Contrôle des prix : le retour désolant des postures populistes du gouvernement

OPINION. L'inflation, repartie à la hausse en août en France, pousse les politiques à vouloir imposer des mesures de restrictions sur certains produits pour montrer aux consommateurs qu'ils ont les moyens d'agir et qu'ils maîtrisent la situation. Mais le contrôle des prix crée des perturbations en modifiant les comportements économiques, et provoque généralement une baisse de l'offre. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l'Essec
Marc Guyot et Radu Vranceanu.
Marc Guyot et Radu Vranceanu. (Crédits : Reuters)

En août, l'inflation marque un rebond en France, léger mais ennuyeux pour la communication du gouvernement. Basé sur l'indice des prix à la consommation, l'inflation est passée de 4,3% en juillet, à 4,8% en août. Selon l'Insee, cette hausse de l'inflation serait essentiellement due au rebond des prix de l'énergie, tandis que les prix de l'alimentation ralentissent pour le cinquième mois consécutif.

Si l'affichage d'une augmentation de l'inflation peut poser un problème à nos dirigeants, sur le fond, il n'y a pas d'échec en soi puisqu'ils ne contrôlent pas les prix mondiaux de l'énergie qui évoluent en fonction de causes qui échappent complètement à l'emprise du gouvernement français.

Dénoncer les saboteurs qui ne jouent pas le jeu

Malheureusement, cet affichage d'impuissance passe mal aux yeux de nos politiques. Quand quelque chose ne va pas comme on le souhaite, il faut immédiatement contrôler, interdire, planifier, passer une loi de façon à faire étalage de contrôle. La phase suivante est de dénoncer les saboteurs qui ne jouent pas le jeu. On pourrait toujours considérer, à la décharge de nos politiciens, qu'ils répondent aux demandes d'une majorité qui pense qu'interdire est la solution à tout. S'il y a du vrai dans cette observation, cela fait passer le gouvernement dans la catégorie populiste-cynique plutôt que dans celle de maniaque ignare en économie.

Tout économiste sérieux, de même que tout dirigeant politique compétent comme Bruno Le Maire, sait que le contrôle des prix dans une économie ouverte ne sert qu'à transformer l'inflation visible en pénuries, pertes et dysfonctionnements, qui sont autant de coûts cachés. Nous ne ferons pas à Bruno Le Maire l'injure de croire qu'il pense réellement que « pour casser définitivement la spirale des prix », il suffirait d'encadrer une partie de prix des produits vendus en supermarché, comme il l'a déclaré la semaine dernière.

Les exemples des antibiotiques et de l'encadrement des loyers

En revanche, il sait pertinemment que le contrôle des prix crée d'authentiques perturbations puisqu'il modifie les comportements économiques dans un sens qui n'est jamais bon pour le bien-être collectif.

Il provoque généralement une baisse de l'offre, comme le montre le contrôle des prix des antibiotiques ou l'encadrement des loyers, générant une baisse évidente du bien-être collectif. Ici, il ne s'agit pas de pénurie d'amoxicilline ou d'appartements à louer mais de la vente de produits alimentaires en supermarchés. Si des producteurs ou des distributeurs estiment ne plus pouvoir s'y retrouver, il faut s'attendre à une pénurie de cacahuètes ou de café. Il bon de rappeler que même ce type de pénurie est désagréable pour les consommateurs qui détestent trouver des rayons vides.

Il est facile de comprendre pourquoi le gouvernement cible les produits alimentaires. Un certain nombre de multinationales de l'agroalimentaire comme Pepsi, Nestlé, Unilever ou Heinz ont pu profiter du contexte inflationniste pour augmenter leur prix bien plus rapidement que les producteurs de génériques, en exploitant une temporaire illusion de prix. Tant que des substituts génériques existent, ce n'est pas l'affaire du gouvernement si les consommateurs acceptent de payer leur ketchup Heinz 20% plus cher que le substitut de ketchup générique Auchan ou Leclerc. On ne peut pas bâtir une politique sur le postulat d'une ignorance systématique des consommateurs, car ce postulat est faux à terme. Depuis le début de l'année, on observe un désistement des consommateurs des produits de marque (-7,3% de vente en un an) vers les produits de MDD (marque de distributeur) (+4,3% de ventes en un an), ce qui est le principal mécanisme de retour des prix à leur valeur fondamentale, sans aucune intervention du gouvernement.

En réalité, l'inflation hors-énergie est tirée avant tout par une demande globale encore excessive, nourrie par les transferts massifs de revenus du temps du Covid-19, et les nombreuse aides au pouvoir d'achat après 2021. Dans ce contexte, fixer le prix d'un ensemble de biens génère non seulement des pénuries pour ces biens, mais permet au revenu supplémentaire de s'orienter vers les autres biens dont les prix vont augmenter encore plus rapidement, comme le montrent les services touristiques. A moins de contrôler tous les prix comme en URSS, l'inflation — qui est une moyenne des prix de tous les biens — devrait demeurer inchangée, tant que le déséquilibre offre/demande n'est pas résorbé.

Le cas des des firmes en position dominante sur un marché

Bruno Le Maire ferait mieux de se concentrer sur les prix vraiment abusifs pratiqués par des firmes en position dominante sur un marché, qui disposent et éventuellement utilisent leur pouvoir de marché. L'Etat et l'Union européenne (UE) devraient renforcer les moyens de l'autorité de la concurrence et renforcer la concurrence elle-même.

Dans l'économie de marché, les prix agrègent un grand nombre d'informations provenant d'une myriade de consommateurs et de producteurs. Ainsi les prix leur permettent de s'ajuster et à l'ensemble des agents de se coordonner. Si le gouvernement veut lutter contre l'inflation, c'est sa propre dépense publique qu'il devrait examiner et réduire, plutôt qu'enlever aux prix leur vertu informationnelle. Pour ce qui est de la politique monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) surveille de près l'évolution des prix et a déjà augmenté les taux d'intérêt de manière significative pour atténuer la demande et stabiliser les prix et semble prête à continuer. Elle ne pourra pas mener à bien cette mission sans un alignement de la politique budgétaire avec sa politique monétaire.

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Commentaires 7
à écrit le 05/09/2023 à 13:05
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Bref, l'inflation s'arrêtera quand les prix baisseront : difficile de faire mieux comme lapalissade et tout ça c'est la faute au gouvernement, qui n'est bon à rien, comme d'hab. On avance, on avance....

à écrit le 05/09/2023 à 8:53
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Cessons d’épargner Bruno Lemaire d’une critique très nécessaire. Il a été, et est, le principal artisan de la ruine économique de l’état, l’explosion de la dette publique, la perte de crédibilité du politique, la destruction de la valeur travail, et,...

à écrit le 05/09/2023 à 3:45
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En résumé: vive le capitalisme sauvage autorégulé... et l'inflation commerçante par ententes tacites entre distributeurs.

à écrit le 04/09/2023 à 15:09
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"Posture populiste" voudrait faire le résumé de tout mais ne signifie rien ! ;-)

à écrit le 04/09/2023 à 11:28
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Alors qu'il suffirait de supprimer les paradis fiscaux pour exécuter l'inflation en place publique. Mais forcément on verrait les ficèles même si nous ne les connaissons déjà que trop bien ces p... de ficèles.

à écrit le 04/09/2023 à 11:20
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Totalement d'accord avec cet article, malheureusement, nombre de français approuvent ces mesures populistes du gouvernement, parce qu'ils ne comprennent rien à l'économie

le 04/09/2023 à 14:47
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Tout à fait d'accord avec vous. A quand un enseignement de base en économie obligatoire au lycée, au même titre que l'histoire ou la géographie ? Histoire que les jeunes Français (à défaut des "vieux") apprennent qu'un budget déficitaire entraîne de...

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