouvelle posture qu'il faut adopter.

Réenchanter les hypers ? Pourquoi pas. Développer ses drives et son enseigne? Carrefour City n'empêche pas Carrefour de bichonner ses clientes de grande surface en leur proposant des cabines d'essayage interactives, dans lesquelles on "essaye" un vêtement dans une photo-miroir. Mais en ces temps de crise et de mutation, il faut avant tout ré-enthousiasmer les managers, afin de leur donner le goût du partage, de la diversification et du contact client alors meme que leur fondamentaux historiques sont mis à mal.

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