Logement : sortie de crise ?

OPINION. Un point sur le marché de l'immobilier par André Yché, Président du conseil de surveillance chez CDC Habitat.
(Crédits : DR)

La situation des marchés du logement est caractérisée par une double crise :

  • De la demande, essentiellement provoquée par l'exclusion de 40% des acquéreurs (emprunteurs) potentiels du fait de l'augmentation des taux d'intérêt réels et du durcissement des critères prudentiels appliqués par le secteur bancaire ;
  • De l'offre, résultant de la difficulté d'engendrer des projets équilibrés, du fait du renchérissement des coûts de production et de la raréfaction du foncier, en partie liée à la mise en œuvre de politiques pro-cycliques (ZAN, malthusianisme local).

À ce stade, il est frustrant de constater qu'aucune stratégie de relance ne voit le jour, traduisant un sentiment général d'impuissance de l'ensemble des acteurs : l'origine de cette passivité réside dans l'incapacité collective à « penser autrement » le système économico-institutionnel du logement, alors même que la réussite, en 2014, du logement intermédiaire financé par des investisseurs privés a ouvert la voie d'une approche innovante et manifestement adaptée aux réalités économiques.

Pour prendre en compte la situation actuelle et amorcer une réforme structurelle qui produise des effets durables, deux axes d'effort pourraient être privilégiés :

D'abord, favoriser la relance de la production en rétablissant la confiance des promoteurs par la sécurisation des opérations majeures, en mobilisant des « preneurs en dernier ressort » des programmes susceptibles d'être engagés (rôle joué par la SNI puis CDC Habitat en 2008, 2020, etc.) :

  • En consentant aux promoteurs des « options de vente » (« puts ») portant sur 30% des programmes concernés pour un prix contractuel à marge nulle, susceptibles d'être exercées en cas de difficulté ou de retard dans la commercialisation ;
  • En obtenant des promoteurs, des « options d'achat » (« calls ») portant sur 15% à 20% des programmes concernés, pour un prix contractuel à faible marge, susceptibles d'être exercées par l'investisseur principalement dans l'hypothèse où le promoteur déciderait de ne pas exercer son « put ». Il s'agit, en fait, de la contrepartie en termes d'espérance de gain de la prise en charge par l'investisseur d'une partie du risque de promotion.

Il s'agirait donc d'un dispositif symétrique d'options de vente et d'achat, consistant à redistribuer équitablement la couverture du risque et l'espérance de gain.

L'effet multiplicateur de ce dispositif permettrait d'obtenir une relance beaucoup plus significative que la simple acquisition de programmes choisis de manière nécessairement très sélective, alors même que la plupart des projets envisagés ne sont pas engagés, du fait de l'insuffisance du niveau des réservations et de taux de désistement élevés.

Ensuite, engager la territorialisation pratique de la politique du logement en organisant la constitution de fonds territoriaux au niveau régional et/ou métropolitain, par mobilisation d'acteurs publics et privés, dans un double objectif :

  • Alimenter des outils dédiés à l'action foncière, s'agissant de projets de reconversion de sites artificialisés (zones commerciales, etc.) en facilitant des opérations de portage sur 6 à 10 ans, avant remise sur le marché.

Certes, les EPFR interviennent déjà en matière d'acquisition foncière, mais leur action s'exerce essentiellement sur des actifs réels à partir de leurs seules ressources propres : les fonds territoriaux permettraient des prises de participation dans des sociétés de projets et leur capacité d'investissement pourrait être accrue par la présence d'investisseurs privés.

  • Capitaliser des foncières dédiées à l'acquisition de patrimoines menacés d'obsolescence sous l'effet conjugué de difficultés de refinancement de dettes à moyen terme (7/8 ans) dans un contexte de hausse des taux (cf. situation de VONOVIA), et de la nécessité de financer des CAPEX destinés à la mise aux normes thermiques d'actifs déclassés (E, F, G) portés par des véhicules d'investissement (SCI, SCPI, family offices...) avant leur remise sur le marché. L'éligibilité desdites foncières à des interventions publiques (par exemple à travers la BEI) pourrait être fondée sur leur rôle éminent dans la transition écologique.

Il s'agit ainsi de s'extraire d'une conception de la « décentralisation de la politique du logement » circonscrite au champ politico-administratif pour privilégier une approche opérationnelle, basée sur la constitution des outils nécessaires à la mise en œuvre d'une véritable politique territoriale du logement. Dans le même ordre d'idées, consistant à immerger le secteur du logement et la politique de l'habitat dans la réalité financière et industrielle des marchés, il est nécessaire de compléter la loi Elan, purement nominale en ce sens que portant sur la taille minimale de regroupements d'organismes de même nature, par la création de filières de production régionales, associant organismes HLM, aménageurs publics (EPL dont l'activité devra évoluer vers la réalisation d'opérations de plus en plus complexes et imbriquant tous les segments de production : cf. Village Olympique), opérateurs fonciers (EPFR et OFS). Dès lors, la décentralisation opérationnelle reposerait sur des outils financiers (les fonds territorialisés régionaux et métropolitains) et industriels (filières régionales) qui permettraient de « sortir par le haut » du sempiternel débat relatif aux autorisations d'urbanisme (les PC « intercommunaux ») qui n'a guère progressé depuis plus d'un quart de siècle.

En conclusion, la sortie de la crise ne peut reposer exclusivement sur la commande publique, ni même principalement sur des mesures administratives, mais sur l'innovation technique (le recours, longtemps critiqué, du secteur HLM à la VEFA depuis 15 ans), industrielle et juridique (les OIN) et financière (les contrats d'option).

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