Finissons-en avec les conservatismes sur la formation professionnelle  !

Lors de ses vœux aux Français, le Président de la République a rappelé le rôle de la formation dans l'objectif de renforcement de la cohésion sociale qu'il s'est fixé pour 2018. Non seulement parce que les compétences permettent de retrouver un travail, mais aussi parce que « la formation tout au long de la vie est l'indispensable protection qui permettra à chacun de faire face aux grands changements et de mieux les comprendre, d'être formé à de nouveaux métiers ». Par Godefroy de Bentzmann
(Crédits : DR)

Ces grands changements en cours se déroulent de manière quasi-simultanée sur un laps de temps très court. À l'heure actuelle, 90% de l'ensemble des emplois requièrent un minimum de compétences numériques (1). Par ailleurs, dès 2014, Syntec Numérique tirait la sonnette d'alarme en proposant un plan national de formation aux métiers et aux compétences du numérique car 900.000 emplois seront vacants dès 2020 dans la filière numérique en Europe (2).

L'enjeu est massif : près de 30 millions d'actifs sont concernés par ces nouvelles compétences pour changer d'activité. De plus, 85% des Français sont favorables à la reconversion professionnelle (3).

Cet énorme chantier de la formation est depuis quelques semaines entre les mains des partenaires sociaux. Il est impératif cette fois de le réussir au regard, non seulement des enjeux de la mutation du marché de l'emploi, mais aussi de la reconversion des individus imposée par la transformation numérique. Il ne s'agit plus de s'adapter au poste de travail ou d'évoluer dans son emploi, mais de gagner la bataille des compétences dans le cadre d'un parcours professionnel qui ne sera plus jamais linéaire.

Le cahier des charges de la réforme est connu : faire du sur-mesure pour les salariés, les chômeurs et les entreprises, tout en réorganisant l'allocation des ressources disponibles et en fixant pour la première fois aux organismes de formation une obligation de résultat avec une évaluation qualitative des formations dispensées digne de ce nom.

 Il n'est plus possible de former aux métiers du 21e siècle avec un système kafkaïen et illisible hérité des Trente Glorieuses qui mêle confusément État, régions, branches, OPCA, organismes de formation, entreprises et individus.

Alors que l'acquisition de nouvelles compétences est le sujet-clé de l'employabilité du 21e siècle, à la fois pour les actifs, mais aussi pour les demandeurs d'emploi et les jeunes qui se forment, Syntec Numérique, premier observateur-acteur de la transformation numérique en cours, s'inquiète que la négociation sociale délaisse cet objectif pour se perdre dans les sables du conservatisme et de la défense d'intérêts corporatistes.

Il existe aujourd'hui un fossé croissant entre les aspirations des actifs voulant participer au profond remodelage qu'impose la révolution numérique et, les circuits de formation inadaptés, en silo.

Il faut que demain nous puissions, en un clic nous inscrire à un module de formation pour maintenir nos compétences, en développer de nouvelles ou entamer une reconversion professionnelle.

Le maître-mot du parcours professionnel doit être l'individualisation de la formation qu'implique un pilotage autonome par un individu responsable, sans bien sûr négliger les besoins en compétence des entreprises.

Cela nécessite également que le financement de la formation des actifs ou des demandeurs d'emploi se diversifie et ne soit pas uniquement tributaire du financement par les entreprises. Il faut permettre un co-financement par l'individu, abondé éventuellement par l'entreprise et incité fiscalement, que seule la monétisation des droits à la formation permettra.

Il y a donc urgence à libérer la formation professionnelle en changeant de logique pour passer d'une ingénierie de financement à une véritable ingénierie de compétence. Faisons donc en sorte collectivement que la négociation en cours ne soit pas une nouvelle fois la montagne qui accouche d'une souris.

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(1) Estimation commission Européenne  - Communication de la Commission européenne sur l'examen à mi-parcours de la mise en œuvre de la stratégie pour le marché unique numérique, Un marché unique numérique connecté pour tous (2017)

(2) Etude « E-skills en Europe » de la Commission européenne (2014)

(3) Sondage « Nouvelle vie professionnelle » pour AEF (novembre 2017)

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Commentaires 5
à écrit le 23/01/2018 à 6:51
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Les formations bidons - style PNL - et autres singeries s'affichent par pages entières sur le web "certifiées AFAQ". Même celles qui sont désignées comme très particulières (voir sur site de la MIVILUDES, rapport de la Cour des Comptes notamment) se ...

à écrit le 22/01/2018 à 17:28
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" faire du sur-mesure pour les chômeurs " : On vous dit aujourd'hui d'aller vous faire voire avec le "plan régional de formation". On aime toujours autant les plans en France, avec son GOSPLAN plein de spécialistes, des "consultants", des "conseill...

le 31/01/2018 à 10:41
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Mefiez vous des conslutants, conseillers, experts en formation du "service public". Ils vous enverons dans des organismes de "formation" amis afin de pouvoir les faire tourn€r financièrement. Ils vous diront " c'est pour vous aider qu'on fait ça" ...

à écrit le 19/01/2018 à 10:56
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D'accord sur les partenaires sociaux qui recherchent dans la formation des fonds (le grain à moudre) et une légitimité sociale (qu'ils n'ont pas avec 5 % de syndiqués dans le privé). Par contre l'individualisation de la formation comme nouvelle fron...

à écrit le 18/01/2018 à 20:27
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90% des emplois avec la maîtrise de l’outil informatique Oui mais avec d’autres exigences qui font le poids à côté Langues Nombre d’annee d’experience sur poste similaire Niveau de diplôme Il n’y a pas «  juste » ce facteur pour les recru...

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