Comment tendre vers la sérénité économique  ?

CHRONIQUE. L'ensemble des paroisses économiques s'accordent sur le fait que des endettements trop élevés sont nocifs. Elles divergent toutefois dès lors que le profil du débiteur est considéré car, quand l'école Autrichienne s'inquiète en priorité des endettements publics, les néo-keynésiens accordent beaucoup plus d'importance aux dettes du secteur privé. Par Michel Santi, économiste (*)
(Crédits : DR)

Les classiques sont en effet indifférents aux dettes des privés, car ils partent du principe que l'aggravation du niveau de leurs dettes n'est qu'un transfert de pouvoir d'achat d'un individu (ou d'une entreprise) à l'autre, ayant ainsi une conséquence macro économique globalement nulle. Ces orthodoxes stigmatisent en revanche le dette publique accusée, selon eux, d'empêcher le secteur privé d'investir car l'argent disponible est monopolisé par l'Etat, tout en alourdissant au passage le fardeau des générations futures.

L'école keynésienne, pour sa part, est peu ou prou indifférente au niveau de la dette publique car celle-ci - après tout - est libellée en une monnaie que sa banque centrale peut imprimer de manière illimitée. Ils sont donc partisans d'une création monétaire à même d'encourager la consommation et de répondre de l'économie aux besoins en termes de financements. Leur thèse fut royalement confortée par les diverses et massives interventions des banques centrales depuis 2007. Mais également par la vénérable Banque d'Angleterre qui arbitra en 2014 en leur faveur, affirmant que les prêts accordés par les banques constituent bel et bien une création monétaire, que ce nouvel arrivage d'argent dans l'économie bénéficie au PIB et aux actifs d'une manière générale. En d'autres termes, que les endettements privés stimulent la demande agrégée. Elle prit ainsi l'exemple de la liquéfaction économique de l'Espagne lors de la crise européenne des années 2010, imputant la dépression ayant frappé ce pays à une plongée de ses endettements privés de 35% du PIB en 2008 à 19% en 2014, et attribuant donc la récession à une consommation stoppée nette du fait d'une plongée de l'accès au crédit.

C'est l'économiste Irving Fisher qui, le premier, devait théoriser l'inutilité - sur le plan macro économique s'entend - de rembourser les dettes car chaque dollar rendu est un dollar détruit. En vertu de cette logique, tout nouveau prêt bénéficie évidemment à la masse monétaire. Dès 1932, il écrivait dans sa «Théorie des Grandes Dépressions» que «lorsqu'une dette envers une banque est payée par le débit d'un autre compte, c'est l'ensemble de la somme qui est dès lors rayée». La chute de la quantité d'argent circulation provoque ainsi celle du PIB, phénomène qui débouche à son tour sur une augmentation du ratio global de l'endettement ramené au PIB, ce uniquement du fait du remboursement de la dette.

«C'est vraiment la tentative de la part des privés de rembourser leur dette qui l'augmente. Nous sommes confrontés à un grand paradoxe qui explique les grandes dépressions : plus les débiteurs doivent et plus leur endettement augmente».

Près d'un siècle plus tard, je comprends que cette thèse puisse toujours choquer. Il n'en reste pas moins que nos nations, aujourd'hui, ont désespérément besoin de trouver une manière de pouvoir réduire leurs endettements (relativement à leur PIB) sans couler leur économie, sans léser les créanciers, sans encourager les prises de risques excessives, sans encourager les chasseurs de bulles spéculatives, sans provoquer de nouvelle Grande Dépression ni de nouvelle guerre mondiale.

______

(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 29/03/2023 à 18:54
Signaler
Comment tendre vers la sérénité économique ? C'est simple : Il faut accepter de s'appauvrir

à écrit le 29/03/2023 à 18:42
Signaler
La question essentielle est : Investir dans quel but ?

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.