Coût du diabète : ne faudrait-il pas prévenir plutôt que soigner sans guérir ?

OPINION. Avec 3,5 millions de Français et 422 millions de personnes dans le monde touchées par le diabète, la Journée mondiale du diabète, célébrée ce 14 novembre, offre l'opportunité de mettre en lumière l'importance du dépistage et de la prise en charge de cette maladie qui altère la qualité de vie et représente un lourd fardeau financier pour la Sécurité sociale et la société française. Par Dr Pierre Vladimir Ennezat, Cardiologue, CHU Henri Mondor AP-HP, Créteil et Dr Guillaume Sarre, Médecin du sport, Grenoble
Dr Pierre Vladimir Ennezat et Dr Guillaume Sarre
Dr Pierre Vladimir Ennezat et Dr Guillaume Sarre (Crédits : DR)

La prise en charge des dépenses de santé liées au diabète en France coûte plus de 10 milliards d'euros par an.

Il y a un siècle la découverte de l'insuline révolutionnait le traitement du diabète. Cependant qu'il s'agisse du type 1 lié à une carence absolue en insuline, touchant principalement les jeunes, ou du type 2, lié essentiellement à un surpoids et une résistance à l'insuline chez les personnes d'âge mûr, la persistance d'un taux élevé de glucose dans le sang engendre des complications aggravées par les comorbidités. Ces complications, affectant le cœur, les vaisseaux, le système nerveux, les yeux, les reins, et augmentant le risque d'infections, sont la véritable source des problèmes de santé associés au diabète.

La vulnérabilité du patient diabétique s'est particulièrement révélée au public durant la pandémie de COVID-19.

Plus de 90% des personnes diabétiques en France sont de type 2, également appelé « gras ». Cela représente plus de 3 millions de personnes traitées, soit environ 5% de la population, et plus de 60 millions en Europe. Malgré ces chiffres en hausse depuis plusieurs décennies et affectant des sujets de plus en plus jeunes, de nombreux cas de diabète demeurent non diagnostiqués, accentuant la prévalence de la maladie.

Le traitement du diabète de type 2 ainsi que sa prévention reposent depuis longtemps sur la perte de poids pour restaurer la sensibilité à l'insuline. Les parcours de soins, comprenant activité physique, éducation thérapeutique, protocoles de coopération ASALEE, et éducation diététique, sont coordonnés par les maisons du diabète et les maisons sport santé.

Les fameuses règles hygiéno-diététiques qui permettent de perdre du poids et d'endiguer l'insulinorésistance menant au diabète sont bien connues. Deux messages simples suffisent pour changer la donne :

Le premier message favorise une alimentation non transformée, riche en fibres (donc en légumes), et ne comportant pas de sucres rapides. Malheureusement un fossé se creuse entre de telles recommandations, et les habitudes alimentaires diabétogènes actuelles basées sur une alimentation ultra transformée, les fast-food (McDonald's, KFC, kebabs ...), sodas, jus de fruits, « céréales » pour petit déjeuner et plats préparés proposés par l'industrie.

Des mesures simples pour lutter contre le diabète

Le deuxième message encourage une marche active quotidienne de 30 minutes minimum. Là encore, le contraste est saisissant avec l'inactivité physique qui a figé la société actuelle, symbolisée par la trottinette électrique avec pour conséquence moins de 10 minutes de marche par jour pour les adolescents. En 1971, un collégien courait 800 mètres en 3 minutes ; 4 minutes en 2013. Une telle chute de 25% de la condition physique n'est pas sans conséquence sur l'incidence de l'obésité et du diabète.

Ces mesures sont simples et économiques pour le système de soins. Cependant, leur mise en œuvre insuffisante conduit inévitablement à une augmentation de la prévalence du diabète et de ses complications.

Une fois le diabète gras déclaré vient l'heure de la mise en place du traitement médicamenteux. Le traitement historique du diabète de type 2 est la metformine, dont la fonction est d'améliorer la sensibilité à l'insuline. Ce traitement revient entre 4 et 8 euros par mois. Celui-ci doit venir s'ajouter aux mesures d'alimentation et d'activité physique évoquées précédemment, et non pas s'y substituer !

Cependant, depuis les années 2000, une nouvelle doxa médicale a émergé, prônant une vie « normale » pour les patients diabétiques, incluant même une proportion de malbouffe et de paresse. Cette approche non seulement rend impossible la rémission ou la réduction de l'insulinorésistance mais a conduit à la nécessité de molécules plus puissantes et à l'insulinothérapie dite fonctionnelle, adaptant les doses d'insuline à l'alimentation.

40.000 décès par an en France

Les coûts financiers associés au diabète ont considérablement augmenté, dépassant les 5.000 euros par an par patient. Actuellement, les patients diabétiques représentent déjà 15% des dépenses de l'assurance maladie. Les dépassements d'honoraires peuvent être très élevés pour la chirurgie bariatrique. Le coût indirect lié à l'absentéisme au travail est également préoccupant, atteignant 6,3 milliards d'euros, selon la London School of Economics.

La quasi-totalité des ressources allouées à la prise en charge du diabète est axée sur le curatif plutôt que sur la prévention, représentant un gaspillage évitable de plusieurs milliards d'euros d'argent public chaque année. Face à ces réalités, il est impératif de reconsidérer la politique de santé actuelle, en privilégiant la prévention au curatif.

En parallèle de l'accès aux soins, la promotion d'une alimentation saine devrait être encouragée par le biais de mécanismes fiscaux décourageant la malbouffe. De plus, la promotion de modes de déplacement actifs tels que la marche, le vélo, et les transports publics, au détriment des transports individuels motorisés en milieu urbain, aurait des bienfaits non seulement sur la santé humaine mais également sur la santé de la planète, en réduisant la pollution atmosphérique responsable de 40.000 décès par an en France. La prévention, en amont des maladies, constitue une stratégie efficace pour améliorer la santé globale de la société.

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Commentaire 1
à écrit le 15/11/2023 à 8:30
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On commence un tout petit peu, encore trop peu, à égratigner le lobby du sucre qui est pourtant la première drogue du monde.

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