La réforme de l'apprentissage dessine la France de demain

Le consensus autour de l'apprentissage suscite des espoirs malgré dix ans d'échecs. Par La France en Croissance (*).
(Crédits : DR)

L'apprentissage est devenu un sujet consensuel. Les acteurs du monde politique, les entreprises, les syndicats comme les éducateurs en sont convaincus. Près des trois quarts des Français en ont une bonne image. Tous s'entendent sur la nécessité de développer cet instrument privilégié de l'insertion des jeunes dans l'emploi, alors que leur taux de chômage reste anormalement élevé à 24%.

Il a fait ses preuves, non seulement chez nos voisins allemands ou suisses souvent cités en exemples, mais en France également : 65% des jeunes ayant suivi des études en apprentissage de niveau CAP à BTS ont un emploi sept mois après la fin de leur formation, dont la moitié en CDI. L'expérience démontre que c'est la meilleure voie d'entrée dans le monde du travail pour les jeunes et en particulier pour les moins qualifiés.

Et pourtant, les échecs se succèdent. Le plan de relance de l'apprentissage, en 2015, prévoyait 500.000 apprentis en France en juin 2017. Or, le nombre d'apprentis plafonne à 400.000. En 2011, le plan était deux fois plus ambitieux avec un million de contrats visés. Les plans ont succédé aux réformes et aux livres blancs et 8,2 milliards d'euros sont investis chaque année. Force est de constater que l'apprentissage ne décolle pas dans notre pays. Au contraire, le nombre d'apprentis a reculé de 4% depuis 2010, la baisse atteignant 20% pour les jeunes les moins qualifiés. Il est temps de remettre les choses à plat en partant des blocages.

Faciliter la vie des TPE et PME, principaux recruteurs d'apprentis

Ce sont les entreprises de moins de dix salariés qui recrutent le plus d'apprentis. Pour elles, chaque cas est une chance mais aussi un effort considérable. Recruter un jeune en apprentissage, c'est d'abord investir du temps, au détriment au moins temporaire de la production. C'est surtout être le premier contact de ce jeune avec les exigences du monde professionnel, de ses contraintes, de ses codes, de la responsabilité individuelle et du savoir-vivre. Ce qui est demandé aux entrepreneurs, c'est de donner une triple formation technique, sociale et éducative, tout en faisant tourner leur affaire. Autant leur faciliter la tâche.

Du point de vue de l'entrepreneur, la lourde charge administrative s'ajoute à l'illisibilité d'un système qui fait coexister un grand nombre d'acteurs. Le manque de flexibilité dans l'adaptation des formations aux besoins des entreprises crée un déséquilibre entre offre et demande. La logique de la formation à des métiers rend la mobilité professionnelle difficile. L'orientation de la taxe d'apprentissage se fait au détriment des jeunes moins formés. L'éclatement des aides à l'embauche, la complexité des solutions de financement et la rigidité des contrats agissent comme autant d'obstacles pour des entreprises pourtant désireuses d'ouvrir leurs portes aux nouvelles générations.

Dans ce contexte, l'état de la négociation en cours sur la formation professionnelle a de quoi inquiéter. Les rapports de force pour le contrôle de son financement sont marqués de ruptures et de coups d'éclats. L'efficacité doit être mise au cœur de la recherche de solutions. Nous appelons le Gouvernement à placer en tête de la liste des priorités, d'abord les intérêts des jeunes, dont l'objectif est d'accéder à un emploi dans lequel ils vont s'épanouir, mais immédiatement ensuite les intérêts des entrepreneurs qui recrutent. L'objectif est de réduire le chômage des jeunes, le moyen est d'augmenter le nombre d'apprentis.

Des idées pour rendre l'apprentissage attractif

Pour ce faire, la simplification des démarches administratives est une nécessité. Rapprocher les entreprises des Centres de Formation des Apprentis (CFA) pour construire en commun les diplômes en fonction des besoins des bassins d'emploi en est une seconde. Passer d'une logique de métiers à une logique de compétences afin d'améliorer l'employabilité des personnes formées en est une troisième. Rendre les contrats plus souples pour permettre une entrée en apprentissage plus facile et une rupture moins problématique en est une quatrième. Enfin, tout cela ne sera rendu possible que par un pilotage unique, clair et objectivé du système.

La question de l'image des apprentis mérite également d'être posée. C'est aujourd'hui l'heure de la "révolution culturelle" évoquée par le Président de la République, qui reconnaît pleinement l'apprentissage comme un chemin d'excellence. La voie de l'alternance est celle de la connaissance mêlée à l'expérience, source de la véritable compétence. Pour nous, c'est celle qui a le plus de valeur sur le marché du travail.

La réforme de l'apprentissage sera donc décisive à plusieurs niveaux : il en va de l'emploi des jeunes, mais également de la façon dont on considère la formation professionnelle et le développement des compétences tout au long de la vie. C'est la croissance d'aujourd'hui et plus encore celle de demain qui en dépendent. La réforme sera à ce titre un signal fort sur les choix du Gouvernement en matière de politiques publiques : nous espérons qu'il sera du côté de l'efficacité.

(*)  La France en Croissance est un mouvement et une association d'entrepreneurs, qui souhaitent porter une réflexion sur l'entreprise de demain, répondre aux enjeux d'innovation, intelligence artificielle, transition écologique, parité dans les entreprises etc. Créée en décembre 2017, son objectif est de faire un constat sur la vision de l'entreprise en France aujourd'hui, de ses besoins, de son avenir et de présenter des propositions pour l'accompagner dans la transformation économique et politique du pays.

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Commentaires 6
à écrit le 03/02/2018 à 17:11
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L'Etat doit consacrer à l'apprentissage au moins autant de moyens financiers que pour l'enseignement supérieur , dont une partie pour rémunérer les entreprises qui forment les apprentis . cette rémunération pourrait être définie sur une base équivale...

à écrit le 03/02/2018 à 8:19
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Il faut aussi tenir compte du role de l'énergie dans le développement de l'économie. Voir la note n°6 du CAE, page 12. Le travail et l'énergie correspondent à la même notion.

à écrit le 02/02/2018 à 21:39
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Des entrepreneurs qui lance croissance en France ... réflexion sur une société de numérique ... C’est quoi ça ? Une sorte de déculpabilisation de ces dix dernières années ou 30 dernières années En France ... quand Goldman chantait «  voler les...

à écrit le 02/02/2018 à 17:30
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L'intérêt des jeunes est une évidence mais les 4,5 milliards d'€ de l'apprentissage aiguisent l'appétit des requins qui se servent de ce paravent pour récupérer la gestion de cette manne financière....ce n'est pas nouveau...

à écrit le 02/02/2018 à 17:19
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" Près des trois quarts des Français en ont une bonne image". Mais font tout ,pour pas y envoyer leur gosses.

le 02/02/2018 à 23:00
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et de toutes manières les patrons ne se bousculent pas pour prendre des apprentis. Même en subventionnant lourdement l'apprentissage ils préfèrent attendre que des jeunes déjà formés les supplient de les prendre (25% de chômage ca change la donne......

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