Enjeux agricoles : érosion des cultures de colza, que risquons-nous  ?

OPINION. Le recul de la culture du colza en France illustre l'équation à résoudre pour les responsables politiques : quels choix faire pour conjuguer souveraineté alimentaire et réduction de l'empreinte carbone? (*) Par Patrice Geoffron, professeur d'économie à l'université de Paris-Dauphine, dont il dirige l'équipe énergie-climat.
Un champ de colza à Saint-Hilaire-lez-Cambrai, dans le département du Nord.
Un champ de colza à Saint-Hilaire-lez-Cambrai, dans le département du Nord. (Crédits : Reuters)

Le débat présidentiel doit, idéalement, constituer un moment privilégié pour soulever des questions d'intérêt collectif. C'est le cas des enjeux agricoles, souvent peu ou mal traités, à mesure de l'éloignement des Français entre leur « fourchette » et la « ferme » qui les nourrit... Les mois à venir seront un test de notre capacité à comprendre ce qui se jouera entre agriculture et environnement dans cette décennie ; et cela au terme d'une « annus horribilis » conduisant les Chambres d'Agriculture à alerter sur une « crise climatique sans précédent » en août.

Dans ce contexte, la culture du colza en France constitue une étude de cas intéressante, au regard du recul rapide des surfaces mises en culture. Selon la Commission européenne, en 2020-2021, 5 millions d'hectares de colza auront été implantés dans l'Union, soit un recul d'environ 15 % par rapport à la moyenne quinquennale. Et la France ne fait pas exception : en l'espace de quelques années, les surfaces cultivées ont été réduites de 1/3, passant sous le million d'hectares dans l'Hexagone.

Forte montée des cours mondiaux

Cette plante est revenue dans l'actualité ces dernières semaines à l'occasion de la forte montée des cours mondiaux (liée à la canicule au Canada qui a réduit la production locale) et de la forte baisse de la production de miel en France sous l'effet d'une météo néfaste et du recul des cultures de colza (plante mellifère prisée par les abeilles). Comme le colza constitue un élément essentiel de la stratégie de souveraineté protéinique (dont l'importance a été rappelée par Emmanuel Macron lors du Congrès mondial de la Nature tenu à Marseille en septembre), cette période est propice à regarder de plus près certaines vertus de cette culture.

Au-delà de son potentiel mellifère, le colza permet d'éviter les coûts environnementaux de certains de ses substituts importés, que sont le soja et l'huile de palme selon les conditions de leur production et qui sont supportés à très longue distance. Sur le plan agronomique, le colza constitue une « tête de rotation » : il est généralement situé en premier dans la rotation type des cultures, avant les céréales, ce qui permet de diminuer les intrants (engrais, pesticides) en absorbant l'azote en automne et en perturbant le cycle des herbes indésirables et des maladies. Le colza protège également contre l'érosion : en couvrant le sol près de 10 mois sur 12, notamment pendant l'automne, il réduit sensiblement l'effet du vent et du ruissellement.

Premier débouché : le biodiesel

En termes d'usages industriels, le premier débouché est le biodiesel : il restitue près de 4 fois l'énergie nécessaire à le produire et permet de réduire d'au moins 60% les émissions de CO2 par rapport au gazole, jusqu'à 80% les émissions de particules. Comparativement à d'autres solutions décarbonées pour le transport, le biodiesel présente l'avantage d'être utilisable sans investissement lourd dans les équipements (que ce soit au niveau des véhicules ou du système de distribution du carburant) et d'être mature dès à présent, ce qui présente un intérêt aussi bien pour la route que pour le rail : si des ruptures pourraient s'annoncer avec l'hydrogène, de telles évolutions n'auront pas d'effet réel durant cette décennie où il s'agit de rattraper le retard accumulé dans la décarbonation des transports. La chimie biosourcée forme également un axe prometteur pour la valorisation du colza, avec des applications dans des secteurs variés, en replacement des produits issus de la pétrochimie : des colles aux lubrifiants avec des débouchés allant de l'ameublement à l'automobile.

La question de l'usage des pesticides

La filière colza n'est évidemment pas exempte des débats qui traversent le monde agricole, notamment sur l'usage des pesticides. La solution passe par des efforts considérables de recherche et l'adaptation des pratiques culturales, notamment pour valoriser le rôle du colza dans la pollinisation. Au-delà de cette problématiques, les dérèglements du climat (susceptibles de produire des sécheresses... ou des excès d'eau) impliquent de multiplier les expérimentations par croisements, les mélanges avec des plantes plus précoces piégeant les parasites, l'optimisation des traitements selon les conditions climatiques...

Avec moins d'un million d'hectares de colza, la France doit importer à peu près 30% de ses besoins en huile et le taux de couverture des besoins en protéines se situe autour de 55 %. Le prolongement de « l'érosion » du colza augmenterait encore cette dépendance, à rebours des objectifs de politique publique que la France s'est donnée (y compris en matière de défense des pollinisateurs).

Le colza est, à ce titre, une illustration des enjeux qui se présentent devant nous : des choix agricoles doivent être faits pour assurer notre souveraineté et, en même temps, contribuer efficacement à réduire notre empreinte carbone. Ils demandent clairvoyance et ambition. Il est impératif que cette urgence trouve une place dans le débat présidentiel qui s'ouvre !

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Commentaire 1
à écrit le 04/10/2021 à 10:14
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Ok pour le Colza mais cela manque quand même singulièrement de maraichage en France hein pour ma part je vois le maîs et le blé monopoliser les 3/4 des champs environnants. Donc avant de penser à nos bagnoles il conviendrait de penser à notre faim no...

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