Investir dans les Objectifs de développement durable, mode d'emploi

Les 17 Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies peuvent constituer des opportunités d'investissement, par exemple dans le recyclage de métal ou les batteries. Par Jessica Alsford, responsable de la recherche en développement durable chez Morgan Stanley.
Jessica Alsford, responsable de la recherche en développement durable chez Morgan Stanley.
Jessica Alsford, responsable de la recherche en développement durable chez Morgan Stanley. (Crédits : Morgan Stanley)

En 2015, dans le cadre du Programme de développement durable à l'horizon 2030, les pays membres des Nations Unies ont adopté les 17 Objectifs de développement durable (ODD). La communauté internationale s'est ainsi fixé un plan d'action, lequel s'inscrit dans un nouveau programme de développement durable, pour mettre fin à la pauvreté, protéger la planète et garantir la prospérité pour tous.

La réalisation de ces 17 objectifs, articulés en 169 cibles, nécessitera entre 5 et 7 milliards de dollars d'ici à 2030, selon la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement. Des capitaux devront être injectés dans des domaines clés comme l'éducation, l'infrastructure et les énergies renouvelables, ce qui devrait créer un large éventail d'opportunités d'investissement offrant un impact concret, pour les investisseurs comme pour les entreprises. Ainsi, la réalisation des ODD pourrait, dans ces conditions, être un moteur essentiel de la croissance économique mondiale future, et, par la même voie, de rendements financiers à long terme.

Nous avons identifié de nombreux secteurs et régions susceptibles d'intéresser les investisseurs qui recherchent un rendement financier tout en contribuant aux objectifs des Nations Unies, dans notre série Sustainability Research consacrée aux ODD. Ainsi, le secteur du recyclage du métal pourrait soutenir la réalisation de l'ODD12, « Consommation et production responsables », en réduisant l'utilisation croissante des ressources épuisables. La production d'aluminium ou de cuivre à partir de déchets réduit également la quantité d'énergie nécessaire par rapport à la production à base de sources primaires. Il en est de même des fabricants de batteries, dont le travail de développement de nouvelles technologies est essentiel afin de permettre à l'essor des véhicules électriques de jouer un rôle dans la réalisation de l'ODD11, « Villes et communautés durables ».

De nombreux secteurs peuvent contribuer à la réalisation de plusieurs objectifs. En Inde et aux Philippines, des entreprises de services publics créent des infrastructures pour accroître l'accès à l'électricité dans les régions les plus défavorisées. L'électrification est un facteur important du développement économique, et favorise ainsi l'ODD1, « Pas de pauvreté ». En outre, les sociétés disposant d'installations de production électrique à partir de ressources renouvelables et offrant des produits à haute efficience énergétique seront en phase avec l'ODD7, « Energie propre et d'un coût abordable ».

Le secteur de la collecte et du traitement des eaux usées dans les régions présentant un faible accès aux services d'assainissement, telles que l'Afrique subsaharienne, offre aux investisseurs la possibilité de contribuer à l'ODD6, « Eau propre et assainissement ».
Notons ici que, si tous les secteurs sont susceptibles d'appuyer la réalisation des ODD, certains joueront un rôle moteur pour les autres. L'investissement dans des projets d'infrastructures peut stimuler la croissance économique et la création d'emplois, tandis qu'un accès répandu à internet par les opérateurs de télécommunications améliore l'inclusion sociale, soutient la productivité et dynamise l'innovation. Le déploiement des technologies de l'information peut servir des projets très divers, allant de l'atténuation des risques climatiques au renforcement de la sécurité.

Les Objectifs de développement durable ne peuvent et ne doivent pas être envisagés indépendamment : les efforts en vue de leur réalisation seront influencés et favorisés par les grandes transformations en cours, comme la révolution numérique et l'économie du partage. De plus, il faut également compter avec certaines circonstances et certains événements exogènes, tels que l'Accord de Paris sur le climat à l'issue de la COP21, les élections à l'échelle nationale ou des incidents écologiques, lesquels peuvent dans le meilleur des cas sensibiliser l'opinion publique et donc favoriser la réalisation des ODD, mais également créer de nouveaux obstacles à leur réalisation. Pour les investisseurs souhaitant s'aligner sur les ODD, mesurer l'impact environnemental et social net des entreprises constitue la difficulté majeure, selon nous.

A cet égard, un effort considérable de transparence est nécessaire: les données publiées par les entreprises en matière de durabilité sont peu cohérentes et insuffisantes. Or, la publication de ces données est essentielle pour l'intégration des ODD dans les décisions d'investissement. Il importe à présent de passer des déclarations superficielles ou d'intention à l'utilisation d'indicateurs de performance pour suivre et mesurer l'impact.

L'intégration par une entreprise des ODD dans ses priorités stratégiques existantes et la publication de ses résultats en la matière dans son rapport annuel figurent selon nous parmi les meilleures pratiques rencontrées actuellement. Selon une étude réalisée par Corporate Citizenship, 49% des entreprises déclaraient en 2016 qu'elles étaient susceptibles d'intégrer les ODD dans le cadre de leurs pratiques de transparence, contre 29% en 2015. Mais cela passe également par la prise d'actions supplémentaires par les sociétés. Atteindre les ODD implique des changements et des progrès, que les données publiées en matière d'impact social et environnemental doivent refléter.

Préconiser une transparence accrue en matière d'impact social et environnemental ne signifie pas pour autant que la création de valeur économique doive être négligée ou reléguée au second plan.

Pour que l'investissement dans les ODD séduise les investisseurs de capitaux, il serait logique d'attendre que leurs perspectives de rendement soient comparables à celles d'autres options d'investissement, les bénéfices sociaux et environnementaux constituant alors un plus. Ce n'est qu'alors que la demande pour ce type d'investissement atteindra un niveau suffisant afin que l'ambition des Objectifs 2030 puisse être qualifiée de réaliste.

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Commentaires 2
à écrit le 10/10/2018 à 8:44
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Vous demandez à des gens qui sont habitués à gagner 30% de revenus en plus chaque année en investissant sur la destruction de la planète et son humanité de ne plus se faire que 5% de revenus en investissant sur la protection de la planète et son huma...

à écrit le 09/10/2018 à 16:28
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les entreprises françaises s'en sortent pas mal sur la transition écologique, d'après EcoAct : https://www.usinenouvelle.com/article/les-entreprises-du-cac-virent-au-vert.N748759

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