Faillites bancaires américaines : petites banques, grands effets ?

OPINION. Ça s'en va et (hélas) ça revient... le refrain est connu, tel un titre de variété frelaté, mais entêtant qui occupe les esprits... Et une nouvelle fois, ça vient des Etats-Unis ! Par Didier Alleaume, Associé Financial Services - Grant Thornton France
(Crédits : DR)

Les soudaines fermetures des banques Silicon Valley Bank et Signature outre-Atlantique ont réveillé les démons de la crise de 2008 qui avait vu vaciller les principales places financières et déstabiliser toutes les économies mondiales. Qu'avons-nous réellement appris ou retenu des précédentes crises ?

Si la chute de SVB est brutale, il faut reconnaître que tous les éléments nécessaires à un mauvais remake des catastrophes financières de la fin des années 2000 se sont progressivement mis en place depuis plusieurs années. Nous ne pouvons que constater, à retardement, les effets désastreux de l'allégement des contraintes réglementaires américaines. La levée de la réglementation Dood Franck par Donald Trump en 2018, a dispensé les banques régionales de stress tests prudentiels. Le seuil était de 50 milliards de dollars de bilan, il a été relevé à 250 milliards. Loin d'être anodin quand on sait que SVB avait un total bilan de 209 milliards de dollars...

Une régulation stricte, simplement identique à celle déjà existante avant 2018 ou des autorités de contrôle semblables à celles de l'Union européenne auraient pu éviter le défaut de ces établissements.

D'autres signaux auraient dû alerter...

La stratégie de gestion des risques de SVB, qui rassemblait tous les dangers : concentration de clientèle, modèle centré sur le capital risque, exposition excessive à la hausse des taux et un manque d'anticipation de la conjoncture... La fin de l'argent gratuit avec la brutale hausse des taux et le quantitative tightening de la FED ont ébranlé les bilans bancaires américains « gavés » d'obligations à  taux fixe. Les péripéties des acteurs des cryptos telle la faillite de FTX ont également mis à cran les marchés, déjà sevrés de liquidités.

Le casting explosif nécessaire à une catastrophe financière était donc en place, il ne manquait plus que l'étincelle... Ce fut en fin de semaine dernière le buzz d'une recherche de fonds par Silicon Valley Bank qui a abouti à ce bank run fatal, qui in fine aurait dû être évité avec une vraie régulation.

Et maintenant... ? Petites banques, grands effets ?

Tous les regards se portent sur les établissements semblables à SVB. Si certains experts pensent en effet que d'autres banques régionales américaines vont faire défaut, il faut empêcher que le doute, terreau de toutes les craintes, s'installe. Depuis la défaillance de SVB, un rallye sur les valeurs bancaires est lancé.

Tous les établissements bancaires européens dont les groupes français sont sous tension. La situation du géant Crédit Suisse, en souffrance depuis plusieurs années, a amplifié les répercussions de la situation américaine.

Il est paradoxal d'avoir célébré il y a quelques semaines les bénéfices records des banques européennes et voir aujourd'hui leurs actions chuter aussi brutalement sur les marchés. Le retour au calme s'impose pour rétablir la confiance. Toutes les banques centrales, au-delà de l'Union européenne, ont envoyé des signaux de soutien ferme au secteur financier, tel la Fed annonçant une garantie illimitée des dépôts pour les banques touchées avec la SVB. Les gouvernements ont multiplié les messages rassurants...

La situation en Europe reste éloignée de celle des Etats-Unis

Le cadre réglementaire européen a été considérablement renforcé suite à la crise financière, et les exercices de stress tests montrent la résilience du secteur financier même en cas de scénarios cataclysmiques.

La supervision des établissements systémiques, dont font partie la plupart des groupes bancaires français, a été renforcée par la BCE et par les autres superviseurs nationaux. La fin de la pandémie a permis le retour massif des OSI (on site inspection) témoignent de la réalité du contre pouvoir réglementaire européen.

Même si les marchés boursiers ont donc réagi à la chute de SVB et à la situation du Crédit Suisse, il faut rappeler que la résistance d'une banque ne s'évalue pas à sa performance boursière. Ce sont la solidité de son bilan et ses niveaux de liquidités qui priment. Les ratios de solvabilité des groupes bancaires français sont supérieurs aux exigences fixées par les autorités de tutelle Un french bank run n'a pas donc de raison objective de se produire. C'est un élément de réassurance dont il faut se féliciter. Keep calm donc !

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